Laissez-nous rêver ! Réflexions autour du scénario et de la construction du récit
"Laissez-nous rêver", cette phrase apparemment banale, lâchée par un de mes professeurs d'analyse filmique, me fit l'effet d'une supernova. Elle éclipsa le reste : le sens psychanalytique, la construction parfaite, la technique rodée, les paradigmes censés nous permettre d'écrire LE film parfait, celui qui déplacerait les foules et nous ferait monter les marches des festivals en remplissant nos poches de lingots... Gloire, pouvoir, argent, carrière, vie à 200 à l'heure, contraintes, angoisses... Tout cela balayé d'un simple revers de la main par une courte phrase, trois mots essentiels. Regardons-les de plus près pour mieux comprendre ce qu'ils nous racontent :
"Laissez", ça c'est un ordre. Mais à qui s'adresse-t-il ? A ceux qui ne veulent pas nous laisser vivre les choses comme on l'entend, pardi ! Comme c'est un ordre, il agit d'autorité, comme un rejet puissant, un cri du cœur.
"Nous", ça se précise. Qui c'est "nous" ? Nous, ce sont ceux qui poussent le même cri, bien sûr ;-) Ceux qui ne veulent pas qu'on leur dicte les choses. On sent derrière cette association comme une révolte adolescente contre un ordre établi.
"Rêver", là on touche au but et en même temps on ouvre la porte vers l'infini. Rêver est un mot qui peut s'écrire de la même façon dans tous les sens : à l'envers, à l'endroit... il n'a pas de sens préférentiel. Tout comme la matière des rêves. Il coule de droite à gauche, de gauche à droite, on ne peut pas le coincer ou l'arrêter. Il est l'essence même de l'évasion.
Aujourd'hui, des années plus tard, ces mots résonnent encore avec force dans mon esprit. Ils me disent : ne t'inquiète pas pour la technique, ne t'occupe pas de la mode, ne te laisse pas influencer par ce que la logique peut te dicter, ne laisse pas les autres te dire ce que tu dois raconter ou comment tu dois écrire, n'écoute que ce qui te porte. Laisse-toi rêver... et partage tes rêves.
Dans la suite de ces billets courts, je vais partager mon ressenti sur l'écriture : comment finalement le rêve se nourrit de certaines alchimies essentielles, parmi lesquelles figurent (paradoxalement) de la technique et de la matière grise, de la sueur, du doute et pas mal de volonté. Car il y a d'un côté l'imagination et de l'autre sa communication vers un lecteur : activité de destruction/reconstruction qui peut s'avérer fatale... ou magique.
Passer du rêve au récit du rêve, voilà un énorme challenge.
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