IV

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 Elle est salie, humiliée et meurtrie. Elle descend les escaliers avec l’aide de la rampe et sort de ce lycée. Son corps ne veut plus marcher, elle n’en peut plus. Il fait nuit et elle pleure toujours. Je rentre chez moi. Mon père n’est pas là et mon frère dort chez un ami. Je me dirige tout de suite vers la baignoire et laisse couler l’eau chaude. Je me jette dans celle-ci presque rempli à ras bord. J’ai pris un gant de toilette et j’ai frotté, frotté, frotté. Partout. A m’en faire des plaques rouges sur la peau...

 Je n’en ai parlé à personne, j’ai beaucoup trop honte. De toute façon, qui m’aurait cru ? Franchement, un professeur aussi respectable que M. Lecerf qui viole une adolescente, qui croirait ça ? Les jours suivants ont été si durs… je croyais m'éteindre à petit feu… j’aurais voulu mourir au moment où il m’a salué mais même la mort n’a pas voulu de moi… Même elle, m’a refusé… Il m’est devenu insupportable d'y penser…. Je ne peux plus le voir, passer devant la salle où tout s’est passé m'est d'un tel supplice … Je ne vais plus au cours de philosophie. Je ne peux plus… c’est une torture de le voir. Ces jours-là ont été les plus durs : je vomissais de peur, je ne faisais que des crises d’angoisse, n’arrivais plus à me concentrer, me lavais tous les jours avant et après les cours pour me sentir un peu plus propre … c’est si difficile… J'ai ressorti la lame du rasoir.

 Les mois se sont écoulés comme ça. De longs mois de détresse ou je couvrais mes bras de cicatrices, peut-être pour expier mon mal, ça me faisait du bien… Je ne vais plus du tout en philosophie. Je sèche, je ne le supporte pas… Rien que de le voir une fraction de seconde peut déclencher une crise d'angoisse. Je ne suis pas marquée absente aux cours, je ne comprends pas. Je ne suis plus allée en cours de philosophie depuis cinq mois voir plus… de longs mois de détresse où je me mure dans le silence. Personne ne peux le voir. J'étais déjà insociable avant mais les quelques sourires que j'arrivais à faire sont partis. Aucune expression ne ressort de ce visage. Plus rien, je ne laisse plus rien passer. Je suis comme un bout de bois dans un torrent, emporté par les flots de ma détresse. J'ai tout gardé pour moi, personne d'autre ne sait ce qu'il sait passer ce jour-là. Même ma famille n'a rien vu, personne. Je pense que le premier mois a été le plus dur. Cette peur aussi, de tomber enceinte ne m'a pas quitté les semaines après l’agression. J'attendais, j'espérais revoir cette tache rouge dans ma culotte, signe que la semence de… de cet homme n’a abouti à rien. Je suppliais mère nature de me donner la certitude qu'il n'y avait pas d'enfant issu de cet acte contre-nature. Les attendre dans la crainte qu'un être humain puisse grandir à l'intérieur de moi me rendait presque folle. J'aurais pu faire un test, mais la peur qui s'était installée m'en a empêché. Rien que le fait de penser à une éventuelle grossesse m'était insupportable. Lorsque j'ai enfin eu mes règles trois semaines après, toutes ces questions étaient résolues : je n'étais pas enceinte. C'était, pour moi, une petite libération. Le bout de bois semblait un peu plus léger. Je pouvais enfin commencer à souffler un peu. Même si ce cauchemar était loin de se terminer. J’ai sortie la lame de rasoir…

 Tous ces mois à tenter d'oublier, jusqu'à aujourd’hui matin, jeudi 1er mars. Un vaccin en retard à me faire ou une visite de à l’occasion je crois… je ne sais plus… j’oublie beaucoup de choses… Je rate quelques heures de cours, prends le bus, arrive au cabinet et m’installe sur une chaise dans la salle d’attente. Un lieu d’attente où je sombre encore une fois de plus dans mes pensées. Ce viol me rattrape toutes les nuits, je fais toujours autant de crises d’angoisse, partout, au lycée comme à la maison. J'ai arrêté de vivre. La peur ne me quitte plus. J'y repense tous les jours comme un mauvais cauchemar qui ne vous laisse pas respirer. Je coule au plus profond de cette noirceur qui m'empêche de vivre. J'ai la gorge sèche tout le temps, les flashs me torturent tous les jours comme une corde autour de mon cou prête à coulisser. J'ai beaucoup pensé au suicide. Mettre fin à cette vie misérable, quitter cette vie, abandonner le navire, de tout manière, celui-ci coule. J'ai déjà essayé de me trancher les veines, je n'y arrive pas. A chaque fois que j’essais, je repense aux sourires de mon frère et de mon père lorsqu’ils m’ont fêté mon anniversaire. C’était trois jours avant tout ça. Je n'ai pas de corde assez solide pour supporter mon poids et j'ai aucune arme pour me tirer une balle en pleine tête. Rien. Ces idées noires et ces cicatrices sur mon bras se multiplient au fur et à mesure que les mois s'écoulent. Ces idées noires me replongent plus tôt dans ma vie. En sixième j'y avais déjà pensé, lorsque ma dernière amie m'a tourné le dos. En cinquième aussi, lorsque je ne sais qui a commencé à m’envoyer des insultes groupées par message. Je n’en ai jamais parlé pourtant Dieu sait que ça a été difficile. Quand j’y repense, j'ai toujours été une enfant repliée sur elle-même. Toute jeune, je jouais seule dans un coin de la cour. Et puis elle est venue vers moi. Elle, une petite rousse avec un sourire d'ange et des taches de rousseurs sur ses joues délicates…

''Adèle'' ? On m’appelle, me tirant de mes pensées. Je rentre dans la salle du médecin.

