SORTIE PRINTANIÈRE  (2/2)

4 minutes de lecture

Effrayée par ce contact inattendu, elle se redressa d’un bon, pendant que le reste de la bande s’esclaffait en la montrant du doigt…

— Eh bien Luna ? Ironisa son père, il est mignon ce petit faon ! On dirait qu’il te trouve à son goût ! Le petit herbivore fouillait le cou de la jeune femme de sa truffe fraîche…

— Ah ! Voilà la maman de Bambi ! Avertit Mireille en avisant une biche qui venait voir de près les nouveaux arrivants.

Rassurée, Luna tenta de caresser le petit cervidé, mais ses doigts n’effleurèrent qu’un pelage froid, comme s’il était sur un corps sans vie. Elle laissa la biche venir à elle pour la toucher à son tour, étrangement, l’animal n’était pas du tout farouche et, sans montrer de crainte, il se laissa flatter par cette main amie.

— C’est bizarre, constata la sœur de Sélène, ces animaux ne dégagent aucune chaleur… Pourtant, ils sont bien vivants !

Comme pour confirmer ses dires, le faon se mit à gambader au milieu des membres du clan nonchalamment étendus sur le gazon. Les ex-souterrains venaient de débarquer dans un espace-temps qui leur apparut immédiatement si doux et si paisible qu’ils se crurent arrivés au paradis.

— On est bien, là… Apprécia Billou, on se croirait en vacances dans… Une sorte de rêve… Par contre, il semblerait que notre constitution physique, là aussi, soit différente de celle des êtres qui vivent ici… On ne doit pas être tout à fait compatible…

— Tant pis, On s’y fera… Reprit Félix en enlaçant tendrement Mireille, ce monde semble si calme… Et si serein… Tu as raison, Billou, on est super bien ici !

— Dommage que BMV soit reparti, il aurait apprécié l’endroit ! Regretta Marcel.

— Bof. Répondit Sélène, le regard perdu dans les profondeurs de l’azur.

— Papa ? Interrogea Luna.

— Oui ma chérie ?

— A ton avis… Qu’est-ce qu’il y a après la mort ?

— Eh bien, tu vois… Hésita Marcel

Luna n’avait pas beaucoup vécu, elle avait parfois des candeurs de petite fille. C’était assez déroutant. Embarrassé, Marcel se tourna vers Sélène :

— Toi qui as vécu plus que nous, Sélène, tu peux répondre à ta sœur ? Cette dernière plongea ses grands yeux noisette, dans ceux, identiques, de sa jumelle :

— Ben, ce que je sais… Après la vie, y a la mort. Ça, c’est sûr, après la mort ? Ben, soit on a une nouvelle vie, mais c’est pas certain… Ou soit, on a le droit à une autre mort, ou alors, comme papa, on va visiter les dimensions de l’oubli et on y reste pour l’éternité… Si on trouve ça bien… Je peux rien dire d’autre. Je suis morte qu’une seule fois…

— Moi, je voudrais quand même qu’on reste ensemble si on remeurt… Soupira naïvement la jolie Luna.

— Mais nous aussi ! Affirma Marcel, nous aussi, nous souhaitons rester ensemble !

— Vous savez ? Coupa soudain Gaspard, cet endroit me rappelle le parc de la rue Lepic… Je ne me souviens plus exactement, mais…

— C’est vrai, maintenant que tu le dis, admit Félix, il y a des différences, mais… oui… On dirait le parc comme il était dans le temps… N’est-ce pas chérie ?

Le beau regard bleu de Mireille contemplait le fond du parc et ses alentours, elle confirma :

— En effet chéri, on a connu cet endroit…

Gaspard chercha Luna des yeux pour recueillir son avis, ne la trouvant pas il interrogea à la cantonade :

— Où est passée Luna, elle était là il y a trente secondes ? Vous l’avez vue ?

Une angoisse soudaine s’empara du jeune homme. Il se leva et fit le tour du puits. Il se hissa sur la margelle de la construction, affolé à l’idée qu’elle put être tombée, il se pencha et appela sa compagne. Il ne reçut aucune réponse.

Il se retourna, alors vers le reste de son groupe :

— Personne l’a vue ?

Mais de ses complices, il ne restait plus que Billou et Sélène.

La panique gagna Gaspard, il interpella Le physicien :

— Que se passe-t-il Billou ? Où est-ce qu’ils sont tous partis ?

Mais sa question resta sans réponse… Sélène et son compagnon, tous les deux serrés l’un contre l’autre, à leur tour devinrent transparents comme de l’eau claire, ils scintillèrent un bref instant, puis de tous les corpuscules qui les composaient, il ne resta que quelques lueurs improbables. Les sept transfuges souterrains, Gaspard compris, venaient de se désintégrer en myriades de particules de conscience qui filèrent à une vitesse infinie, occuper les moindres recoins des multivers. Désormais, ils faisaient partie du « grand tout » ! Hormis une sorte d’aurore boréale violacée qui apparut quelques secondes après la disparition de nos amis, le parc retrouva sa tranquillité ; la biche huma l’air, puis s’éloigna suivie de son petit. Les oiseaux continuaient de gazouiller sans se douter du miracle qui venait d’avoir lieu.

D’où ils étaient, quelque part dans les lointains continuums, Gaspard et Luna perçurent une voix émanant du parc de la rue Lepic, une voix bourrue qu’ils reconnurent immédiatement :

— Bon allez les gosses ! Fichez-moi le camp de ce puits ! Un jour, il y aura un accident ici !

Maurice Évian, le cantonnier, éloigna les enfants qui jouaient autour de la margelle, il plaça un lourd couvercle d’acier rouillé sur l’orifice béant ; enfin à l’aide de grosses chaînes et de cadenas, il condamna définitivement le puits. L’homme grommela comme pour lui-même : « Il faudra bien qu’on se décide à le combler, ce foutu puits ! En plus, il a jamais servi à rien ! »

A suivre.

***

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Bruno Jouanne ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0