Le déménagement

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J'observe ma chambre, qui est désormais vide. Je ne l'avais jamais vue ainsi. J'ai toujours vécu dans cet appartement et l'ai toujours connu meublé et décoré aux goûts de mes parents et aux miens, en ce qui concerne ma chambre, mais ce n'est plus le cas, désormais. Les cadres contenant nos photos de famille ont été décrochés des murs, nos meubles sont dans le camion de déménagement et mes affaires personnelles dans le coffre de la voiture, avec celles de mes parents.

J'entends une voix m'appeler, m'arrachant ainsi à mes pensées :

- Ludwig ! Il est l'heure de partir, dépêche-toi ! Et n'oublie pas Danke !

- Oui, maman ! Et comment peux-tu imaginer un seul instant que je l'oublierai ? Je te rappelle qu'à mes yeux, il est un membre de la famille !

- Je sais, mon chéri ! Il l'est à mes yeux aussi !

Je tourne les talons et quitte ma chambre en disant à l'animal :

- Viens, Danke.

Il obéit et m'emboite le pas. Nous traversons le couloir, j'enfile mes chaussures et passe devant maman pour sortir de l'appartement. Elle ferme la porte à doube tour et s'engage dans les escaliers à notre suite. Nous sortons dans la rue et sommes aussitôt fouettés par le vent glacial de cette matinée d'hiver. Je me retourne encore une fois pour observer nos fenêtres. Les jolis rideaux que maman y avait installé n'y sont plus depuis longtemps. Je pousse un soupir et monte sur la banquette arrière, imité par le berger allemand.

Papa tourne la clé dans le contact et déclare d'une voix enthousiaste :

- C'est parti !

La voiture démarre lentement et quitte la place de stationnement pour s'engager sur la route. Au moment où elle tourne au coin de la rue, je croise le regard bleu d'un jeune blond se tenant sur le trottoir. J'écarquille les yeux et colle mon visage à la vitre, tandis que mon meilleur ami me fait un signe de la main en souriant.

"Adrian . . ."

*

- Ludwig ? Réveille-toi, mon chéri, nous sommes arrivés.

J'ouvre les yeux. Maman se tient debout à côté de moi, à l'extérieur du véhicule.

- Prends tes affaires et entre dans la maison, me dit-elle. La porte est déjà ouverte. Nous te rejoindrons plus tard.

Elle s'éloigne pour discuter avec les déménageurs. Je caresse la tête de Danke, qui dort à côté de moi, roulé en boule sur la banquette, en lui adressant :

- Réveille-toi, mon vieux ! On est arrivés dans ce trou paumé où on restera coincés pour au moins quelques années . . .

Il ouvre ses petits yeux noisette et s'étire en bâillant. J'attrape l'un des sacs contenant mes affaires et descends de la voiture, suivi par mon chien.

Une grande maison se dresse devant nous. Elle est d'un style rustique, en pierre et en bois, mais a au moins l'avantage de contenir de nombreuses fenêtres et quelques balcons. Elle est entourée d'autres maisons, plus ou moins identiques, mais contrairement à la ville où la plupart des bâtiments d'une même rue sont serrés les uns aux autres, ceux-ci sont espacés. En regardant autour de moi, je constate que le village est entouré d'une forêt, qui s'étend sur une longue distance, à tel point qu'il est impossible d'en voir l'autre bout.

En baissant les yeux, je constate que mon animal de compagnie a l'air ravi d'être ici : il gambade joyeusement autour de moi, en reniflant l'air, le sol, l'herbe et tout autre chose qui l'entoure. Je fronce les sourcils et lui lance un regard contrarié, avant de m'engouffrer dans la maison. L'étage inférieur constitue le lieu de travail, à savoir la boulangerie-pâtisserie de mon défunt grand-père, qui est désormais celle de mon père, mais les étagères où étaient habituellement exposés les pains, viennoiseries et pâtisseries sont vides pour le moment. Cependant, leur odeur flotte toujours dans l'air.

J'avance jusqu'à une porte, dissiumulée dans un coin, qui donne accès à un escalier en bois menant à l'étage. J'en gravis les marches, toujours suivi par Danke, jusqu'à arriver dans un couloir, où sont toujours accrochés des photos et des tableaux.

En entrant dans le salon, je constate que tout est exactement comme il l'était du vivant de mon ancêtre : le canapé et le fauteuil en velours, la table basse et les commodes en bois sombre sur lesquelles reposent des chandeliers argentés, des cadres et autres objets de décoration, meublent toujours l'endroit.

Je sens soudainement une main se poser sur mon épaule. Je tourne la tête pour voir papa observer la salle avec un regard plein de nostalgie et de tristesse. C'est pourtant avec un ton calme qu'il m'annonce :

- On ne se débarrassera que de ce qui est trop usé. Il y a plein de jolies choses ici qu'on ne peut pas se permettre de jeter, pas vrai ?

Je hausse les épaules et me décale sur le côté pour rompre le contact physique entre nous. Quand j'en veux à quelqu'un, je ne supporte pas de le toucher. Il n'y prête pas attention et poursuit :

- Tu te souviens de la chambre que tu occupais quand on venait passer les vacances ici ? Elle est à toi, maintenant, tu peux t'y installer. Je vais aider les déménageurs à vider leur camion. Ensuite, on devra se reposer. On doit se lever tôt, demain, pour assister aux funérailles de papi.

Il parcourt une dernière fois le salon du regard, avant de redescendre. Je l'observe s'éloigner, puis quitte à mon tour l'endroit pour me rendre dans la chambre dont m'a parlé papa. J'en ouvre la porte en bois, révélant une grande pièce meublée d'un lit, d'une table de chevet, d'une armoire et d'une commode. Aux murs sont fixées quelques étagères sur lesquelles reposent de vieux livres. Je ne m'attarde pas sur ces derniers et vais ouvrir la fenêtre pour laisser entrer un peu d'air. D'ici, j'ai une magnifique vue sur une partie de la forêt, mais ça m'importe peu. Qu'est-ce que j'irai y faire, de toute façon, à part peut-être promener Danke ?

Je reporte mon attention sur le chien, qui s'est allongé dans un coin de la chambre :

- Tu es content d'être ici, pas vrai ? C'est normal : tu es un animal, la nature, ça te parle, mais moi, je m'en fiche. J'étais bien à Berlin. Je ne comprends pas pourquoi ils m'ont forcé à venir ici . . . D'ailleurs, je ne leur pardonnerai pas de m'avoir séparé de tant de choses que j'aime !

Sentant mon désarroi, l'animal pousse un couinement plaintif et vient se blottir contre moi, comme pour tenter de me réconforter. Je passe mon bras autour de son cou et lui murmure :

- Ce n'est pas suffisant, mais merci quand même . . .

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