Angela Müller

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J'attends que tout le monde soit installé pour prendre une place libre, mais au moment où je m'apprête à me diriger vers le pupitre qui se trouve à côté de la fenêtre, une femme entre dans la salle. Elle a des cheveux foncés relevés en un chignon et des lunettes rouges. Elle pose son sac au pied du bureau et annonce :

- Bonjour à tous ! Aujourd'hui, nous accueillons un nouvel élève. Approche, ajoute-t-elle en s'adressant à moi.

Je franchis les quelques pas qui me séparent d'elle, puis m'immobilise, attendant qu'elle me dise ce qu'elle a à me dire.

- Présente-toi.

- Je m'appelle Ludwig Wagner.

Toute l'assemblée reste silencieuse pendant quelques secondes, attendant que je poursuive, mais constatant que rien ne vient, la professeur me demande :

- C'est tout ce que tu as à nous dire sur toi ?

Je hoche la tête. Que je leur donne mon nom suffit amplement. Ils n'ont pas besoin de savoir quoi que ce soit d'autre, puisque notre relation restera purement camaradesque et ce parce que je n'ai aucune envie de m'attacher à cet enroit ou à ses habitants. Je dois être capable de rentrer à Berlin sans même me retourner.

- Bien. Dans ce cas, tu peux aller t'asseoir. Il y a une place libre juste là, dit-elle en désignant le pupitre que j'avais déjà repéré.

Je m'y installe et sors mes affaires, pendant que la femme se tourne vers le tableau pour y inscrire la date du jour et l'intitulé du cours.

*

Je franchis les grilles de l'établissement scolaire et tourne aussitôt à gauche pour prendre le chemin du retour lorsque j'entends une voix dans mon dos m'interpeller :

- Ludwig ! Attends-moi !

Je me retourne pour voir s'approcher la fille qui m'a parlé ce matin. Elle fait rouler son vélo à côté d'elle. Une fois arrivée à ma hauteur, elle s'arrête et me demande :

- Tu rentres chez toi, n'est-ce pas ?

- Oui.

- Laisse-moi t'accompagner. Mes parents m'ont demandé d'acheter du pain avant de rentrer.

Je hausse les épaules et tourne les talons pour reprendre mon chemin. Si elle doit passer par la boulangerie de papa pour faire une course, c'est son souci. Je ne vois pas pourquoi elle m'en parle.

- Attends ! m'interrompt-elle encore.

Je pousse un soupir d'agacement et fais volte-face pour lui demander sèchement :

- Quoi ? !

- Monte sur mon vélo puisqu'on doit prendre le même trajet. Ce sera plus rapide.

- Si j'accepte, tu promets de me laisser tranquille ensuite ?

- Je te promets de te laisser tranquille . . . pour aujourd'hui, déclare-t-elle avec un sourire malicieux.

J'aurai voulu qu'elle promette de me laisser tranquille pour toujours, mais ce serait déjà pas mal qu'elle me fiche la paix pour le reste de la journée. Je pousse donc un soupir de résignation et monte sur le porte-bagage, tandis qu'elle s'installe sur la selle.

Elle appuie sur l'une des pédales avec son pied et l'engin commence à rouler dans la rue. Elle me demande aussitôt :

- Tu ne nous a rien dit sur toi si ce n'est ton nom et ton prénom. J'aimerai bien te connaitre un peu mieux.

- Je n'ai aucune envie de faire plus ample connaissance.

- Pourquoi ?

- Cela ne te regarde pas.

- Ce n'est pourtant pas compliqué et cela ne te coûte rien. Écoute : je m'appelle Angela Müller. Mes parents m'ont appelée comme ça parce qu'ils voulaient que je sois aussi bonne et aussi sage qu'un ange. C'est ce qu'ils m'ont dit, en tout cas, mais je crois que ça n'a marché qu'à moitié parce que c'est vrai que je suis gentille, mais il m'arrive souvent de faire des bêtises. Que dire d'autre ? J'ai seize ans et j'adore faire du vélo en pleine nature ! J'aime aussi les jours de fête et . . .

- Oui, j'ai compris. Tu aimes t'amuser de diverses façons, l'interrompé-je pour m'épargner de l'entendre parler plus longtemps.

- C'est exact ! Tu vois, tu me connais déjà mieux en seulement quelques mots. À ton tour ! Dis-moi ce que tu aimes faire dans la vie.

- Je t'ai déjà dit que je n'ai aucune envie d'en dire plus sur moi.

- Si tu me dis la chose que tu aimes le plus faire au monde, je te promets de me taire durant tout le reste du trajet.

- Bon, d'accord, mais c'est juste pour que tu tiennes ta promesse. J'adore patiner.

- Ça m'a tout l'air d'une superbe activité !

- Ça l'est, en effet, mais je te rappelle que tu avais promis de te taire.

- C'est vrai, pardon. Maintenant, je ne dis plus un mot.

Au moment où elle dit cela, nous arrivons devant notre destination. Je descends aussitôt du porte-bagage et cours en direction de la porte, que je pousse. Je suis accueilli par la douce odeur du pain chaud et du sucre des pâtisseries.

- Bonsoir, mon chéri ! me lance maman en récupérant l'argent d'une cliente. Tu as passé une bonne journée ?

- Absolument pas ! rétorqué-je en montant l'escalier.

Je suis accueilli en haut des marches par mon cher berger allemand, qui bondit autour de moi en poussant de joyeux aboiements. Je m'agenouille pour le caresser et il passe sa langue sur mon visage. J'essuie sa salive du revers de la manche de mon manteau, en lui disant :

- Je fais mes devoirs, puis on sort se promener, d'accord ?

Il acquiesce par un nouvel aboiement.

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