XXXII

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incent :

Je sors de chez Adèle, cette journée a été tellement belle, c’était presque comme dans un rêve… mais tout a une fin. Elle m’a tellement suppliée de ne pas rentrer chez moi, je n’en ai fait qu’à ma tête. Je sais ce qui m’arrivera si je ne retourne pas chez moi… Je lui ai promis de la revoir lundi au lycée, une promesse ne vaut rien dans mon monde, dans son monde, si. Quand elle pleure, ces larmes scintillent, on dirait une petite fée, pleurante au bord d’un lac. Je n’ai jamais eu d’amis, mais elle s’est différent. Nous somme pareils tous les deux. Deux parcours différents et pourtant similaires. Quand je suis avec elle, j’oublie tout ce qui m’attend quand je la quitte. Elle est ma bulle d’air. C’est ce que je me dis en rentrant chez moi. Pour l’instant, je vis dans un quartier assez mal fréquenté. Je croise des drogués à longueur de journée, les dealers qui les fournit, des prostituées, des trafiquants, des racailles en tout genre. Il y a des bagarres et des règlement de comptes tellement souvent, ils font parties du quotidiens ici. La peur et la violence règne en maître ici, il faut, c’est une question de survie, s’adapter à ce monde de rats et apprendre à se défendre du mieux qu’on peut. Tony, l’un des plus grands trafiquants de drogue du quartier me surveille des yeux, il m’attend surement pour un règlement de compte. Je me demande où sont mes gars, surement au bar d’à côté. Ici, soit tu es un membre de gang et tu es la victime, soit tu survis en étant toi-même chef de gang petit ou grand. J’ai choisi de survivre. Je mène une vie de chat errant chef de moi-même. Je monte les escaliers tagués de mon immeuble et me retrouve devant la porte de chez moi. Je l’ouvre, ma vie s’arrête ici, je ne pense plus à Adèle mais à ma survie désormais. Des cannettes de bières jonchent le sol, il y a aussi des capotes utilisées ou non. Ca pue la pisse, je ne la sens plus tellement c’est habituel. J’entre et ferme la porte.

-Qu’est’c’que t’es allé foutre toute la journée p’tit merdeux??? Me crie mon père, encore sous l’emprise de l’alcool. Je l’entends, je sais où il est. J’avance dans le couloir, au bout, le salon. Mon père est dans le canapé, à regarder la télé, une bière à la main. Je me tais, il vaut mieux pour moi.

-Oh j’te parle trou d’uc’ ! Me crache-t-il, je sens que je dois répondre.

-Chez une amie.

-Toi, un p’tit merdeux, t’as des amis ?! Je ne réponds pas et pars dans la petite salle qu’on appelle chambre. J’y ai un matelas comme lit, un bureau qui tient à peine debout et une étagère qui tient quelques livres et mes vêtements. Je dépose mon sac de cours, si on peut appeler ça comme ça, dans un endroit pas trop crade et m’assis sur ma chaise de bureau. Il n’y a aucune fenêtre, c’est pour éviter qu’on nous voit quand mon père me prostitue. Dans un des tiroirs fonctionnels de mon bureau, je garde mon flingue. Je le garde, au cas où. Quelque chose tombe de mon sac à moitié ouvert, un tube, je le prends, c’est celui que m’a donné Adèle, pour soigner les bleus, j’en aurais surement besoin. Je le range sur mon bureau lorsque j’entends mon père gueuler, des bruits de pas se rapprochent de la chambre, je vois mon père dans l’embrasure de la porte, sa bouteille de bière toujours à la main.

-T’as quatres clients ce soir, dépêche-toi de te préparer !

-Ils seront pas violents comme la dernière fois ? Je demande.

-S’ils aiment ça, tu te laisse faire, et puis de toute façon, t’aimes bien ça hein petite salope ! Dit-il en me prenant la bouche. Toi t’es une perle rare, j’te lâcherais pas, tu es à moi ! Chuchote-t-il dans mon oreille. Je sais qu’il ne me laissera jamais partir d’ici, je le sais. Allez, j’te laisse, rappelle-toi, le fric, c’est l’plaisir ! L’homme disparait, je sais ce qu’il me reste à faire…

Point de vue d’Adèle :

Je me réveille le lendemain et me rue sur mon téléphone. Vincent à envoyé un message à neuf heures, il est onze heures. ‘’Tkt, tout s’est finalement bien passé, je vais bien :D’’. Que ça, je m’empresse de l’appeler, ça sonne puis ça décroche.

