VI
Mon souffle se coupe, je n'arrive plus à respirer, j'ouvre mon manteau et enlève mon écharpe, ils m'étouffent. Ça y est, je refais une crise. Encore plus violente que d’habitude. Je suis en boule, j'ai mal, si mal. Ma tête est lourde, mes yeux me brûlent de pleurs. Je n'en peux plus. Pourquoi moi ? Prise de colère, je me frappe le ventre, la chose qui me fait sûrement le plus mal en ce moment. Un coup, deux coup, je n’en peux plus. Pourquoi devrais-je continuer à lutter en fin de compte? Dans quel but ? C'est vrai, pourquoi lutter au fond ? Qu’est-ce qui me raccroche encore à la vie? Rien…. Rien. Je prends ma trousse dans mon sac et l'ouvre. Ma lame de rasoir est toujours dedans. Cachée dans une poche cousu spécialement pour. Ca y est. J’en ai marre de cette vie. Elle m’a infligé trop de peine. Je n’en peux plus. Jusque là, j’arrivais à survivre mais aujourd’hui, je sais. J’y ai déjà pensé ce matin mais je ne voulais pas que mon père ou mon frère découvre mon cadavre. Je ne veux pas leur infliger cette peine. Je n’y arriverais jamais… Ma vie est foutu, alors autant en finir. Je prends cette lame et d’une main décisive, me coupe les veines d'un coup sec. Le sang coule abondamment, il s’échappe de mes veines, la vie de la même manière. Ça y est, je vais mourir. Cette image me réjouit. Ça y est c’est la fin. L’au delà va m’ouvrir ces portes. Là haut, je serais paisible. Je souris à cette image. Je vais mourir. Une de mes dernière idées me vient en tête. Avec mon propre sang et à l’aide de mes doigts tremblants, je peins ces lettres : LECE. Mon dernier message au monde, les premières lettres du nom de mon agresseur. Qu’il finisse en prison, je veux qu’il souffre comme j’ai souffert. Je n’ai pas pu finir d’écrire. Le sang continuant d’affluer, je perds connaissance. Ça y est, c’est la fin. Je vois un jeune homme aux cheveux blonds au seuil des portes court vers moi. Est-ce Jésus ? Quelqu’un qui vient me tirer de ce monde impitoyable ? Vient-il pour m’accompagner pendant le voyage ? Il s'agenouille, me prend dans ses bras et cri. Je pleure, un peu.. Je n'ai pas mal. Je meurt. J’esquisse un dernier sourire avant la fin. Je pars.
Narrateur externe :
Mme Laval a perdu de vue Adèle en un claquement de doigt. Elle a disparu, elle croit l'avoir vu courir vers la cage d'escalier. Elle ne sait absolument pas ce qui se passe mais décide d'envoyer Vincent la chercher. Il accepte sans rechigner. Vincent fait partie des loups solitaires de la classe tout comme Adèle. Il est grand, les yeux verts émeraude et des cheveux blonds courts. ''Vas vérifier dans la cage d'escalier, je crois l'avoir vu s'y rendre. Merci '' lui dit-elle. Il accepte et sort de la classe tandis qu'elle y rentre. Lui se dirige vers cette cage d'escalier. Il entend des bruits qui ressemblent à des sanglots, il a tout juste le temps de voir la pauvre fille se trancher les veines. ''Nonnnnn'' cri-t-il en se précipitant vers elle. Il la prend dans ses bras. Elle pleure un peu, puis ferme les yeux. Lui est affolé, il crie à l'aide. ''A l'aide, à l'aide !!! Quelqu’un, vite ! A l'aide !!!''. Celle-ci entend ses appels, elle a laissé la porte ouverte au cas où ils reviendraient. Elle aussi se précipite vers la cage d'escalier, laissant sa classe dans une incompréhension totale. ''Restez-là s'il vous plaît'' leur a-t-elle dit avant de partir. Elle court vers la cage d'escalier. Lorsqu'elle y arrive, elle voit tenir dans ses bras la jeune fille en question, celle-ci perd du sang, trop de sang. ''Appelez les pompiers !!! Vite !!!'' lui cri-t-il. Elle sort son téléphone de sa poche et exécute ses ordres. ''Allô ? Oui bonjour, j'ai, j’ai besoin d'une ambulance… lycée Paul Mirabel. Elle, elle s'est coupée les veines, c'est grave !'' Dit-elle au SAMU, paniquée. Vincent regarde celle qu'il tient dans ses bras, son regard se pose sur son ventre. Il remarque qu’il est rond. ''Elle est enceinte.'' Dit-il une première fois faiblement comprenant lentement la situation. ''Elle est enceinte !!!'' le cri-t-il ensuite à sa professeur encore au téléphone. Elle répète aveuglément. ''Elle est enceinte !!!'' dit-elle au SAMU en jettant un œil sur l'élève en question, elle comprend enfin ce qu'il se passe. ''Oui...Oui, euh... à un stade avancé oui… Dix minutes ?! Ok…oui, d'accord.'' Répond-elle au SAMU avant de raccrocher. ''Vincent, reste là, je, je vais prévenir le directeur, je reviens vite promis.''