9 - Message bien reçu !
Le grand brun fit semblant de réfléchir un instant à ma requête et m'embarqua à la sortie en souriant.
En sortant, il fit signe à l'homme près de Charlotte. Ce dernier finit par nous rejoindre.
Le grand brun me sciait le bras de sa poigne. Des fourmis me picotaient dans la main, mais je gardais la tête haute et tentais de suivre le rythme. Charlotte ne me vit pas, elle commandait à boire.
Une limousine noire s'arrêta devant nous. Tout le groupe dont je faisais partie y entra. Moi et le grand brun en premier. Il profita son élan en s'assayant pour me déséquilibrer et me faire glisser sur ses genoux.
Une de ses mains vint comme par miracle accueillir mon postérieur. Je tentais de me soulever, mais il serra mes deux poignets à la seule force de sa main libre. La douleur me plia en deux. Je crus sentir mes os se briser sous sa prise. Je lâchais malgré moi un léger gémissement de douleur.
– Ainsi donc, après tant d'années, je te trouve ici. Alors que j'ai retourné la terre entière et fouillé toutes les dimensions depuis des millénaires. Tu viens à moi maintenant.
Il caressa ma chevelure et me fixait comme son trophée. La douleur me coupa l'envie de lui répondre d'aller se faire voir ailleurs, pourtant l'envie ne me manquait pas. Ce mec était un psychopathe, aucun doute.
– Je sais que c'est toi. Je l'ai toujours su, je te sens.
Il humait ma peau en même temps qu'il me parlait. Mon cœur ne se calmait toujours pas, mon corps tremblait et un froid glacial me transperçait.
– Pourtant, tu sembles différente. Tu as toujours été une proie difficile à débusquer et nombreux de mes frères et sœurs sont morts sous ton glaive. Tu t'es toujours battue avec honneur. Mais là, j'ai l'impression d'avoir trouvé l'agneau dans la bergerie. C'est triste.
Je n'avais pas eu le temps de réfléchir à ces mots qu'il lâcha mes mains soudainement et posa sa main sur mon front. Aussitôt le sombrait dans l'obscurité.
Je me réveillais dans une chambre luxueuse, éclairée par des chandeliers. Je m'assis dans le lit et découvrit que j'étais nue sous cette couverture en soie brodée de fil d'or. Je fis vite le malheureux constat d'une porte close à gauche du lit, comme je m'en étais douté. J'étais visiblement seule et après quelques investigations je trouvais une bassine d'eau chaude, un linge et une longue robe en velours bleu saphir posé au pied du lit en merisier sculpté.
Je pris le temps d'une brève toilette, enfilais ma tenue qui m'allait comme un gant. Je pensais qu'elle gratterait, mais elle était doublée de soie du même bleu. Les manches étaient longues, la robe traînait légèrement au sol. Il me manquait quelques centimètres.
Je me dirigeais ensuite vers la cheminée crépitante et m'installais dans un fauteuil Crapeau. Sur la table en face, une brosse à cheveux en poils de sanglier reposait ainsi que des ballerines assorties à ma tenue.. Tout semblait être prévu et programmé comme du papier à musique.
Je ne savais pas ce qui m'attendait et je ne comprenais pas pourquoi je me sentais si sereine en ce lieu. C'était troublant, car je n'avais aucun souvenir d'un endroit semblable, mais je m'y sentais comme chez moi. J'avais dû être droguée par la bande de psychopathes.
La porte fut délicatement ouverte et une jeune fille me chercha du regard. Elle paraissait soulagée de me trouver là, m'offrit un léger sourire et vint à ma rencontre la tête baissée.
– Son Excellence est-elle prête à rencontrer Monsieur le Duc ?
Je mis quelques secondes à comprendre que l'"Excellence" c'était moi.
– Euh oui. Enfin, je suppose que je n'ai pas vraiment le choix.
La jeune fille semblait troublée par ma réponse, mais se reprit. Elle me présenta une longue cape, du même tissu que ma robe, mais plus chaude.
– Veuillez me suivre, je vous prie.
Un Golgoth attendait derrière la porte et ne prononça un mot. Il nous talonna tout le long du trajet.
Nous longeâmes un immense couloir tapissé et couvert de tableaux très anciens. Les murs en pierre étaient frais et l'ambiance sombre était étouffante. Comme dans ma chambre, aucune trace d'électricité dans les installations. Des chandeliers et des torches semblaient leur suffirent.