-Allô ??? Vincent c’est moi ! Est-ce que tout va bien ??? Je m’empresse de demander.

-Adèle, qu’est ce que je t’ai envoyé ce matin ? Tout va bien je t’ai dit.

-Oui, c’est ce qu’on dit quand on va mal et qu’on veux pas le dire ! Tu sais très bien que tu peux être sincère avec moi !

-Je t’assure Adèle tout va bien ! Dit-il en appuyant sur les trois derniers mots.

-Ok, ok, je suis là si t’as besoin hein ?

-OUI ! de même pour toi. Allez à plus ! Me dit-il en raccrochant. Je n’ai pas réussi à déterminer s’il était sincère dans sa voix. Je suis surprise par l’enfant qui bouge. Je pose mon téléphone et le regarde déformer mon ventre. C’est impressionnant, je touche là où il y a une bosse, on dirait un pied. Il bouge encore une dernière fois avant de s’arrêter. Je reste encore dans mon lit, on dirait un cocon, j’aime bien cette sensation. Dimanche passe comme ça, je ne fais rien. Par contre le lendemain, je me réveille de bonne heure avant de retourner au lycée. J’attends impatiente et inquiète, l’arrivée de Vincent. Soudain je le vois marcher vers moi, il est en meilleur forme que la dernière fois. Son cocard commence à disparaitre, sa blessure à la lèvre c’est refermé, il est mieux. J’accoure vers lui et le prend dans mes bras. Il est d’abord surpris mais ça ne dure quelques secondes. Les gens autour disparaissent, je m’en fous des commérages, j’ai eu tellement peur. Je me détache, j’ai senti quelque chose, une odeur que je connais.

-Tu as remis de la crème ?! Il t’as encore frappé c’est ça ??? Vincent dis moi !!! Il me prends les mains.

-Tout va bien, j’en ai remis pour mon cocard, c’est pour ça que je sens cette odeur. Je l’aime bien, ça fait parfum !

-Je préfèrerais que tu n’ai pas à l’utiliser ! Je lui siffle. Il me sourit, la sonnerie sonne, nous entrons en cours. La journée se passe tranquillement. A quinze heures, je vois Vincent me quitter, tranquillement et sereinement. J’ai peur, tellement peur pour lui. Il m’a demandé de lui faire confiance, c’est ce que j’essaye de faire mais c’est difficile. Je rentre chez moi pas très apaisée. Ce lundi se passe sans trop d’encombre.

Je viens de finir mes cours, je dois aller chez la psy’. Déjà que je n’y suis pas allée vendredi dernier parce que j’étais avec Vincent, ce que je ne regrette pas le moins du monde, je dois obligatoirement m’y présenter. Ainsi, je suis assise dans la salle d’attente de son cabinet. Elle sort de sa pièce et me demande de rentrer.

-Tu n’es pas venue la dernière fois. Me dit-elle en s’installant dans sa confortable chaise et en m’invitant à m’asseoir dans le fauteuil.

-Oui j’ai eu quelques petits soucis. Dis-je en m’executant.

-Rien de grave ?

-Non… enfin si peut-être.

-Tu m’expliques ? J’hésitais, mais comme je suis là pour ça.

-Vous vous rappelez de Vincent ?

-Le garçon sympa qui t’as aidé dont tu me parles souvent ?

-Oui, c’est lui.

-Eh bien ?

-Je pense qu’il va mal, très mal.

-Comment ça ?

-Il, il est arrivé vendredi au lycée couvert de bleu… J’ai compris la situation et je l’ai invité chez moi pour ne pas qu’il rentre chez lui.

-Et c’est pour ça que tu n’est pas venue vendredi.

-A vrai dire, j’avais complètement oublié, j’avais pas trop la tête à ca.

-Mais il va mieux ton ami ?

-Je ne sais pas. Il dit qu’il va mieux, mais je sais maintenant que ça peut être faux.

-Comment ça ‘’ça peut-être faux’’ ? Me demande-t-elle.

-Il me dit que tout va bien avec une si profonde conviction que je ne sais pas si c’est vrai ou faux.

-Et s’il était sincère ?

-Il ne peut pas être sincère, pas avec tout ça.

-Tout ça quoi ?

-C’est trop compliqué. Tentais-je de m’échapper.

-Non vas-y, on a le temps.

-Non, et puis je ne pense pas qu’il aimerait que je le dises. Elle semble écrire quelque chose sur son carnet. Je n’y prête pas vraiment attention.

