Paroles blessantes
Je me tiens debout, dos à l'école, attendant qu'Angela vienne me rejoindre avec son vélo, comme à notre ordinaire. J'en profite pour observer les arbres de la forêt qui s'étendent au-delà des rues et des maisons enneigées. Je me demande ce que peut bien faire Katharina en ce moment. Je ne tarderai pas à le savoir.
Je suis brusquement tiré de mes pensées par quelque chose de froid qui vient percuter mon crâne. Je porte une main à ma tête et me retourne pour découvrir ma camarade de classe, se tenant à quelques pas de pas de moi, une boule de neige à la main. Elle me regarde avec un air de défi, mais son sourire amusé décrédibilise cette expression sérieuse.
Elle me lance la seconde boule de neige. Je me décale sur le côté pour l'esquiver, puis attrape une poignée de neige, que je compacte entre mes doigts avant de la lui envoyer. C'est ainsi que débute notre joyeuse bataille de boules de neige. Nous courons dans tous les sens, nous baissons pour esquiver les projectiles de l'autre, puis l'assaillons d'autant de boules de neige que possible, le tout en riant. Cela me rappelle les batailles de boules de neige que je réalisais avec mes amis, à Berlin. Je m'amuse tout autant, malgré cette pointe de nostalgie.
Finalement, je tombe à la renverse lorsque l'adolescente parvient à me toucher en plein visage. Elle se précipite vers moi en s'exclamant :
- J'ai gagné !
Elle me tend ensuite sa main pour m'aider à me relever, en me demandant :
- Est-ce que ça va ?
- Oui, la rassuré-je en acceptant son aide.
Je remarque du coin de l'oeil le groupe d'amies d'Angela, qui nous observe avec un air amusé. L'une des filles murmure quelque chose aux autres et elles se mettent à glousser.
- Qu'est-ce qu'elles ont ? demandé-je, intrigué et comprenant que nous sommes concernés par leurs messes basses.
- Oh, ce n'est rien, déclare-t-elle en rougissant. Bon, tu viens ? ajoute-t-elle en se dirigeant vers son vélo.
Je lui emboite le pas et m'installe sur le porte-bagage, tandis qu'elle monte en selle.
- Tu n'étais pas un garçon grognon et réservé avant d'arriver ici, n'est-ce pas ? me demande-t-elle en commençant à pédaler.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- Ton changement d'attitude. Tu es plus ouvert et détendu qu'avant. Je pense que ce déménagement a été un tel choc émotionnel pour toi que tu t'es créé cette carapace d'insociabilité pour te protéger dans ce lieu qui ne t'est pas familier, mais on dirait que tu te sens mieux, ici, puisque cette armure est en train de tomber petit à petit. J'en suis heureuse pour toi !
- C'est vrai qu'à Berlin, j'étais une personne plus joyeuse, sociable et extravertie.
- J'adorerai faire la rencontre de ce véritable toi, dit-elle en freinant.
Je ne réponds rien, me contentant de sauter à terre et de marcher jusqu'à la boulangerie, dont je pousse la porte, tandis que la jeune brune attache son vélo.
En entrant, je suis accueilli par l'odeur du pain et des viennoiseries tout droit sortis du four, mais aussi par la voix de maman, qui me salue :
- Coucou, mon chéri !
- Salut, maman.
- Dis donc, tu en passes du temps avec cette fille pour quelqu'un qui n'est pas ton amie. . .
J'ignore sa remarque. Face à mon silence, elle déclare :
- Oh. . . Ça y est ! J'ai compris !
- Qu'est-ce que tu as compris ?
- Elle n'est pas ton amie parce qu'elle est plus que cela, n'est-ce pas ? me lance-t-elle avec un drôle de sourire.
Mes joues s'empourprent lorsque je réalise à quoi elle fait allusion et je m'empresse de rétorquer :
- Arrête de dire des bêtises ! Il n'y aura jamais rien de semblable entre cette fille et moi ! Je te signale que c'est elle qui s'est imposée à moi ! Je n'ai jamais choisi de la fréquenter ! Comment peux-tu imaginer une seule seconde que je veuille d'une fille aussi lourde et envahissante ? !
- Ça suffit, Ludwig ! me gronde-t-elle soudainement.
Je me fige, ne comprenant pas sa réaction, puis je remarque qu'elle fixe quelque chose dans mon dos. Je me retourne donc pour constater que ma camarade de classe se tient sur le seuil de la porte. Elle m'observe avec des yeux embués de larmes.
Mince ! Elle a entendu ce que j'ai dit à son sujet !
Avant que je n'ai le temps de faire quoi que ce soit, elle tourne les talons et s'éloigne en courant, abandonnant même son vélo derrière elle.
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