Alissa
- Calme-toi, elle n'a pas pu disparaitre, dis-je en posant mes mains sur ses épaules. Elle est forcément quelque part. Raconte-moi ce qui s'est passé.
- On jouait à cache-cache et c'était à mon tour de compter. J'ai cherché dans tous les endroits où elle a l'habitude de se cacher, mais elle n'y était pas. J'ai fouillé toutes les cachettes possibles et imaginables dans le village, en vain. Je ne parviens pas à la retrouver, j'ai si peur pour elle !
Pendant qu'elle parle, je repense aux petites traces de pas que j'ai vu dans la forêt un peu plus tôt. C'étaient sans aucun doute celles d'un enfant. Cela ne peut pas être une coïncidence.
- Écoute, je crois que ta soeur est partie dans les bois. J'y ai vu des traces de pas tout à l'heure qui pourraient lui appartenir.
- Quoi ? ! Je l'avais pourtant prévenue que c'était un endroit dangereux ! Pourquoi ne m'écoute-t-elle jamais ?
- Je crois que c'est un trait de famille . . . Bon, trêve de bavardages. Il faut absolument la retrouver.
- Espérons qu'elle ne s'est pas trop éloignée. La forêt est si grande . . .
Elle a raison. Et si j'en déduis de l'endroit où j'ai aperçu ses traces de pas, elle s'est bien enfoncée dans les bois. La retrouver demandera du temps . . . À moins que . . .
- Est-ce que tu as quelque chose lui appartenant ? demandé-je à ma camarade de classe.
- Oui, j'ai ses gants. Elle les a trempés à force de jouer dans la neige alors je les lui ai enlevés.
- Donne-les moi.
Elle fouille dans la poche de son manteau et en sort une paire de gants roses, qu'elle me tend. Je les attrape et les mets sous le museau de mon chien, en lui disant :
- Vas-y, Danke. Cherche !
Le berger allemand les renifle, puis hume l'air et le sol, avant de s'élancer en direction des bois. J'allume la lampe torche de mon téléphone et me précipite à sa suite en expliquant à Angela :
- Il a trouvé sa piste !
- Oh, ton chien sait faire ça ? s'étonne-t-elle en nous suivant au pas de course.
- Oui, c'est moi qui le lui ai appris.
- Tu devrais songer à devenir dresseur de chiens.
- Désolé, mais j'ai un autre métier en vue pour le moment.
Nous nous engouffrons dans la forêt. Là, l'animal fait une pause pour renfiler à nouveau le sol, avant de reprendre sa course. Quelques minutes plus tard, nous arrivons devant les traces de pas que j'ai remarquées un peu plus tôt.
- Je le savais ! Il n'y a plus aucun doute, maintenant. Ce sont bien celles de ta soeur.
Nous continuons à avancer, suivant mon chien qui s'enfonce de plus en plus profondément dans les bois. Plongée dans l'obscurité, la forêt semble sans limites. Les cris des oiseaux nocturnes et les chants des loups rendent l'ambiance encore plus inquiétante . . . Oh, non ! Les loups !
Je me souviens de notre rencontre. L'elfe m'a expliqué qu'ils n'étaient pas méchants, mais qu'ils se montraient hostiles envers les étrangers qu'ils voient comme une menace. Katharina ne m'ayant jamais parlé d'une quelconque fillette, j'en déduis que la petite soeur d'Angela est une inconnue. Pour peu qu'elle leur semble menaçante, les loups n'hésiterons pas à s'en prendre à elle pour défendre leur territoire ! Elle court un grave danger !
Je décide de ne pas en parler à l'adolescente pour ne pas l'inquiéter davantage, mais je sens l'angoisse monter en moi à chaque seconde. J'ai peur . . . peur qu'on arrive trop tard, peur de découvrir le corps ensanglanté de l'enfant . . .
Nous entendons bientôt des hurlements de terreur ! Nous sursautons et Angela se précipite dans la direction des sons stridents en criant :
- Alissa !
- Attends ! lui ordonné-je en lui emboitant le pas.
Quelques secondes plus tard, nous découvrons avec horreur une petite fille aux longs cheveux bruns coiffés en deux tresses et aux yeux noisette écarquillés de terreur ! Elle est encerclée par des loups, qui s'approchent d'elle en grognant, crocs découverts.
Aussitôt, mon chien bondit par-dessus les bêtes sauvages pour s'interposer entre elles et l'enfant en aboyant. En le voyant, les animaux semblent hésiter, mais ne reculent pas. Je suis sur le point de le rejoindre lorsque j'entends une voix féminine s'exclamer :
- Qu'est-ce qui se passe, ici ?
Je me retourne pour voir arriver Katharina, accompagnée par une chouette blanche. Elle ordonne aux loups :
- Assis !
Ils obéissent, tels de dociles chiens de compagnie. L'elfe me demande ensuite :
- Qui sont ces filles, Ludwig ?
- Voici Angela, ma camarade de classe et sa petite soeur Alissa.
- Cette chouette m'a en effet prévenu qu'une petite humaine rôdait dans les parages. Je suis donc venue voir ce qui se passait et je suis heureuse de constater que je suis arrivée à temps.
- Oui, merci.
L'adolescente à la queue de cheval profite du fait que les loups se soient calmés pour se précipiter vers sa cadette et l'entourer de ses bras en s'exclamant :
- Alissa ! J'ai eu si peur ! Est-ce que ça va ? Tu n'as rien ?
- J'ai eu peur, moi aussi ! J'ai voulu me cacher dans la forêt, mais je me suis perdue ! dit la fillette en éclatant en sanglots.
- Cela t'apprendra à me désobéir ! Je t'avais pourtant dit que c'était dangereux, ici, mais tu ne m'as pas écoutée !
- Je suis désolée ! Je voulais juste trouver la meilleure cachette du monde !
- C'est bon, c'est fini, maintenant, la rassure-t-elle en caressant ses cheveux.
Elle tourne ensuite la tête vers Katharina pour lui dire :
- Merci d'avoir sauvé ma petite soeur.
- Je t'en prie ! Je suis désolée pour cet incident. Je demanderai aux loups de ne plus s'en prendre à vous.
- Tu es capable de communiquer avec eux ? demande-t-elle étonnée.
- Oui, comme avec toutes les créatures de la forêt.
- Je te crois. Tu nous a prouvé que tu en es bien capable, dit-elle en regardant les bêtes assises autour de nous.
- Je vais vous raccompagner jusqu'à l'entrée de la forêt pour m'assurer qu'il ne vous arrive pas d'autres mésaventures.
L'adolescente prend sa soeur dans ses bras et nous suivons tous l'elfe. Sur le trajet, ma camarade me murmure :
- Tu devras tout me raconter demain.
- Nous verrons cela plus tard. Pour le moment, je veux juste dormir, lui répondé-je en bâillant.
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