Mon dernier jour à Berlin - première partie
Je quitte l'appartement, descends les escaliers de mon immeuble, qui ne le sera bientôt plus, et sors dans la rue. L'air glacial de cette matinée d'hiver me fouette le visage. Je rentre la tête dans mes épaules et avance. La neige craque sous mes pas. Je passe devant la boulangerie de papa, qui est déjà ouverte, aidant les lampadaires à illuminer la rue qui est encore plongée dans l'obscurité à cette heure-ci.
Je marche les mains dans les poches, tête baissée et sourcils froncés. Je n'arrive pas à penser à autre chose que ce que m'ont annoncé mes parents la veille. Je leur en veux toujours autant !
Je sens souainement une main se poser sur mon épaule. Je me retourne en sursaut pour faire face à un garçon de grande taille, aux cheveux blonds et aux yeux bleus. Il me lance avec un grand sourire, comme à son accoutumé :
- Et bien, alors, Ludwig ? Tu ne m'as pas entendu ? Cela fait plusieurs secondes que je t'appelle.
- Oh, salut, Adrian. Désolé, je ne t'ai pas entendu.
- Je m'en rends bien compte . . . Qu'est-ce qui ne va pas ?
- Pourquoi tu me demandes ça ?
- Arrête, on est amis depuis trop longtemps . . . Je sais quand quelque chose te tracasse. Crache le morceau.
Je pousse un soupir. C'est vrai qu'hormis mes parents et Danke, Adrian est sans aucun doute celui qui me connait le mieux.
- On va bientôt déménager.
Il se fige et son sourire s'efface un instant, mais il se reprend bientôt et me demande :
- Où ça ?
- À l'autre bout de l'Allemagne, dans le village natal de mon père. Il doit assister aux funérailles de son paternel et reprendre sa boutique.
- Quand est-ce que vous partez ?
- Samedi matin.
- C'est demain . . .
- Oui.
Il reste silencieux pendant quelques secondes, sourcils froncés, et je devine à son expression qu'il réfléchit, puis il déclare gaiement, en posant ses mains sur mes épaules :
- On va faire en sorte que ton dernier jour à Berlin soit le meilleur de tous !
Je souris à mon ami, touché par son soutien et sa gentillesse.
- En attendant, poursuit-il, il faut qu'on aille au lycée avant d'être en retard.
Nous reprenons notre marche, côte à côte, jusqu'à l'établissement scolaire. En arrivant dans la cour de récréation, nous sommes accueillis par nos amis, qui nous tapent chaleureusement dans la main en nous lançant :
- Salut !
Je demande de leurs nouvelles avec le sourire, content de les retrouver, mais ce dernier s'efface subitement lorsque je me souviens que je ne le referai plus, désormais . . .
- Qu'est-ce que t'as ? me demande l'un des garçons.
- Il déménage demain, l'informe Adrian à ma place, conscient que je n'aime pas me répéter à chaque fois.
- Sérieux ? C'est triste . . .
- Oui, mais il ne faut pas en faire un drame, dit le blond en passant son bras autour de mes épaules. Je suis sûr qu'on se reverra quand tu reviendras à Berlin pour aller à l'université. Et puis, les téléphones existent maintenant. On pourra s'appeler. Alors arrête de tirer cette mine d'enterrement et profite de ton dernier jour ici avant ton départ.
La sonnerie rententit, ponctuant le petit discours de mon ami. Nous nous engouffrons dans le bâtiment pour rejoindre notre classe. Les cours se déroulent comme d'ordinaire, si ce n'est que j'ai beaucoup de mal à me concentrer sur les explications des professeurs.
Les sourires de soutien que me lance Adrian de son pupitre me font plaisir, mais ils ne parviennent pas à me remonter le moral. En fait, cela me fait encore plus mal de penser que je vais devoir me séparer d'un ami aussi génial que lui !
Lorsqu'à quinze heure et demie, la sonnerie retentit à nouveau pour annoncer la fin de la journée, nous nous retrouvons dans la cour de récréation pour quitter ensemble l'établissement scolaire.
- Ça vous dirait qu'on aille boire un chocolat chaud ? propose Adrien.
Tout le monde accepte de bon coeur et nous prenons la direction du salon de thé. Nous avons l'habitude d'aller boire ou manger quelque chose ensemble, de temps en temps, mais je sais qu'Adrian a proposé ce breuvage parce qu'il sait que c'est ma boisson chaude préférée.
Nous entrons donc dans le salon de thé du coin et sommes aussitôt accueillis par la chaleur des lieux et les odeurs savoureuses de thé, café, chocolat et sucreries.
Nous nous installons à une table, commandons et patientons en discutant de toutes sortes de sujets. C'est Adrian qui dirige la conversation, comme d'habitude. Il a un charisme naturel auquel personne ne saurait résister.
Quand la serveuse nous apporte nos boissons, nous la remercions et sirotons nos chocolats chauds en poursuivant la discussion. Le liquide sombre réchauffe mon corps, détend mes muscles et les blagues lancées par mes amis finissent de m'apaiser. Je ris et participe activement à la conversation avec sourire et bonne humeur.
Au bout d'un moment, je jette un coup d'oeil à ma montre et constate qu'une heure s'est écoulée depuis que nous avons quitté l'école. Je dis donc à nos amis :
- Il faut qu'on s'en aille, Adrian et moi. Notre cours de patinage artistique va bientôt commencer.
- Tiens, tu as raison. Je n'avais pas fait attention à l'heure, le temps passe si vite ! Salut, les gars !
- À la prochaine ! nous lancent-ils.
Je quitte le salon de thé aux côtés du blond et nous nous engageons sous la neige qui tombe en une multitude de flocons sur le sol, épaississant la couche blanche qui s'y trouve déjà.
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