10 - Eye of tiger
Non pas Charlotte !
Je commençai à mettre en doute mes certitudes. Ce type était le diable incarné doublé d'un connard arrogant et taré. Le dégoût et les frissons m'envahirent quand il me fixa de cet air pervers et me narguait de ses menaces, comme s'il venait de faire une blague banale.
Ma petite voix intérieure me souffla le silence, au lieu de lui rentrer dedans bêtement. Je n'avais aucunement envie de vérifier ses capacités de psychopathe et de perversion. Mais ma colère fusait et j'avais du mal à la mettre en sourdine.
Je me serrais les dents et les mains si fort que j'en avais mal. La douleur m'aida à reprendre le contrôle de mes émotions. J'inspirais profondément et lâchais cette question qui m'écorchait la bouche.
– Que dois-je faire ?
– Vous aurez une série d'épreuves à passer pour tester vos capacités spécifiques à votre titre Princesse. Mais avant cela, vous devrez vous y préparer un minimum, car j'ai bien peur que vous ne soyez un peu rouillée. Dhelphia commencera votre "mise à niveau" dès aujourd'hui, nous n'avons pas de temps à perdre. Vous avez cinq jours de formation et deux jours de cérémonie. Votre destin sera scellé dans une semaine. C'est simple.
J'allais demander plus de détails quand on toqua à la porte. Une jeune femme rentra dans la pièce. Elle était fine, de peau ébène et des cheveux bleus. Même ses cils et sourcils étaient du même bleu saphir. Quand elle s'approcha à ma hauteur, elle plongea son regard bleu océan dans le mien et s'inclina. Puis elle tourna la tête vers Karan.
– Vous m'avez demandé Sir ?
– Oui Dhelphia, je souhaiterai que tu prépares Ivy pour la cérémonie. Tu te feras accompagner des autres guerriers pour parfaire les détails.
– Combien de temps ?
– Cinq jours.
Elle eut l'air légèrement surprise, vu l'expression qu'elle affichait, mais ne discuta cependant pas les ordres.
– Comme vous le souhaitez Sir. Autre chose ?
Karan prit quelque seconde pour lui répondre.
– Oui, arrange-toi pour qu'elle soit en tenue adéquate. Il ne faut pas décevoir notre Seigneur, donc votre priorité est sa sécurité et les résultats de la cérémonie. Est-ce clair ?
– Oui Sir.
Elle s'inclina devant lui et m'invita à la suivre. Je surpris son regard se poser sur ma robe avant de quitter la pièce.
Je jetais un coup d'œil sur ma tenue en me demandant ce qu'il suggérait.
Dhelphia me conduisit dans ce qui semblait être ses appartements. La jeune fille que j'avais croisée auparavant se prénommait Izia, selon ma guide.
Il y avait deux autres servantes qui s'activaient dans tous les sens sous les ordres de leur "maîtresse". On me pria de me déshabiller, on me mesura sous tous les angles et on me demanda d'essayer de nombreuses tenues étranges.
Je ne voyais pas en quoi celles-ci seraient importantes devant la tâche que l'on attendait de moi.
Au final je me retrouvais dans une tenue très proche de "Catwoman", mais le cuir noir était si étrange qu'il prenait des reflets vert, bleu ou violet selon la luminosité. Un peu comme une tache d'huile de moteur. J'avoue que je fus étonné du confort de ma tenue. Habitué à ce que le cuir soit lourd et transpirant, ce fut totalement l'inverse, c'était comme une seconde peau.
Puis on me tressa les cheveux en Indienne très serrée. Je ressemblais à une héroïne de Marvel avec un côté plus féérique. Ce n'était pas du tout le genre de tenue dans lequel je me sentais à l'aise, mais personne ne semblait faire attention à mes protestations.
Une fois que cette préparation fut finie, elle me guida dans des salles souterraines. L'ensemble de ce lieu ressemblait à un château, mais sous terre. Pas une fois, je ne remarquais une fenêtre.
La salle où nous étions était faite de mur en pierres avec un plafond voûté très haut. Le sol était recouvert d'une matière étrange qui semblait amortir les bruits, un peu comme des pneus compactés. Cependant, lorsque je touchais cette substance étrange, je remarquais qu'elle était froide et lisse, comme du marbre.
Le mur du fond était recouvert de nombreuses armes. Des plus archaïques aux plus modernes. Certaines semblaient sortir tout droit d'un film de James Bond. Une part de moi était curieuse, l'autre me lançait des signaux de détresse avec des néons géants "danger".
La température y était agréable, comme dans tout le bâtiment, remarquais-je. Le cliché de la forteresse pleine de meurtrières, de courant d'air et de rats courants partout prit une claque. Vivre dans un Donjon...
Étrangement, j'aurais préféré m'y sentir plus effrayé. Je ne comprenais pas pourquoi je me sentais si calme et à apaisée en ces lieux.