-Tu pense ça ?

-Franchement… oui. Je sais qu’a sa place, je n’aimerais pas ça.

-Vous devez être très proche alors si tu arrives à te mettre à sa place. Me dit-elle, je réfléchis. ‘’Très proche’’ qualifierait bien notre relation. Mais je repense à la leçon de français, il m’avait dit un truc que j’ai refusé d’entendre. Je me contente de lui répondre un ‘’hmm’’.

-Tu ne veux pas trop en parler, je comprends. Me dit-elle avant de passer à un autre sujet, puis un autre, puis un autre. La séance se termine ainsi. Je repars le cœur un peu plus léger peut-être. Le journée passe rapidement, pareil pour la semaine. Le mois de mai pointe son nez, j’entre bientôt dans mon huitième mois. Vincent a été placé dans une famille d’accueil quelques temps, il sait, nous savons qu’il va retourner chez son père tôt ou tard, mais pour le moment, la famille est gentille. Nous sommes le deuxième week-end du mois, un samedi. Je suis dans mon lit, je pense à l’après. Après avoir longuement réfléchit, je me lève, prends quelque sous et sors de chez moi. Toujours en sweet et en pantalon de grossesse, je rentre dans le premier centre commerciale du coin : Rosny 2. Je me dirige vers un magasin pour nourrisson, à la recherche d’un rayon spécifique, une fois arrivée, je me fige. Il y a là, des body, des toutes petites chaussettes, des toutes petites chaussures, des tétines, des doudous… tout ce qu’il faut pour un bébé. Une dame s’avance vers moi.

-C’est mignon quand même ! Vous en êtes à combien vous ? Me demande-t-elle, ses yeux pétillent à la vue de ces body. Une vendeuse s’approche de moi.

-Vous cherchez quelque chose mademoiselle ? Pour vous ou pour un cadeau ? On a de super doudou, fait en France dans le respect de la nature, ils sont au fonds à droite. Me dit-elle, je n’étais pas prête et m’enfuit du magasin. Tout ça, c’est pas pour moi, je ne peux pas, je n’y arrive pas. Toutes ces petites choses me mettent au plus mal. Je me réfugie dans le premier bus et rentre chez moi. C’était une si mauvaise idée, j’ai cru que j’en étais capable. Je vais donner naissance à un bébé dans moins de deux mois et je n’arrive même pas à lui acheter de quoi s’habiller. Je suis nulle tellement nulle. Quelle idée de merde ! Le week-end passe sur cette défaite des plus humiliantes, la semaine de travail arrive aux gallots. Je rejoins Vincent à la grille du lycée, comme à notre habitude.

-Hey ca va ? Me dit-il, tout content, comme à son habitude.

-Ouai, ça pourrait aller mieux mais bon, on attaque une nouvelle journée. Dis-je, souriante. Passé la porte du lycée, les cours reprennent. Nous marchons, montons des escaliers, redescendons, ce lycée est un labyrinthe. La sonnerie sonne, il est quinze heures, nous sortons de la salle d’anglais, c’est la récré, il ne nous reste plus qu’une heure de cours. Nous sommes dans le hall, Vincent et moi, lorsque mon téléphone sonne. Je décroche.

-Allô ?

-Oui allô mademoiselle Thomas, c’est le commandant de police, vous vous souvenez ? Je n’arrive pas à très bien entendre avec tout ce brouhaha d’élèves. Je me rends donc dehors, c’est tout de suite plus calme. Nous sommes près du chêne. Vincent est toujours derrière moi, nous sommes tous les deux collés comme cul et chemises maintenant !

-Oui, je vous entends mieux maintenant ! Qu’est-ce qu’il y a ? Je réponds.

-C’est délicat… Avec les aveux de monsieur Lecerf, le juge a fixé la date du procès. Je suis soulagée, mais j’entends que la phrase n’est pas finit.

-Oui et ? Dis-je.

-Il a retiré ses aveux, il ni tout en bloc à présent. C’est votre parole contre la sienne. La date a donc été repoussée, on va vous envoyer une convocation. Ca va aller ? Me demande-t-il, je suis sous le choc. Il ni tout encore une fois ? Je bégaye.

-Euh… oui, oui.. merci, au revoir. Dis-je en raccrochant. Vincent me regarde de ses yeux demandeurs. Je n’ai pas le temps de répondre qu’une douleur au bas du dos me paralyse. Mon téléphone tombe par terre, je m’assois sur le banc, douloureusement.

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