Chapitre 4

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Pas un mot, pas un cri ne sortant de la bouche d’Arthur, Vénec s’approcha de lui pour vérifier s’il vivait encore et c’est à ce moment que l’ancien souverain vomit du sang.

Le messager, ayant effectué sa mission, détacha le prisonnier et celui-ci se tordit de douleur avant de trouver la force d’entrer dans sa jarre, de s’y asseoir et de… rire. Arthur était envahi par une hilarité qui choqua même certains passants, estimant que le malheureux avait perdu la raison.

Après plusieurs minutes, Cinghiale retrouva un peu ses esprits et fit le point sur sa situation : « Suis-je mort ? Possédé ? Les deux peut-être, oui les deux ». Cette certitude l’aurait enfoncé jusque dans la tombe si sa curiosité ne l’avait pas poussé vers une ultime circonvolution : récapituler les signes divins qui auraient pu lui faire percevoir les révélations de Merlin.

L’exercice faillit être fatal à Arthur à plusieurs reprises, que ce soit en l’enfonçant dans la folie ou en le poussant à se trancher les veines. Cependant, cette étrange épreuve se transforma au fil des heures en une sorte d’œuvre d’art ou de jeu de piste où tous les éléments de sa destinée s’encastraient bientôt comme pour un puzzle. Méléagant le marionnettiste, Anna l’incestueuse et surtout ce fils Mordred dont il avait toujours perçu l’inéluctabilité de l’existence, sans jamais réussir à en avoir la preuve.

« Si je me relève, ce ne sera pas par obéissance aux Dieux, mais par orgueil personnel. Je veux bien mourir, mais je refuse d’abandonner l’être que j’ai toujours souhaité engendrer. Le néant devra attendre, car la bonne poire va se rebiffer une ultime fois. »

Ce n’est qu’à la nuit tombée, que le sanglier ressortit de sa jarre et que Vénec crut qu’un phœnix venait de renaître de ses cendres. De toute évidence, le « Arthur autodestructeur » avait disparu, remplacé par un être à l’esprit maintenant clair, mais au sentiment d’injustice à fleur de peau.

— Comment a-t-il osé bafouer toutes les règles ?

— Qui ? demanda le bandit au grand cœur.

— Méléagant, il veut détruire l’humanité en se basant sur le pouvoir divin de Mordred, qu’il a obtenu grâce à moi. Pour arriver à ses fins, ce sorcier s’est associé à ma demi-sœur Anna qui a vu dans ce fils consanguin et élevé dans la haine de son père, une vengeance idéale.

— Un instant, je ne devrais peut-être pas dire cela, mais Merlin a pu vous mentir pour vous inciter à redevenir roi et sauver le peuple breton.

— Non, dans ce monde, seule la magie est sûre ; or il m’arrive de faire des rêves et ils ne m’ont jamais abusé. J’ai jadis vu une femme changer de forme et prendre l’apparence d’Aconia, ma première épouse. Cette vision issue de mon pouvoir divin voulait me prévenir, comment ai-je pu être si aveugle ?

— Vous êtes sûr ?

— Oui, le pire c’est que j’ai souvent rêvé de mon fils, alors que nous marchions dans un champ. Mon envie de paternité, idéalement avec Aconia, a altéré mon jugement et Méléagant s’en est servi. D’abord il m’a fait croire que je ne pouvais enfanter, ce qui m’a conduit à une tentative de suicide, puis à perdre mon royaume. Bien avant, ma demi-sœur Anna était tombée enceinte de moi, surement en prenant l’apparence d’une de mes maitresses. Je ne me maudirai jamais assez, pour m’être laissé abuser si facilement par cette vipère.

À cet instant, Arthur cracha du sang. Vénec lui proposa un gobelet de vin, mais son interlocuteur lui préféra de l’eau.

— Et maintenant ? déclara le visiteur.

— Je vais partir du principe que Merlin m’a dit la vérité et lui obéir, tout en me gardant le droit de lui demander ultérieurement des comptes. Il est temps de lester le lac d’Avalon d’une épée, dont la caractéristique est de reconnaître le destin exceptionnel de son utilisateur, en bien évidemment, mais je ne le comprends que maintenant, également en mal. Une fois le lien entre moi, mon fils et Excalibur brisé, j’espère que cela sera suffisant pour rompre la malédiction dont les Dieux m’ont affligé, afin de sauver mon âme et celle de Mordred.

— Merlin n’a pas indiqué qu’en faisant cela, votre enfant ferait la différence entre le bien et le mal. J’ai entendu parler de lui, il est souvent cruel et certains disent qu’il est même pire que Méléagant ou sa marionnette Lancelot.

Il y eut un instant de silence et Arthur fixa son interlocuteur d’un regard noir.

— Écoute-moi bien. Je refuse que mon fils souffre à cause de mes faiblesses passées. Ce sera mon ultime désir. Au fait, veux-tu m’aider dans ma quête ?

Vénec fit la moue, puis haussa les épaules.

— La région Romaine est infestée de barbares et si vous revenez aux affaires en Bretagne, ça me permettrait facilement de me remplir les poches.

— Je ne souhaite pas retourner sur le trône.

— En retirant l’épée des Dieux, vous le redeviendrez forcément.

— Ce n’est pas faux. Qu’importe les conséquences, je ferais l’impossible pour sauver mon fils. Commençons par chercher cet Arcana de Lombardie, afin qu’il me concocte une fiole de régénération.

— Non, répondit Vénec.

— Tu me crois trop faible pour faire ce voyage.

— Le problème n’est pas là. J’ai accidentellement ouvert la lettre de Merlin quand j’étais sur la route et rencontré par hasard le magicien lombard, qui m’a… vendu la potion. Au fait, vous me devez cent pièces d’or, dit Vénec en lui tendant un flacon.

« Il me ment, pensa à juste titre Arthur. Le prix pour une fiole de régénération est de cent mille pièces d’or et Merlin n’a pas indiqué dans sa lettre que je devrais la payer. Peu importe, un petit mensonge vaut mieux qu’une trahison ».

— Et si j’étais mort ou avais refusé d’obéir à Merlin, demanda Arthur en commençant à boire le liquide au goût doux-amer.

— Inutile de vous en faire pour cela Sire, je l’aurais revendu le double au marché noir.

— Évidemment, répondit Arthur, alors qu’il sentait déjà ses forces revenir.

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