Séniles et usés
Hier, assis, rassasié, pas si frais mais repu, je rêvais.
Pas bien loin derrière moi, gloussaient deux méritantes. Bavassant, cancanant, elles discutaillaient bruyamment, glapissantes et doucereuses.
Elle, effilée, fraîche et molle, souriant, chamarrée.
(Bonasse, connasse, pensai-je, distraitement, volontiers fainéant du glorieux cogitant.)
L'autre elle, harassée, plus vieille ou bien plutôt vieillie. Par qui ? Par quoi ? Et pourquoi, et comment ?
(Ouh là, dis-je en dedans de moi-même, puisqu'en vrai je m'en fous.)
Elle (qui clabaude et glapit) : « Hihihi! »
C'est chiant, suraigu, ça me dévisse et vrille, je veux cesser d'entendre.
L'autre elle surenchérit, moins aiguë mais pénible.
Ah mais taisez-vous, goguenardes ! J'aimerais lire apaisé.
Elle, la cruelle, hurlant et grognant, pourquoi, je ne sais : « Vilaine ! Bigote ! Ventrue ! Tu ne le mérites pas et d'ailleurs il t'aime plus !
- Comment oses-tu ? » répond la deuxième elle, courageusement revêche mais pas franchement rebelle.
« C'est moi qui t'ai faite ! » se charge-t-elle d'ajouter. « Je t'ai vêtue, habillée...
- C'est pareil, c'est kif-kif, c'est idem ! » interrompt la plus jeune.
- Ferme-la ! » reprend la ridée. « Je t'ai appris à être autrement que toi-même : sexy, élégante et divinement chaussée. Parfumée par la... comme une... comme heu... les quoi qu'est-ce qui fleurissent là, je sais plus comment on dit. »
La plus lisse et rosée, se moque, hystérique. Elle hulule et ça grince :
« ELLE SAIT PLUS ! ELLE SAIT PLUS ! HAHAAA ! »
Pas si loin, ça m'ennuie.
Et la joyeuse poursuit :
« T'ES VIEILLE ! T'ES TROP ARCHI-MEGA VIEILLE ! T'ES LIQUIDE ET SENILE ! Flasque et rêche, intérieurement sèche. Une osseuse, un cassante, une qui se rappelle plus rien ! Qui a oublié jusqu'à son propre... »
CLAC !
Ca résonne fort et ça dure longtemps.
Pas si loin, je me lève, je me tire, ou l'on vient me chercher, je sais plus, c'est pas grave, oublier, finalement, c'est parfois ce qui nous reste.
Eh bien soit, je vous suis, oui, j'arrive, mais je ne boirai rien, je ne prendrai rien, je me contenterai de manger quand il faudra manger.
Puisqu'il faut bien manger.
Excusez-moi. Vous êtes qui, au juste ?
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Texte rédigé pour répondre à un défi lancé sur le site littéraire La Zone : pas de nom commun, pas de nom propre.
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