Chapitre 1. Cuando amamos ! (Quand on aime !)

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La numéro douze, l'italienne, jouxtait le numéro onze, l'espagnole.

L'espagnole était sa préférée, ou plutôt son obsession, comme il la présentait lui-même !

Toutes les nuits, à vingt deux heures, Françis se préparait à quitter la conciergerie du musée des beaux arts, jamais sans avoir embrassé Émile, son compagnon de trente six ans maintenant, toujours devant sa télé, toujour avachi sur son "sofà".

- ¡Únete a tu Picasso, izquierdista! (Va rejoindre ton Picasso, espèce de gauchiste), qu'il lui assénait toujours avant son départ.

Et tous les soirs à cette heure précise, Françis mettait de quoi grignoter, et trois bouteilles de vin dans son cabas, et partait surveiller toutes les galeries du musée, avec sa canne, et sa lampe torche. Jean Paul, son directeur, le surnommait "el Belphégor", car sa silhouette évoquait plus un fantôme qu'un employé du musée.

Il commençait par sa galerie espagnole intitulée "A partir de la Renaissance", et retrouvait son Diego Vélasquez, son Francosco de Goya, son Le Greco, et son Juan Gris, puis se glissait vers ses "contemporains" préférés, Pablo picasso, Salvator Dali.

"Guernica" de Picasso était son tableau préféré, l'obsession de son obsession, un résumé de toute la vie de sa famille pendant la guerre civile espagnole, dans un seul tableau. Au grand dam de Jean-Paul, il mettait alors toujours sa surveillance "en pause" , pendant deux heures, assis à deux mêtres de ce tableau, en grignotant, devant cette gigantesque toile, des tortillas de patatas, toujours arrosé de une à deux bouteilles de Tinto de Verano !

Le reste de la nuit n'était pour Françis que déambulations aproximatives de galeries en galeries ondulantes, une sorte de voyage en avion de pays en pays. Il se perdait souvent, surtout en Suède, mal éclairé, et tournait fréquemment en rond en Italie, mal balisé.

C'est d'ailleurs ainsi qu'il fit par hasard la connaissance d'un nouveau tableau, "l'allégorie de la simulation" de Lorenzo Lippi ! Une fois les nuages dissipés, Il décida de poser son avion, de s'asseoir, et de contempler le tableau. Celui-ci l'intrigua. Décision alors fut prise de s'y arreter dorénavant à la fin de chacune de ses visites...

Et d'y terminer son fond de bouteille.

S'il avait su ! S'il avait été un peu devin, il aurait soigneusement éviter cette oeuvre d'art, mais "cuando amamos, no contamos", (quand on aime on ne compte pas...)

Que l'on dit ...

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