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Mon père — El Padre — a presque achevé sa tournée de serrage de mains. Il a l’habitude, en bon représentant de sa propre boîte. J’aurais aimé le voir plus atteint, plus démuni, voir plus petit. Il n’en est rien. Toujours impeccablement vêtu. Un enterrement, fils ou non, reste toujours une occasion de se montrer.

Il n’aura plus à pondre des excuses pour ne pas me prêter de l’argent. Ma sœur m’avait averti, je devais rembourser un minimum avant de demander une rallonge. J’ai toujours réclamé sans penser à restituer. Un mauvais fils contre une bonne fille qui n’exige rien, juste le droit à sa place dans la famille.

J’en prenais trop moi, pourtant je brillais par mes absences lors des repas de famille. Lorsque je n’étais tout simplement pas présent, j’enchaînais les parties de Fifa contre mon demi-frère. Ou je jouais au foot en prétextant m’occuper des enfants. Quoi de mieux qu’un grand enfant pour les surveiller ?

J’étais là sans être là — déjà.

El Padre… Je ne sais pas si tu vas me manquer. Je te reconnais le mérite d’avoir essayé. C’est difficile pour un taiseux comme toi, de s’affranchir d’un conditionnement qui te dis « ferme-la ». Rien ne devait filtrer de la maison. Rien ne devait s’en échapper. Les cris étouffés restèrent contenus de par l’isolation des murs et la puissance de ton regard noir. Le linge sale se lave en famille, mais ne sèche jamais sans pouvoir sortir dehors.

Tu as alimenté ma dépendance au shit sans l’assumer. Le deal était simple : tu alignais les ronds contre des promesses. Tu as participé à ma croyance que tu serais toujours derrière moi pour effacer mes dettes. Jusqu’à celle de trop. Jusqu’à l’énième dispute avec la seconde épouse. La honte que je porte ton nom, que mon comportement déviant puisse porter atteinte à ta réputation, est finie, lavée, supprimée, oubliée, magnifiée par mon départ en beauté. Tu croyais bien faire, qu’un père se devait d’aider son fils dans la panade. Ton égo amoché par mes soins trouva une échappatoire en endossant le rôle de sauveur. Sortir son chéquier est chose aisée.

Saint Sauveur El Padre.

Ton fils est mort.

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