Mon dernier jour à Berlin - seconde partie

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Nous entrons dans l'aréna et nous rendons aussitôt dans les vestiaires pour nous changer. Nos camarades sont déjà en train d'enfiler leurs patins en causant entre eux. Adrian leur lance, comme à son habitude, un joyeux :

- Bonsoir !

- Bonsoir, Adrian ! Bonsoir, Ludwig ! nous répondent-ils en choeur.

- Comment ça va ?

Ils répondent tous par la positive, pendant que je retire mon manteau en silence. Je fouille dans mon sac pour en sortir ma veste polaire, mon pantalon de patinage artistique et mes chaussettes épaisses.

- Dis donc, t'es bien silencieux, Ludwig . . . remarque l'un d'entre eux. Qu'est-ce que tu as ?

- Il déménage demain et ça lui sape le moral, leur explique mon ami.

- Ce n'est pas vrai ! s'exclame celui qui a remarqué mon inhabituel silence.

- C'est tellement dommage ! dit un autre. On s'amusait bien, ensemble . . .

- Oui, mais ce sera la dernière fois, ce soir . . . laché-je.

- Dis pas ça, tente de me réconforter Adrian en posant une main sur mon épaule, on se reverra dans quelques années, quand tu viendras finir tes études dans cette ville et on patinera à nouveau ensemble.

- Je ne sais pas ce que me réserve l'avenir alors je veux juste profiter de l'instant présent, déclaré-je en finissant de nouer les lacets de mes patins.

Je mets ensuite mes gants et marche jusqu'à la patinoire. Je pose un premier pied sur la glace en me tenant au muret qui l'entoure, puis l'autre et commence à glisser lentement, puis de plus en plus vite. Je fais quelques tours ainsi afin de m'échauffer et suis bientôt rejoint par mes camarades.

À ce moment, je ne pense plus à rien d'autre que mon activité actuelle, ma passion depuis l'enfance. La sensation grisante de l'air frais qui fouette mon visage et agite mes cheveux bruns et de la vitesse me donnent une puissante impression de liberté ! Je me sens léger, comme si j'allais m'envoler à tout instant. J'effectue une pirouette et poursuis mon avancée en inspirant à pleins poumons l'air glacial de la salle. Je me sens bien, si bien . . .

Je suis brusquement interrompu par la voix de notre entraineur qui tape dans ses mains en nous ordonnant :

- Bien, maintenant que vous vous êtes bien échauffé, rassemblez-vous autour de moi que je vous donne mes consignes !

Je freine grâce à la figure du citron et me dirige vers l'homme pour qu'il nous enseigne la prochaine figure.

*


Nous quittons l'aréna. La neige a cessé de tomber, mais la couche blanche recouvrant le sol, les bâtiments et les voitures stationnées s'est épaissie.

- La semaine prochaine, les équipes masculines et féminines devront se réunir pour qu'on s'entraine ensemble au patinage artistique en couple. C'est dommage que tu doives manquer cela, regrette Adrian.

- Merci, c'est vraiment réconfortant, ironisé-je.

- Désolé, je te dis juste ce que je pense, comme d'habitude. Tu te souviens ? Cela fait longtemps qu'on s'est juré de tout se dire.

- Oui, je n'ai pas oublié et je n'oublierai jamais. D'ailleurs, au cas où nos chemins ne se recroiseraient jamais, je tiens à te remercier pour tous les moments passés ensemble et à te dire que tu as toujours été mon meilleur ami et que tu le resteras.

Il me fixe en silence. Je vois dans son regard qu'il est ému, mais il ne montre pas sa tristesse et se contente de sourire en passant un bras autour de mes épaules :

- Tu n'as pas à me remercier. J'ai juste fait ce que tout bon ami doit faire. Et puis, je suis sûr qu'on se reverra, alors attends que l'un de nous deux soit sur son lit de mort avant de faire tes adieux.

On lâche un petit rire nerveux en choeur, puis il déclare :

- Bon, c'est là que nos chemins se séparent pour l'instant. Bon courage et à la prochaine !

Il conclut ses mots en m'administrant une tape amicale sur l'épaule avant de courir en direction de sa rue. Je l'observe s'éloigner, jusqu'à ce que l'obscurité de cette soirée d'hiver l'engloutisse, puis je poursuis ma route en silence, mains dans les poches et tête baissée, comme ce matin, mais en chemin inverse.

Le dîner sera sûrement déjà prêt quand je rentrerai. Ce repas ponctuera, comme à chaque fois, la fin d'une journée, mais aujourd'hui, c'est à mon dernier jour à Berlin qu'il mettra fin. Je ne serai sûrement pas prêt de l'oublier, ce dîner . . .

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