7:30 : réveil.

  7:35 : douche.

  7:50 : café et croissant.

  8:00 : départ.

 Le garçon avançait dans cette rue. Les bruits l'entouraient et l'agressaient de façon entêtante, sans discontinuité.

  Il avait l'air normal.

  Basique.

 Sans aucune irrégularité dans son parcours de vie, si on se fie aux informations fournies par son profil Shikei* : célibataire vivant seul en appartement dans le quartier Tsubaki*, employé de bureau dans l'entreprise Oreandā. Aucun retard et aucune absence depuis son embauche. Inscrit dans un club d'escrime type M et dans un autre d'électronique.

  Rien qui dénote vraiment du reste de la population.

  Rien, hormis peut-être une intervention.

 9:00 : il poussa enfin la porte qui menait à son bureau. Le calme. Enfin.

 Et la tranquillité visuelle. Surtout.

  Il s'installa derrière son écran afin de réaliser ses premières tâches journalières qui se résument à mettre à jour le programme Shikei pour le protéger de nouvelles possibilités d'agressions externes.

  Répétitives et quotidiennes. Surtout.

  Il lui avait fallu un certain temps pour parvenir à ce poste et il comptait le mettre à profit et à son avantage pour les évènements futurs.

 En cas de problème, le réseau est en capacité de se défendre en parfaite autonomie. Il ne lui faut qu'une fraction de secondes pour retrouver l'auteur du méfait dont il est victime, et il lui faut à peu près autant de temps pour mettre cette personne hors d'état de nuire, en attendant l'arrivée des Gardiens. Via l'ishoku, le programme est capable de paralyser son détenteur en passant par les récepteurs implantés au système nerveux de l'individu.

 Allez... seulement trois heures avant midi...

 Les trois heures passèrent vite.

  Le reste de la journée également.

  Plus ou moins.

  La première chose qu'il fit en sortant fut de se rendre dans son premier club qui commençait à dix-huit heures, pour poursuivre sur du hacking clandestin et de la programmation dans son temps libre et enfin, rejoindre son club d'informatique à vingt heures trente.

  Une journée normale.

  Basique.

  Qui passe inaperçue aux regards de Shikei.

  Aucun retard et aucune absence.

  Une sortie dans un café entre chaque club.

  Rien de suspect.

  À priori.

  Les mois suivant se passèrent de la même manière, utilisant les failles qu'il se laisse volontairement pour s'insinuer dans le système sans risquer les douleurs et l'arrestation liées à ce genre d'activité délictuelle.

  Ce n'est que proche du but et sous les ordres de l'investigatrice de la création du groupe qu'il entreprit d'ignorer son emploi et ses ''activités de loisir'' seulement trois jours avant le départ pour faire définitivement ployer le réseau jusqu'à son point de rupture.

 Suite à la chute de l'organisation visible des Résistants – ou des Vagabonds, simple question de point de vu –, le second mouvement, abrité par le premier qui servait de diversion, avait commencé à émerger.

  D'abord discret.

  Invisible même.

  Le système Shikei a totalement arrêté de fonctionner. Toutes les données qu'il contient ont été formatées, aussi bien celles du système que les copies qui en avaient été faites électroniquement. Tous les ishokus ont donc été déconnectés de la plateforme ce qui rend leurs détenteurs invisibles aux regards des autorités.

  Ce qui rend la nouvelle vague de rebelles invisible également.

  Ce qui rend les sécurités autour des cellules d'Oreandā et des portes de la ville inefficaces.

  Ce qui rend les évasions possibles.

  Ce qui rend leur invisibilité permanente étant donné qu'ils ne pourront pas être reconnectés au réseau après leur fuite.

 - Bonjour, Oshoku.

  La jeune fille se tourna vers lui en entendant son prénom, même si occupée à gérer les derniers préparatifs. Quelques mèches rousses tombaient de son chignon désorganisé et des cernes commençaient à apparaître sous ses yeux saphir.

 -  Bonjour, Kyōsai. Tout s'est-il bien passé ?

 - Oui, toutes les sécurités sont maintenant mises hors-services. Le groupe partit délivrer les prisonniers de Oreandā devrait bientôt revenir.

 - Sais-tu s'ils ont retrouvé mes anciens compagnons ?

 - Seule Murasaki a pu être récupérée, tous les autres ont été assignés en tant que Gardiens. Je suis désolé.

 - Tu n'y es pour rien, j'en suis la seule responsable...

  Un pesant silence s'était instauré entre eux, silence que Kyōsai n'osait rompre par respect pour son vécu, mais elle reprit rapidement de la contenance pour assumer le rôle qu'elle avait dû prendre et qu'elle devrait conserver aussi longtemps que cela sera nécessaire au groupe.

 -  On devrait commencer à envoyer les premiers groupes. Le passage des catacombes a été débloqué cette nuit. En restant vigilants, tout le monde pourra passer sans encombres.

 - Souhaites-tu que je m'en charge ?

 - Non, j'en prendrais la responsabilité. Assure-toi juste que celui qui est parti délivrer les prisonniers soit rentré et prévient-moi, je ne connais pas encore tout le monde.

 - Ce sera fait.

 - Merci. Kao fait bien parti du voyage ?

 - C'est prévu.

 - Bien. Tu es parvenu à créer un réseau indépendant de Shikei ?

 - Il est prêt à être installé.

 - C'est parfait...

  Elle resta songeuse quelques secondes avant de partir aider à l'emballage des provisions.

 Maintenant que nous avons toutes les preuves nécessaires, peut-être que la ville voisine sera plus encline à nous aider.

Shikei : Base de données consultable par tous via l'ishoku regroupant les profils de chaque habitants de la ville de Shin Keikou. Cette base est consultable depuis un ishoku et est mise à disposition de chacun. Nous pouvons y trouver la situation familiale de la personne, ainsi que son parcours scolaire et professionnel, ses loisirs, mais également les délits et crimes commis par celle-ci. Ce système permet de ce fait la reconnaissance faciale.

Quartier Tsubaki : quartier modeste de Shin Keikou, situé dans le nord-est de la ville