Pêche et baignade
Le lendemain, comme prévu, nous nous retrouvons dans la forêt pour une partie de pêche. Katharina nous attend déjà au bord du cours d'eau. En entendant le bruit du vélo qui freine, elle se tourne vers nous et nous salue :
- Bonjour !
- Bonjour ! répondons-nous en choeur en descendant du véhicule.
Mon chien se précipite vers elle et profite du fait qu'elle se penche vers lui pour le caresser afin de lui lécher le visage. L'elfe rit et le repousse gentiment en lui disant :
- Arrête, tu me chatouilles !
Mon compagnon comprend l'ordre et s'assied, mais sa queue continue à s'agiter, exprimant sa joie.
- J'ai apporté la canne à pêche de mes parents, comme prévu, déclare Angela en brandissant l'outil.
- Je vous autorise à pêcher, mais à une seule condition : vous n'aurez le droit de prendre que de quoi vous nourrir. C'est parce que les Hommes se sont mis à tuer plus d'animaux que ce dont ils ont vraiment besoin que l'équilibre de l'écosystème de notre planète se retrouve aujourd'hui menacé.
- Comment sais-tu cela alors que tu n'as jamais quitté cette forêt ? lui demandé-je, intrigué.
- Ce sont les oiseaux migrateurs qui m'ont parlé de ce danger. Ils voient et entendent énormément de choses lors de leurs voyages et, à leur retour, ils me racontent tout. Certains ont, par exemple, vu les immenses bâteaux de pêche qui ramassent des milliers de poissons dans les mers et les océans alors qu'autrefois, ils se contentaient de bien moins.
- Tu es drôlement savante ! la complimente ma camarade de classe.
- En grandissant et en observant le monde qui vous entoure, vous apprendrez aussi énormément de choses, lui dit-elle avec un sourire, mais pour l'instant, il me semble que vous avez quelques poissons à pêcher.
- Nous en prendrons un chacun, en comptant Danke, la rassuré-je. Cela devrait nous suffire.
Elle hoche la tête et la jeune brune accroche un appât à son hameçon, avant de le lancer à l'eau.
- Il ne reste plus qu'à attendre calmement, maintenant, nous murmure-t-elle.
Nous gardons le silence pour ne pas faire fuir les poissons. Quelques minutes plus tard, elle s'exclame :
- Ça tire ! Je crois que j'en ai un !
Elle remonte aussitôt sa ligne et, en effet, un petit animal à écailles pend au bout du fil, gesticulant en tous sens pour tenter de se libérer. Elle l'attrape et le pose dans le seau qu'elle a prévu à cet effet. La créature se débat encore pendant quelques secondes avant de s'immobiliser. Je me tourne vers Katharina et lui demande :
- Ça ne te dérange pas qu'on tue les bêtes sur lesquelles tu es sensée veiller ?
- Certaines créatures sont destinées à être mangées par d'autres. Elles meurent pour assurer la survie d'une autre. Que se passerait-il si j'empêchais les lapins de manger les végétaux, les loups de se nourrir des lapins et les ours de dévorer les poissons ? En protégeant une espèce, je condamnerai toutes les autres. Mon rôle n'est pas de veiller sur un animal en particulier, mais sur tous les habitants de cette forêt dans leur ensemble. Tu comprends ?
- Oui, tu respectes la chaine alimentaire afin de préserver l'écosystème de ces bois.
- Exactement !
- Tiens, Ludwig, me dit Angela en me tendant sa canne à pêche. C'est à ton tour.
Je m'empare de l'outil, accroche un appât au hameçon et le lance à l'eau, comme l'a fait ma camarade de classe il y a quelques minutes. Je m'immobilise ensuite et attends en silence. Ce dernier n'est interrompu que par le chant des oiseaux et le bourdonnement des abeilles, qui viennent butiner les fleurs qui poussent autour de la rivière.
Je sens soudainement qu'on tire sur la ligne. Je la remonte aussitôt et constate qu'un poisson pend au bout du fil. Je tourne vers les filles un visage triomphal, mais suis aussitôt refroidi par la brune, qui me lance :
- Pourquoi est-ce que tu tires cette tête ? Ce n'est pas un exploit ! J'ai déjà pêché plusieurs poissons par le passé.
