Confessionnal, 17 h 58.

— Indulgentiam, absolutionem et remissionem peccatorum tuorum tribuat tibi omnipotens et misericors Dominus. Amen. Que le Seigneur tout puissant et miséricordieux vous accorde le pardon, l’absolution et la rémission de vos péchés. Ainsi soit-il.

Il n’accorde que du bout des lèvres l’absolution au dernier fidèle venu se confesser. Certes, cela fait partie du travail que Dieu lui a confié, écouter ses frères et pardonner leurs fautes en son nom. Mais cette part du boulot ne l’intéresse pas. Lui, sa motivation est de ramener les incroyants vers la foi, rendre sa place à l’Église, tenter de restaurer un peu d’ordre dans ce monde dégénéré. Quitte à employer des moyens radicaux.

Tous les dimanches, il prêche avec fougue sa bonne parole auprès des paroissiens. L’objectif est de les persuader. Il n’a aucun scrupule à leur faire peur si besoin. Les scrupules, ce sont pour les faibles. Lui surveille ses brebis. Si l’une s’égare, s’éloigne du chemin de la foi, tel un chien de berger, il l’aide à rejoindre le troupeau. Beaucoup de conviction et de discipline sont nécessaires, mais il n’est pas seul. Dieu lui insuffle sa force.

C’est vers les enfants qu’il porte en priorité ses efforts. Même si ces derniers sont vils et déjà corrompus, qu’ils écoutent du rap ou d’autres musiques décadentes, leur esprit est encore suffisamment malléable pour leur inculquer quelques vertus et la foi en Dieu. Il est directeur d’un établissement scolaire catholique et veille à leur enseignement religieux avec grande rigueur. Il les mène à la baguette et tout manquement est sanctionné.

L’éducation des adultes est plus difficile. Ils ont pris de mauvaises habitudes, leurs travers sont nombreux. À la télévision, au cinéma, dans les livres, les journaux, sur les réseaux sociaux, le vice est exposé sans pudeur, célébré, glorifié. Au nom de la liberté, de la société de consommation, de la recherche permanente du plaisir. Ce pullulement quotidien de débauche lui est insupportable.

Une fois le mal installé, il est dur à déloger. Une fois le péché commis, c’est trop tard. Il est illusoire de le pardonner au nom de Dieu. Il faut traiter le problème en amont, faire de la prévention. La confession a cependant son intérêt. Dans son confessionnal, les paroissiens soulagent leurs âmes de leurs méfaits, ceux qui leur paraissent les plus insignifiants comme les plus graves. Être le témoin, le confident de tous leurs excès lui permet de sonder les âmes, de se confronter au mal directement sur le terrain. Voilà pourquoi, malgré sa répugnance, il incite ses fidèles à se repentir. Pour traquer le vice à sa racine, dans le cœur de ses semblables.

Demain, c’est jour de communion. Au sein de son école, il a convié les enfants en première année de collège à prendre part à ce moment de réjouissance. Les jeunes sont aux anges et il confirme ainsi auprès de son Dieu, son engagement à lui apporter de nouvelles âmes. Mais, il veille à la qualité et ne souhaite pas lui offrir d’âmes impures. Les enfants passent d’abord par un parcours initiatique, une retraite de plusieurs jours dans un lieu de prière et de méditation. Il les a également invités à venir se confesser avant le grand jour.

Il a souligné l’importance qu’il accordait à ce dernier point. La plupart d’entre eux ne se sont pas permis de refuser son invitation. Il ne déplore qu’une seule absence à son rendez-vous, cette gamine rêvasseuse et renégate. Visiblement, elle ne se sent pas concernée. Il saura la remettre dans le droit chemin en temps voulu.

Pour l’heure, les portes de son église vont se refermer.