Réconciliation
Aujourd'hui, fait inédit : je rentre seul de l'école. Je sais qu'il ne servira à rien d'attendre ma camarade de classe, parce que j'ai conscience qu'elle ne me raccompagnera pas comme elle l'a toujours fait depuis mon arrivée dans ce village. J'observe avec un regard triste l'endroit où nous nous amusions la veille et je prie de tout mon coeur pour que cela se reproduise encore et encore.
Je rentre ensuite à la maison avec le coeur à la fois lourd et plein d'espoir. Les flocons craquent sous mes pas tandis que je me dirige vers la boulangerie. Je pousse la porte de la boutique et demande à papa :
- Salut ! Je suis rentré ! Est-ce que tu as préparé ce que je t'ai demandé ?
- Oui, c'est fait, dit-il en me donnant une boite en carton blanc.
- Merci ! Je vais chercher Danke et j'y vais !
- Bonne chance, fiston !
Je gravis les marches de l'escalier en courant et appelle mon chien :
- Danke ! Viens ici ! On va se promener !
Ce dernier arrive en courant et bondit joyeusement autour de moi, comme il le fait à chaque fois que je rentre à la maison. Je lui offre une caresse, puis fais demi-tour et quitte l'habitation, le berger allemand sur mes talons.
Je compose ensuite le code de l'antivol. J'ai déjà vu l'adolescente le composer et, comme il est relativement simple, je l'ai retenu sans difficulté. Je pose la boite dans le panier, essuie la selle pour en faire tomber la neige, puis monte dessus et commence à pédaler en direction de la maison du propriétaite du vélo. Mon compagnon me suit en courant.
Le vent fouette mon visage et joue avec mes cheveux bruns, tandis que j'avance aussi vite que possible. Quelques minutes plus tard, j'arrive à destination. Je descends du véhicule, que j'appuie contre un muret, traverse le jardin où ne poussent plus que quelques arbres et buissons, et sonne à la porte en bois. Par chance, c'est Angela en personne qui vient m'ouvrir quelques secondes plus tard. En me reconnaissant, elle détourne le regard et s'apprête à refermer la porte, mais je la bloque avec mon pied et lui dis :
- Il faut que tu viennes avec moi !
- Pourquoi ? Je croyais que tu ne supportais pas ma compagnie. . .
- Ce n'est pas vrai !
- Pourtant, tu l'as dit avec ta propre bouche.
- Contente-toi de venir avec moi, j'ai quelque chose à te montrer, déclaré-je en l'attrapant par la main et en l'entrainant avec moi.
- Lâche-moi, je ne veux pas venir ! rétorque-t-elle en se débattant.
- Ne discute pas, lui ordonné-je simplement en l'installant sur le porte-bagage.
Elle croise les bras et fronce les sourcils, mais ne cherche pas à s'enfuir. Je pousse un soupir et monte en selle, puis me remets à pédaler, en direction de la forêt, cette fois-ci. Il ne nous faut que quelques minutes pour entrer dans les bois. Les sentiers sont moins pratiques que les routes du village, mais je parviens tout de même à pédaler sans perdre l'équilibre.
Nous sommes accueillis par le chant des mésanges bleues. Cela suffit à détendre l'adolescente, qui retrouve aussitôt le sourire et s'exclame :
- Oh, que c'est joli !
Elle ferme les yeux pour se laisser emporter par la mélodie des oiseaux, mais je lui dis :
- Rouvre les yeux. Tu ne pourras pas profiter du spectacle, sinon.
Elle s'exécute et regarde partout autour d'elle. Ses yeux s'écarquillent lorqu'elle remarque qu'un cerf, accompagné d'une biche et de leur faon, viennent trotter à côté de nous. D'abord surprise, elle passe ses bras autour de ma taille, mais en constatant qu'ils se tiennent tranquilles, elle murmure :
- Je n'en avais jamais vu d'aussi près. Ils sont magnifiques. . .
Elle tend sa main vers le petit animal et lui caresse la tête. Ce dernier se laisse faire et lui offre même une léchouille, qui la fait exploser de rire :
- Ha ha ha ! C'est merveilleux !
Quelques minutes plus tard, nous arrivons devant une chute d'eau gelée. Katharina est assise sur un vieux tronc, devant la petite cascade. Je freine et descends du vélo. Ma camarade de classe m'imite. J'appuie le véhicule contre le tronc d'un arbre, puis m'agenouille pour caresser mon berger allemand, qui est tout essoufflé de sa course. L'elfe s'approche de nous et nous demande :
- Alors ? Comment s'est passée votre balade ?
- C'était fantastique ! s'exclame la jeune brune. C'est vous qui avez demandé aux oiseaux et à cette famille de cerfs de se montrer pour nous, n'est-ce pas ?
- Oui, confirme-t-elle en hochant la tête, mais c'était l'idée de Ludwig. Je n'ai fait qu'exécuter son plan.
Elle pose son regard sur moi et constate avec un petit sourire triste :
- Tu t'es souvenu de ce que je t'ai dit, le jour de notre rencontre.
- Oui et je me suis aussi souvenu du jour où tu m'as dit que la tarte au citron est ton dessert préféré, dis-je en lui présentant la boite en carton. Elle la prend, l'ouvre et ses yeux noisette s'écarquillent aussitôt qu'elle découvre que l'emballage contient la pâtisserie que je viens de citer.
- Je ne comprends pas. . .
- C'est pourtant simple, déclaré-je en prenant sa main dans la mienne. Je tiens à toi, Angela. J'ai conscience d'avoir dit des choses blessantes à ton sujet, mais je ne pensais pas ce que je disais. Je voulais juste dissuader ma mère de penser que je puisse avoir des sentiments pour toi. . . Seulement, j'aurai dû m'y prendre autrement. J'ai mal réagi et je m'en excuse. J'aimerai qu'on reste en bons termes, toi et moi. Je veux qu'on continue à rentrer ensemble sur ton vélo à la fin des cours et qu'on s'amuse comme on l'a fait hier. C'est vrai que tu t'es imposée à moi et que cela m'embêtait au début, mais je me suis habitué à ta présence et. . . je ne supporterai pas que tu m'ignores encore comme tu l'as fait aujourd'hui. Je ne supporte pas non plus l'idée de t'avoir brisé le coeur alors je t'en prie, pardonne-moi !
Un long silence suit ma tirade. Je reste immobile, tête baissée, attendant sa réponse. J'ai l'impression qu'une éternité s'écoule avant qu'elle ne m'attrape par le menton pour redresser ma tête. Elle plonge son regard dans le mien et me dis, avec un grand sourire :
- Tu es tout pardonné.
Elle me serre ensuite dans ses bras, en murmurant :
- Je suis heureuse d'enfin faire la connaissance du véritable Ludwig.
Je lui rends son étreinte en souriant.
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