Nouveau départ
Mes yeux verts s'écarquillent. Je laisse tomber mon sac au sol.
- Qu'est-ce que tu as dit ? demandé-je d'une voix incrédule à l'homme brun se tenant devant moi.
- Nous allons déménager dans mon village natal, répond celui-ci. Il faut que tu commences à préparer tes affaires.
- Pourquoi ? !
- Et bien, parce que tu dois emmener tes affaires avec toi. Tu ne voudrais pas les laisser ici . . .
- Non, pas ça ! m'énervé-je. Pourquoi est-ce qu'on déménage ?
- Tu te souviens que je t'avais raconté que mon père était lui-même artisan boulanger et pâtissier dans mon village natal. On m'a annoncé sa mort il y a quelques heures. Il faut que j'y retourne pour assister aux funérailles, mais aussi reprendre son commerce. J'étais son seul enfant. Il n'a aucun autre héritier et n'a formé personne là-bas pour lui succéder.
- Je veux bien qu'on y aille pour assister aux funérailles de papi, mais pourquoi es-tu obligé de reprendre son commerce ?
- Les habitants du village seront privés de boulanger et de pâtissier, autrement.
- Et alors ? Ce n'est pas notre souci ! On ne va pas abandonner notre vie ici pour des gens qu'on connait à peine !
- Tu dois apprendre à penser aux autres, Ludwig. Et puis, ce sera aussi avantageux pour nous : on sera les propriétaires de la seule boulangerie et pâtisserie du village, nous n'aurons pas de concurrence comme ici. Les affaires seront plus florissantes. Nous aurons une maison plus grande que notre appartement actuel et l'air de la campagne nous fera le plus grand bien.
- Maman est d'accord ? demandé-je, comprenant que je ne parviendrai pas à faire flancher papa.
- Oui, je suis d'accord ! me répond-elle de la cuisine où elle fait mijoter le dîner.
- Et bien, moi, je ne suis pas d'accord ! protesté-je. Est-ce que vous avez pensé à consulter mon avis avant de prendre votre décision ? ! Non, c'est évident ! Tu me dis que je dois apprendre à penser aux autres, mais tu n'as toi-même pas pensé à moi !
Sur ces mots, je cours me réfugier dans ma chambre et claque la porte avec violence ! J'entends maman dire à papa d'une voix réconfortante :
- Ne t'en fais pas, je suis sûre qu'il finira par comprendre qu'on ne pense qu'à son bien.
Ils ne pensent qu'à mon bien ? Mon oeil ! Si c'était le cas, ils m'auraient au moins demandé mon avis avant de décider de partir à l'autre bout de l'Allemagne !
Je retire mon manteau et le jette à l'aveuglette dans un coin de ma chambre. C'est alors que j'entends un jappement. Je tourne la tête et constate que mon vêtement a atterri sur le visage de mon berger allemand, qui se débat pour le faire tomber. Je lâche un petit rire et m'agenouille pour le lui enlever, en m'excusant :
- Pardon, Danke, mais tu comprends, je n'ai vraiment pas envie de déménager et ce n'est pas juste par caprice comme pourrait le penser les parents. Si on part d'ici pour toujours, ça voudrait dire que je ne reverrai jamais mes amis, ni la patinoire où j'aime tant glisser sur la glace ! En plus, si le village de papi est toujours comme dans mes souvenirs, ça signifie que je ne pourrai même plus pratiquer ma passion . . . Ils n'ont ni patinoire, ni cinéma, ni restaurant. Notre quotidien sera d'un véritable ennui !
En parlant, je serre contre moi l'animal et commence à caresser son pelage noir et marron fauve. Il m'écoute en silence, la tête et les pattes avant posées sur mes genoux. Je souris et tente de me consoler en murmurant :
- Au moins, toi, tu seras là.
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