-Bonjour Adèle, qu’est-ce qui t’amène ici de bon matin? Je n’ai pas précisé que c’est mon médecin traitant depuis trois ans.

-Oui bonjour, je crois que c’est pour un examen de routine ou un vaccin, je sais plus. Dis-je d'une voix dénuée d'émotions, vide.

-Ok, on va regarder ça. Assis-toi sur la chaise médicale, tu veux ? Je m’exécute, mon corps s’actionne mais mes pensées se perdent. Il se dirige vers moi, stéthoscope au cou. J’angoisse. Un homme d'une cinquantaine d'années avec une jeune fille dans une salle fermée, c'est comme une répétition. Je ne peux pas, à nouveau, je suis paralysée de peur. Une peur bleue des hommes est née.

-Adèle, tes habits s'il-te plaît. Depuis… depuis il m’est difficile d’enlever ne serait-ce qu'un pull en présence de quelqu’un, ça m’angoisse énormément… j’en ai des sueurs froides… ‘’Bon, c’est pour aujourd’hui ou pour demain’’ plaisante-il. Ça ne me fait pas rire du tout. J’ai peur.

-Je suis vraiment obligé ?

-Adèle, qu’est-ce-qui t’arrive ? D’habitude tu ne rechignes pas. Allez !

Contrainte et angoissée, j’enlève mon pull, puis mon haut… C’est si difficile… Une fois assise, je dissimule mes bras couverts de cicatrices. Je suis terriblement stressée à l'idée que l'histoire se répète.

-Bien, voyons voir. Inspire et expire lentement. Je méexecute. Cette proximité entre le médecin et moi est insupportable, je souffres en silence. Celui-ci grimaçe en écoutant mon cœur. Il prend le tensiomètre pour mesurer le pou et me le met autour du bras. Il n’a rien vu ? Rien ? Il a passé le brassard sans dire mot. ''Ton pou va assez vite. Tu veux bien t’allonger s’il te plaît ?'' C’est ce que j’ai fait et il s’est mis à me palper le ventre. Je ne m'étais pas du tout préparé à ça, je ne supporte plus qu’on me touche…c'est un enfer, je suis encore plus paralysée. Chaque fois qu'il me touche me rappelle… je suis pétrifié, mes muscles sont raides et ma gorge sèche. M.Toupet commence à grimacer. ‘'Dis-moi, simple, question, as-tu eu des rapports sexuels ces derniers temps ?’’. Que devais-je lui répondre ? J'hésite.

-Non. Oui, j’ai menti, le silence a pris le dessus, comme d'habitude.

-OK, et à quand remonte tes dernières règles ?

-… il y a deux semaines, je crois… pourquoi ? Il s’est dirigé vers la porte, à appeler quelqu’un, lui a demandé de ramener quelque chose, puis est revenu vers moi.

-Adèle, je ressens une légère masse au niveau du ventre. Je suspecte un kyste… On va juste vérifier avec un échographe, ok ? Tout va bien se passer. Je venais ici pour un banal examen de routine et voilà qu’on me diagnostiquait un cancer. Un cancer… Enfin la mort voudrait-elle de moi ? Une dame en blanc est arrivée avec un échographe. Le médecin a repris les commandes et m’a expliqué ce qu’il allait faire avec cette machine. Je n’ai pas rechigné, peut-être trop occupé à stresser… Il a étalé le gel et a commencé à chercher quelque chose avec la sonde. Les deux médecins avaient les yeux rivés sur l’écran, écran que je ne pouvais pas voir puisque je ne voyais que le dos de la machine. Et puis, la sonde s’est arrêtée… ils ont écarquillé les yeux… je n’étais plus du tout rassurée…

-Tu, tu as bien eu tes règles tous les mois ? Balbutia la médecin.

-Oui… Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? M.Toupet fit un signe à la dame de partir tandis qu’il s'essuyait délicatement le gel sur mon ventre avec un mouchoir.

-Tu peux te rhabiller. Je, je vais t’expliquer la situation à mon bureau. Qu’est-ce qu’il avait trouvé de si inquiétant ? Je me rhabilla, me rassis sur la chaise derrière le bureau du médecin. Il tapotait sur son clavier, s’arrêta et prit la parole.

-Adèle… ce n’est pas un kyste. Tu, tu es enceinte… Me dit M.Toupet d’une voix grave.

Note d'auteur:

 Voilà, je reviens avec la suite de cette histoire. J'espère que ca vous plait!

;)

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