La jeune fille devant moi devait avoir environ seize ans. Elle était blonde, ses longs cheveux bouclés dépassaient de son turban en coton rouge. Sa tenue était usée et déteinte. Ses petites mains calleuses et fragiles me donnaient une idée de sa fonction.
Elle me fit signe d'attendre un instant devant une lourde porte puis l'ouvris de nouveau pour la faire rentrer. J'avançais prudemment dans cette pièce lumineuse et chaude. Le grand brun se tenait assis devant un bureau. Il me faisait penser à cette garce de Madame Schtrasse, si hautain et pédant que j'avais autant envie de les giffler que de vomir.
Il leva enfin son regard de braise sur moi. L'espce de deux secondes, je cru lire le désir dans ces yeux et de la satisfaction. Puis il reprit son attitude froide et austère.
– Altesse ! Je crois que je vous dois des excuses pour mon comportement.
Son attitude adoucie me rendait suspicieuse. Comme je ne lui répondais pas, il poursuivit.
– Mais avant tout, je pense qu'une présentation et quelques éclaircissements sont nécessaires.
Il me pria de m'asseoir face à lui et de l'écouter.
– Je suis le Duc de Falllandblur. Mais mes proches m'appellent par mon prénom, Karan. Et vous êtes la Princesse des ténèbres. Votre âme voyage dans différentes formes d'êtres depuis des millénaires pour que vous accomplissiez la prophétie.
– La prophétie ? Pas de doute, j'ai pris un coup sur la tête, à moins que je sois dans un hôpital psychiatrique ?
– Oui votre père Belzébuth, vous a créé pour que vous accomplissiez sa Grande Destinée. Reprit-il malgré ma mine déconfite. Mais oui, c'est la marmotte qui met le chocolat dans le papier alu !
– Je pense que vous faites erreur sur la personne, Monsieur Fallandlur. Je ne suis qu'une simple femme qui n'a qu'un destin des plus banales.
– Fallandblur, mais vous m'avez toujours surnommé Ka par le passé. Ne vous souvenez-vous absolument rien dans cette vie-là ?
– Je ne comprends pas ce que vous attendez de moi. Je pense que vous faites fausse route et je ne sais pas comment vous prouver que vous vous trompez sur la personne Monsieur.
Il fit mine de réfléchir, fronçant les sourcils et tapotant son index sur son menton. Il m'observait tout en traversant la pièce.
– Je pense que je peux vous prouver avec certitude ce que je sais à votre sujet. Mais je doute que vous acceptiez la méthode.
– Ai-je vraiment le choix ?
– Eh bien, votre père a été informé de votre état de profonde amnésie. Il suggère que cette incarnation ne correspond pas à votre esprit et que de ce fait, ce n'est pas avec ce corps que la prophétie va se réaliser.
– J'imagine bien qu'on ne va pas me laisser gentiment rentrer chez moi ?
– Vous imaginez bien. Vous avez deux solutions. Soit vous accepter l'épreuve qui vous attend et vous avez raison, vous êtes une banale humaine et on vous relâchera en prenant quelques précautions. Soit vous n'aurez pas le choix que de suivre votre destinée.
– Et pourquoi n'aurais-je pas le choix ? Si j'ai bien compris, selon vous je suis une princesse ? Donc vous m'êtes hiérarchiquement inférieur ? Ne serait-ce pas moi qui devrais vous donner des ordres en ce cas ? Allez, dis-moi que ça marche ce coup de bluff ?
Il sourit à ma tentative, mais répondit calmement.
– En effet Princesse, votre statut vous place au-dessus du mien.
Je pensais avoir gagné la manche, mais il poursuivit.
– Cependant, votre père l'est davantage que vous-même. Et ce sont ces ordres que j'exécute et uniquement les siens. Donc je vais vous l'expliquer autrement. Vous êtes persuadé d'avoir raison alors vous n'avez rien n'a perdre, non ? Et si vous avez besoin de motivation, en un claquement de doigts je peux faire de votre chère amie Charlotte mon esclave attitrée. Et le pire c'est qu'elle ne vous reconnaîtrait même pas.
– Je vais vous faire prendre votre temps alors, pas la peine de menacer mon amie !
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