La Dame de l'Étang (c'est comme la Dame du Lac mais en moins classe)
Quelques minutes plus tard, lorsqu'elle fut sûre d'être seule, Azmin sortit à quatre pattes de son refuge providentiel. La lumière éclatante du soleil frappa ses yeux habitués à l'obscurité. Elle marqua un temps d'arrêt, surprise par le changement météorologique soudain.
"Tiens, il menaçait de pleuvoir il y a un instant... Et le soleil a encore changé de position, c'est l'aube. Mais qu'est-ce que c'est que ce bazar ? Il y a un problème avec cet étang..."
Éblouie, elle baissa la tête et resta immobile le temps de reprendre ses esprits.
— Belle journée, n'est-ce pas ?
Azmin sursauta, effrayée. Une jeune femme se baignait dans l'étang et la fixait, accoudée paresseusement sur la berge verdoyante.
— En effet, balbutia timidement Azmin. Euh, qui êtes-vous, madame ? Quel est votre nom ?
— Madame, répéta la femme, en soupirant, nostalgique. Ça fait longtemps qu'on ne m'a pas appelée ainsi... C'est moi qui t'ai cachée des yeux de ceux qui veulent ta mort.
Azmin réfléchit un instant.
"Une puissance surnaturelle est à l'œuvre ici... La magie que je soupçonne, ce serait donc elle ? Mais, qu'est-elle réellement ?"
— Merci, madame, répondit-elle poliment. Mais, pourquoi avez-vous décidé de m'aider ?
— Je sais ce que tu es. Mais j'avais envie de m'amuser un peu. On s'ennuie ferme par ici, je n'ai pas beaucoup de visites. Et puis, ajouta-t-elle avec un clin d'œil, faire du grabuge en défiant la loi des dieux n'est pas pour me déplaire, surtout pour un beau brin de fille comme toi !
Azmin rougit, ignorant comment prendre ce compliment de la part de l'inconnue entièrement dénudée qui la regardait rêveusement.
— Euh, hem, et comment puis-je vous remercier de votre générosité, madame ?
La jeune femme plongea la tête sous l'eau, sa longue chevelure bleue remontant à la surface. Lorsqu'elle émergea, ses yeux roses pétillaient de malice.
— Pas besoin de me remercier, tu m'as déjà beaucoup amusée par ta simple présence ici. Tu veux te baigner ?
Azmin se remit sur ses pieds et secoua la tête.
— Votre invitation me touche, mais je ne veux pas m'attarder.
— Et où peut bien se rendre une imura en fuite ? interrogea la femme en s'éloignant de la rive à la nage.
— Je vais...
Azmin hésita. Elle n'en savait rien elle-même.
— ... Au mont Llay, déclara-t-elle finalement.
Cette destination lui était venue naturellement, bien qu'elle n'ait aucune raison de s'y rendre. Cette montagne isolée située au sud de la Forêt Bleue était un lieu désert, dont on disait qu'il abritait des paysages idylliques et inaccessibles. Azmin avait entendu de nombreuses histoires au sujet du mont Llay, et cela avait éveillé sa curiosité : au moins, là-bas, elle serait tranquille et ne personne ne se risquerait à aller la cherche dans un tel endroit.
— Oh... souffla la jeune femme en plissant les yeux. On dit que c'est là que les dieux descendent sur terre, lorsque l'envie d'avoir un corps de chair les prend. Et ton souhait pourrait bien se réaliser, si tu trouves la divinité habilitée à l'exaucer. Si elle existe. Beaucoup de "si"...
— Comment ? Il existe un dieu qui pourrait me délivrer de ma malédiction ?
Azmin n'en croyait pas ses oreilles : elle avait maintenant un indice sur le moyen de se délivrer du maléfice ! Bien sûr, elle connaissait les légendes selon lesquelles la montagne était le point de passage entre le monde des dieux et celui des humains, mais elle n'imaginait pas que cela soit vrai !
— Peut-être. Mais je n'en sais pas plus, répondit la femme. Après tout, je ne suis qu'une poussière insignifiante aux yeux des dieux qui règnent sur le monde désormais ; mon temps est passé, et je sombre lentement mais sûrement dans l'oubli... Adieu, jeune fille, haïe par les déités présentes mais aimée par d'autres. Lorsque tu auras trouvé ce que tu cherches, reviens me voir ! Je vais m'ennuyer, sans personne pour me tenir compagnie...
La jeune femme replongea dans l'étang mais ne remonta pas. Les minutes s'égrenèrent sans qu'elle soit réapparue à la surface de l'eau.
"Une fée, une déesse... Quoi qu'elle soit, elle protège cette source de l'extérieur. Et depuis bien longtemps, apparemment."
Azmin se pencha et cueillit une iris qu'elle piqua dans sa tresse. Les pétales violets ressortissaient bien parmi ses cheveux roux bouclés.
— Je me souviendrai toujours de revenir grâce à cette fleur, promit-elle. Merci pour tout, Dame de l'étang. J'espère que la prochaine fois, vous accepterez de me donner votre nom.
Seul le bruit de l'eau frappant la surface de l'étang lui répondit.
Le cœur léger, Azmin sortit du cercle de pierres et de la protection de la source, et regagna le chemin. Toute fatigue envolée, elle reprit sa marche, emplie d'un espoir nouveau.
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