Katharina, l'elfe de la forêt
Elle est assise devant le lac, comme hier soir. Je pose mon sac à terre, en sors mes patins et lui fais remarquer, en les enfilant :
- On n'a toujours pas échangé nos noms . . . Je m'appelle Ludwig Wagner. Et vous ?
- Cesse donc de me vouvoyer. C'est vrai que nous avons des centaines d'années d'écart, mais tu n'es pas obligé de me rappeler mon âge . . .
- Pardon ?
- Je t'ai dit d'arrêter de me vouvoyer.
- J'ai compris. Je voulais parler de notre différence d'âge. Tu as vraiment dit que nous avons des centaines d'années d'écart ? Tu n'as pourtant pas l'air si vieille . . .
- Ha ha ha ! Merci du compliment ! déclare-t-elle avec un sourire rayonnant, à faire pâlir le clair de lune.
- Arrête de te moquer de moi ! Tu ne peux pas avoir des centaines d'années ! Les êtres humains ne vivent pas au-delà d'un peu plus de cent ans . . .
- C'est vrai, mais qui t'a dit que j'étais humaine ?
- Pardon ?
- Ha ha ha ! Tu es si drôle lorsque tu es étonné !
- Si tu n'es pas humaine, qu'est-ce que tu es ?
Elle se contente de me sourire, puis se met debout et déclare :
- Je suis Katharina, l'elfe qui veille sur cette forêt.
Mes yeux verts s'écarquillent. Une elfe ? Comme dans les récits fantastiques ? Cela parait totalement absurde, mais d'un autre côté, rien en cette fille n'est rationnel : son insensibilité au froid, sa capacité à glisser sur la glace avec une grande aisance sans patins et le fait qu'elle soit apparemment capable de communiquer avec les animaux . . . C'est sûr qu'un être humain ne serait capable de rien de tout cela, mais une elfe en revanche . . .
- Enchanté, Katharina, lui dis-je avec un grand sourire en lui présentant ma main.
- Tout le plaisir est pour moi, répond-elle en la serrant chaleureusement.
Elle a les doigts fins et la peau douce et chaude malgré son exposition au froid.
- Et si nous allions patiner ?
J'acquiesce et nous nous rendons sur le lac pour glisser dessus ensemble, main dans la main. Au fond, peu importe qui elle est réellement. Nous sommes unis par une même passion et c'est tout ce qui compte à mes yeux. Je souris. Quand je pense qu'Adrian me plaignait de louper les cours de patinage artisitique en couple. Finalement, je les fais,moi aussi, grâce à elle. Je lui suis reconnaissant d'avoir fredonné ce soir-là. C'est sa voix qui m'a guidé jusqu'à elle et qui m'a permis de retrouver ma passion. Je devrai aussi remercier Danke. S'il ne s'était pas aventuré dans la forêt, je n'aurai jamais pu la rencontrer et patiner à nouveau.
En pensant à lui, je tourne la tête pour poser mon regard sur mon chien. Au même moment, j'aperçois des yeux jaunes briller dans l'obscurité. Je me fige, arrêtant le mouvement de ma partenaire par la même occasion. Elle m'observe avec étonnement et me demande :
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Il y a quelque chose dans les buissons . . .
Le berger allemand l'a aussi remarqué car il se redresse et fait face aux plantes en grondant. Au même moment, deux énormes bêtes aux pelages gris bondissent des buissons !
- Ah ! Des loups ! m'exclamé-je.
Je perds l'équilibre sous le coup de la surprise et tombe assis sur la glace. Katharina, quant à elle, se précipite vers les animaux sauvages en leur ordonnant :
- Arrêtez !
Les bêtes se figent et l'observent s'approcher. Elle s'agenouille et les caresse, sous mes yeux ébahis, en leur offrant des paroles rassurantes :
- Tout va bien. Ce sont des amis. lls ne vous feront aucun mal.
Les loups rangent aussitôt leurs crocs et s'asseoient. La femme aux longs cheveux blancs caresse ensuite la tête de Danke pour le calmer à son tour. Ce n'est qu'alors qu'elle s'enquiert de mon état :
- Est-ce que ça va ? Tu ne t'es pas fait mal en tombant ?
- Euh . . . Non, non, ça va. Comment est-ce que tu as fait ?
- Comment est-ce que j'ai fait quoi ?
- Tu viens de calmer des bêtes sauvages et de les caresser comme s'ils n'étaient que de simples animaux domestiques !
- C'est parce que je les connais bien, comme tous les occupants de cette forêt. D'ailleurs, excuse-les. Ils ne sont pas méchants. Ils se sentaient juste menacés à cause de la présence d'inconnus. Maintenant que je leur ai expliqué que vous êtes des amis, ils ne se montreront plus hostiles à votre égard.
En effet, les deux loups nous observent d'un regard où ne transparait aucune malveillance. Ils sont calmes et se frottent à Katharina pour lui réclamer des caresses comme le fait Danke avec moi.
- Alors, tu es vraiment capable de comprendre les animaux et de te faire comprendre d'eux . . .
- Ça s'appelle la communication. Je te l'avais bien dit !
C'est vraiment insolite, à tel point que je me demande si je ne suis pas en train de rêver, mais en cet instant, je ne me jure qu'une chose : je la croirai toujours, désormais . . .
Cette elfe vient de gagner ma confiance en seulement trois jours et malgré tout ce que j'ai déjà vu, je sais que je ne suis pas au bout de mes surprises . . .
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