Face à mon epression consternée, elle éclate de rire et me donne un coup de coude amical en me disant :
- C'est bon, je plaisantais ! Bravo !
Je laisse échapper un petit rire nerveux, soulagé, puis me tourne vers mon chien pour lui dire :
- C'est à ton tour, mais comme tu ne peux pas manipuler de canne à pêche, je vais le faire pour toi.
- Il ne peut pas se servir d'une canne à pêche, mais il peut tout de même pêcher son propre poisson, rétorque Katharina. Vas-y, Danke ! Va chercher un poisson !
L'animal bondit aussitôt dans l'eau et en ressors avec une proie entre les dents. Il se secoue ensuite pour se sécher, sous mes yeux ébahis.
- Je ne savais pas qu'il pouvait faire ça. . . Il n'a jamais chassé ou pêché auparavent !
- Oui, mais comme tout être vivant, il a un instinct. Il est donc parfaitement capable de se procurer sa propre nourriture en cas de besoin.
J'offre une caresse au berger allemand pour le féliciter, puis déclare :
- Cette activité m'a ouvert l'appétit. Et si on mangeait nos poissons ?
- Baignons-nous d'abord ! Sinon, on devra attendre une heure avant de pouvoir aller dans l'eau.
- Oh, mais. . . Je n'ai pas prévu de maillot de bain. . .
- Moi non plus, déclare-t-elle en plongeant, toute habillée, dans la rivière.
- Ah ! Elle est bonne !
- J'arrive ! lui lance l'elfe en sautant à son tour.
Je les regarde s'arroser en riant joyeusement, hésitant un peu à les rejoindre. Je n'ai jamais nagé dans une zone qui n'était pas prévue pour, encore moins sans mon maillot de bain. Les filles, remarquant que je ne les ai toujours pas rejointes, m'encouragent à le faire :
- Viens, Ludwig ! me crie Angela. L'eau est excellente !
- Tu ne crains rien. Cette rivière n'est pas dangereuse, me rassure Katharina.
Convaincu par leurs propos, je retire mes chaussures, mes chaussettes et mon T-shirt et plonge à mon tour. L'eau est fraîche, mais sa température est largement supportable. Ma camarade de classe m'accueille en m'arrosant et je réplique aussitôt. Nous nous amusons ainsi pendant un long moment et rions énormément, tandis que Danke entame son repas sans nous attendre.
En sortant de l'eau, nous sommes frappés par l'air encore frais du printemps. Je me dépêche de remettre mon T-shirt en disant :
- C'est malin ! On risque d'attraper froid, maintenant.
- Ne t'en fais pas, me rassure l'adolescente. Il nous suffit d'allumer un feu. Ça nous réchauffera et on pourra faire cuire nos poissons.
Nous embrasons un petit tas de bois avec l'aide de l'elfe de la forêt et nous installons aussitôt autour pour nous réchauffer, tout en faisant cuire ce que nous avons pêché. Pendant que nous mangeons, Katharina me demande :
- Alors, Ludwig ? Que dis-tu du printemps, finalement ?
- Ça n'égalera jamais le patinage artistique, mais c'est tout de même bien.
- On te l'avait bien dit ! s'exclame Angela.
Je leur adresse un sourire avant de mordre à nouveau dans mon poisson.
Ce n'est qu'une fois notre repas terminé que nous prenons le chemin du retour au village. Sur le trajet, la jolie brune se plaint :
- J'ai beau pédaler, j'ai toujours froid.
- C'est de ta faute. C'était ton idée de nous baigner. En plus, tu as sauté dans la rivière avec tes chaussettes et tes chaussures. Tu aurais au moins pu les enlever avant de plonger.
- C'est vrai, avoue-t-elle en riant, mais j'étais si pressée que je n'y ai même pas pensé.
- Ce n'est pas toi qui m'a dit hier qu'on devrait attendre l'été avant de se baigner afin de justement éviter ce genre de soucis ?
- Oui, mais je n'ai pas pu attendre et, puis, je ne le regrette pas : on s'est bien amusés malgré tout.
- Oui, dis-je en levant les yeux au ciel, un sourire aux lèvres.
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