Une odeur forte de cuir et de fumée me saisit soudainement. Je tournais la tête en me fiant à mon odorat. Un homme de la hauteur et la largeur d'un cheval me fixait d'un air effaré.
Je cherchais Dhelphia du regard, mais je ne la trouvais nulle part alors qu'elle était à côté de moi quelques secondes encore. Alors l'inconnu qui se jeta sur moi... pour me prendre dans ses bras. Il n'y a pas à dire ils tous dingues ici ! De l'air ! Aïe mes cotes. Je commençais à suffoquer comme un poisson hors de l'eau, sous la prise du géant.
– Majesté ! Pardonnez-moi, je n'arrive pas à croire que vous êtes de nouveau là. Cela fait quatre siècles que nous attendons de vous revoir et des millénaires que ce moment arrive enfin. C'est un honneur d'être à vos côtés pour cet événement.
Il m'avait lancé sa tirade d'une traite en me secouant comme un prunier puis termina son laïus en s'agenouillant devant moi. J'étais complètement perdue, bouche bée et je reprenais peu à peu mon souffle. Cet homme était une force de la nature, mais mon instinct me dit que je pouvais lui faire confiance.
Puis, nous passâmes aux choses sérieuses.
Le géant s'appelait Jabar. Il me présenta Hezna, Mo, et Sholnen, qui devinrent mes professeurs, conseillers et tortionnaires dans les jours qui suivirent.
Jabar m'expliqua qu'il était un Démon croisé de terre avec un démon de l'air, ce qui lui donnait à la fois sa particularité physique et ses pouvoirs de bouclier psy. Il était très patient et n'abandonnait jamais. Il mit du temps à me convaincre que je pouvais arrêter les attaques de Sholnen. Celui-ci de souriait jamais, c'était un vampire - oui j'ai vu ses crocs et il a saigné une servante devant moi, donc plus de place pour le doute ! - peu bavard et qui avait parmi "ses talents" celui de me transpercer le crâne à distance par des attaques psy. Comme par télépathie. Bon ok, il ne me le perçait pas au sens littéral du terme, mais la sensation était la même. La première journée, j'ai fini par saigner par le nez, et même des yeux et des oreilles. Le deuxième fût tout aussi douloureux, mais je saignais moins. Puis je compris qu'au lieu de rejeter la peur de souffrir, je devais couper le mal par le mal. Le troisième jour, la colère de ma frustration pris le dessus et lorsque je la laissais exploser, c'était comme une corde élastique tendue que je lâchais vers crocs blancs. Lui qui semblait éternellement imperturbable et impassible fit la grimace une demi-seconde. Vive moi !
Après ça, contrairement à ce que j'espérais, je ne fis que croître leur passion pour tester mes capacités jusqu'à l'extrême.
Je n'avais plus que deux jours pour faire mes preuves. Même si j'avais compris que le monde ne ressemblait à celui que je pensais connaître, une partie de moi savait que ces personnes se trompaient sur moi. Je n'ai jamais eu de capacité hors norme dans quoi que ce soit. J'ai toujours réussi avec beaucoup de travail. À l'école, j'avais tout juste la moyenne, toujours mes diplômes limite. Je ne sais pas jouer un instrument, je ne suis pas une championne en sport ou une discipline intellectuelle. Je ne comprenais pas leur entêtement. Je fis cependant de mon mieux et pris mon mal en patience.
Jabar m'apprit à visualiser mes émotions comme une énergie colorée. Tout d'abord en fermant les yeux et en me l'imaginant telles des voluptés de fumée. Puis il me fit faire des entraînements d'autohypnose. Après ça, il y eut comme un "plop" dans ma tête. Ce fut le déluge. Je voyais et je percevais des choses par millier totalement inconnues et bien trop nombreuses. J'avais l'impression d'être prisonnière d'hallucinations. Je découvrais des sens totalement nouveaux. Là encore Jabar, fût d'une patience angélique (le comble pour un démon). Il me demandait de décrire ce que chaque sens percevait, il m'en expliquait la signification et l'origine. Puis je passais à l'étape supérieure : contrôler ces nouveaux sens.
Chacun de mes coachs mit ses talents à épreuve face à moi. Le but étant de déclencher des réflexes enfouis dans mon âme. Chaque fois, l'épreuve me poussait dans mes derniers retranchements. Plusieurs fois je perdais connaissance et je pense avoir frôlé la mort plusieurs fois de très près. J'avais à peine le temps de me remettre. À la fin de la journée, ou plutôt de la nuit, j'étais épuisée, en sueur et en sang.
La veille des sélections, je passais la moitié de la journée à travailler la partie psy et ensuite au combat. Je faisais vraiment de mon mieux. Mais à chaque fois, face à mes instructeurs, je me sentais aussi faible et fragile qu'une petite fourmi face à un géant. Je sentais que je les décevais.
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