. Il hoche la tête tout en agissant. Il tire de sa blouse de physique qu'il porte tout le temps, le bandeau blanc qui fait office de ceinture. Il la retire et l'enroule autour du poignet ensanglanté de la jeune fille. Il sert pour arrêter l’hémorragie mais c'est difficile. Il a peur de lui faire mal. Pourtant, elle reste inconsciente. Elle est pâle, on a l'impression qu'elle dort. Il est peut-être déjà trop tard. Le jeune homme vérifie en continu son poux, il bat lentement. C'est le principal, elle vit. Pendant ce temps-là, Mme Laval accoure vers le bureau du directeur. Les élèves de sa classe la voient passer, elle est affolée. Eux ne comprennent rien, ils sont tous dans cette salle à vérifier qui manque à l'appel à part Vincent. La professeure ouvre la porte du bureau du directeur, il est au téléphone.
-Excusez moi, lui dit-elle, c'est urgent ! Je, je ne sais plus quoi faire ! Le directeur remarque quelques taches de sang sur son gilet. Il comprend que quelque chose se passe.
-J'arrive. Il met fin à sa discussion et suit la professeure d’un trait. Il sort de son bureau avec elle sans fermer la porte derrière lui.
Au pas de course, ils longent le couloir, elle lui explique ce qu'il se passe. Les élèves revoient leurs professeurs accompagnés du directeur repasser devant leurs salle de classe. Ils entendent des bribes de leurs discussions : '' les veines.. ambulance… Elle est en…''. Ça s'arrête là, ils sont trop loin. Les deux adultes arrivent au niveau de la cage d'escalier. Par terre est étendu une jeune fille au ventre rond. Le bandeau qu'à mis Vincent autour de son poignet est imbibé de son sang. Le carrelage prend une couleur rougeâtre. Ils restent quelque seconde devant cette scène atroce puis se reprennent en main. ''Je vais en bas, ouvrir la grille aux ambulanciers et j'appelle ses parents. Restez ici et veillez sur elle'' dit-il à Mme Laval. Elle s'exécute et prend le poux de la jeune fille. Il ralentit de minute en minute. Elle perd toujours du sang abondamment mais le bandeau utilisé comme garrot semble stopper momentanément l'hémorragie. Elle prend la main de la jeune fille si pâle. Vincent déchire des bouts de tissus de sa blouse encore épargnés par le sang et les change avec le bandeau. Celui-ci est imbibé, il ne sert plus à rien. Il couvre l'entaille maintenant apparente avec ces bouts de tissus arrachés. Elle respire faiblement, trop faiblement. Les minutes s’écoulent lentement. Deux, trois, sept minutes. On ne l’entend presque plus respirer, est-ce que c’est la fin ? On entend enfin l'ambulance arriver. Les secours arrivent. Les élèves dans la salle de permanence sont priés de rester assis pour ne pas déranger l'arrivée des secours. Ceux-ci montent l'autre escalier qui donne accès au premier étage. Mme Laval les attend au fond du couloir, elle leur fait signe. Ils foncent vers elle et constatent les faits. Ni une ni deux, ils s'en occupent. Vincent est repoussé tout comme sa professeure. Le directeur revient, lui non plus ne peux accéder à cette cage d'escalier où tout se passe. Les élèves dans la salle de permanence s'agitent, le directeur essaye de les calmer. Il vérifie en même temps la classe de Mme Laval. Des élèves sont sur le seuil de la porte, ils ne comprennent rien. Du regard, le directeur leur demande de rester dans la classe. Ils obéissent. Les secouristes s'occupent de la jeune fille. Elle ne réagit plus. Une secouriste palpe son ventre. '' Elle a du se frapper au niveau du ventre, elle perd un peu de sang. Comme ça, je dirais cinq ou six mois de grossesse. Il faut faire vite sinon elle va le perdre'' dit-elle, elle semble confiante quand même. Un des plus vieux secouristes parle à un jeune secouriste, sûrement un son apprenti .
-Ok, donc, phlébotomie, patiente enceinte, stade avancé de la grossesse, plaie profonde mais aucun tendons trop sérieusement touchés. Donne moi un garrot vite ! Ils lui font donc un vrai garrot. Ensuite, ils désinfectent la plaie avant de lui mettre un masque à oxygène. Ils se sont ensuite mis à trois pour la mettre sur le brancard, le temps est compté. ‘’Ne vous inquiétez pas, ce n’est qu’une simple intervention, je vous demande de rester calme, ce n’est rien’’ annonce le directeur aux élèves en permanence. Ils pensent que ce n’est rien. La fille est mise sur le brancard et est emmenée vers l'ambulance, Mme Laval et le directeur la suivent. Vincent s'est retiré. Il est au fond du couloir, regardant les ambulanciers et le brancard s'en aller. Il semble vide. Il est bouleversé. Sa blouse déchiré est immaculée de sang, tout comme ses mains, teintent de sang rouge séché. Vincent est là, debout, les yeux rivés sur le brancard qui disparaît devant lui. A une dizaine de mètres se trouve la classe de Mme Laval. Quelques yeux sont rivés sur lui tandis que les autres suivent les secouristes. Le brancard disparaît sous les yeux de Vincent. Il est pâle.
Les secouristes, eux, emmènent Adèle à l’hôpital. Dans l'ambulance, il y a Mme Laval. Elle a eu la permission de la part du directeur pour accompagner la jeune fille dans l'ambulance en attendant que les parents arrivent à l'hôpital. Elle tiens toujours la main de celle-ci. Son poux s'est un peu régularisé. Elle a même, le temps d'une seconde, ouvert les yeux avant de sombrer une nouvelle fois dans l’inconscience. Arrivée à l'hôpital, elle est prise en charge rapidement. Mme Laval a attendu dans la salle d'attente une trentaine de minutes avant de pouvoir entrer dans la chambre de la jeune fille encore inconsciente. Il n'y avait plus qu'une seule tache de sang visible. Elle posa son manteau sur la chaise en face du lit. La porte s'ouvrit violemment et un homme apparut dans l'encadrement de la salle suivit d'un jeune homme d'une vingtaine d'années.
-Bonjour, monsieur Thomas ? Demanda Mme Laval.
-Adèle? Comment ? Pourquoi ? Ils étaient complètement perdus, affolés. Avant qu'elle n'ouvre la bouche pour expliquer, le médecin de service entra.
-Ah, voilà toute la famille. On va pouvoir commencer. Mme Laval voulut le corriger mais elle n'en eut pas le temps. Votre fille a fait une tentative de suicide dans la journée en se taillant les veines… Seulement, il n'y a pas que ça… Il sembla hésiter. Elle est aussi enceinte de six mois et demi. Ce fut un vrai électrochoc. Leurs visages se décomposèrent.
-Mais, mais elle va s'en sortir n'est-ce pas ? Hein docteur, elle va s'en sortir ? On voyait la peur dans le regard du père. Il faisait abstraction du second élément de la phrase.
-Oui, elle va s'en remettre. Elle va se réveiller, ne vous en faites pas pour ça. Tous étaient impuissants dans cette situation. Personne ne comprenait. Le médecin fut appelé d’urgence pour un autre patient, laissant le père, le frère et la professeur de français seuls.
-Et vous, vous n'avez rien vu ? Le père avait pris la main de sa fille dans la sienne. Il se retenait pour ne pas pleurer.
-Non. Non je n'ai rien vu. Personne…
-Sortez. S'il vous plaît. Lui dit-il. La professeure s’exécuta, prit son manteau et sortit de la salle. Elle jeta un dernier regard à la fille dans le lit, elle sentait un sentiment de culpabilité aux plus profond de son âme et ferma la porte
Quand je me suis réveillée, la blancheur de la pièce dans laquelle j'étais m'agressa les yeux. Ma vue redevenait normale. J'étais en vie, dans une chambre d'hôpital. Je m'étais donc loupée. Mon père et mon frère étaient présents dans la salle. A peine avais-je ouvert les yeux que les deux hommes étaient à mon chevet. Les yeux rivés sur moi.
Annotations
Versions