Chapitre 8
Durant les quatre heures qui suivirent, je regardai souvent si personne ne me suivait. Puisque je ne remarquai pas une seule fois les têtes d’Alex ou de Lionel parmi la foule, je finis par croire que je m’étais débarrassé d’eux.
J’étais bien loin de la vérité. Alors que je regardais dans la devanture d’un magasin, j’entendis une voix :
- Non, ce magasin-là est nul, je te le déconseille.
Je me retournai vivement et mes yeux rencontrèrent ceux d’Alex, qui avait un grand sourire narquois aux lèvres. Je sursautai brusquement, etserais tombé à la renverse si Alex ne m’avait pas retenu. Je sifflai :
- Qu’est-ce que vous faites là ?
- Simple histoire de logique, dit Alex en haussant les épaules. On a essayé de te suivre directement, et lorsque l’on est entré dans l’arbre, tu n’y étais pas. Après un rapide calcul, on en a conclu que tu n’avais pu prendre que les quatre Arbres les plus proches - deux en avant, et deux en arrière. On s’est séparés, et on a pris chacun l’arbre le plus proche. Je t’ai vu il y a trois heures, et le temps de trouver Lionel et de le ramener ici, puis de te retrouver, ça y est !
- Mais je me retournais toutes les cinq minutes, comment avez-vous pu me suivre sans que je vous voie ?
- Tu ne m’as pas écouté ! Je viens de te dire que l’on vient seulement de te voir !
- Où est Lionel ?
- Dans la boutique, il te surveille de l’intérieur, et à priori, il a l’air de bien se marrer. D’ailleurs - Alex fit signe à Lionel de venir - on n’a plus besoin de se cacher.
Lionel sortit de la boutique, avec un grand sourire lui aussi.
- Vous m’énervez ! soupirai-je.
- Tu as acheté quoi ? demanda Lionel avec curiosité.
- Par pitié ! On dirait deux grands-mères qui me chouchoutent ! Venez, on rentre. J’en ai marre.
Sans plus tarder, je partis en avant, furieux, même si je n’avais aucune raison de l’être. En effet, je les avais semés suffisamment longtemps pour être tranquille. Mais pas assez longtemps pour pouvoir rentrer seul.
- Tu crois qu’il boude ? demanda Lionel dans un murmure.
- Je pense que ça se voit, dit Alex, dont je perçus le haussement d’épaules du coin de l’œil.
- Eh Alex ! dis-je. Tu n’étais pas sensé me détester ?
- Si, mais j’ai reçu un avertissement. Si je t’insulte encore une fois, je suis renvoyé du groupe.
- Ce qui ne se fera pas, vu que tu es essentiel au groupe, je connais le refrain, ironisai-je.
- En effet, dit Alex, n’ayant pas perçu l’ironie dans ma voix.
Soudainement, je fis un écart de ma trajectoire, empruntai un autre chemin, et me fondis dans la foule omniprésente. Je connaissais suffisamment la ville pour en avoir le plan précis dans la tête, et pour ne pas me perdre.
- Ça leur apprendra à me suivre tout le temps, pensai-je.
Après avoir choisi plusieurs chemins différents, je sortis de la ville pour rejoindre l’Arbre. Comme je le pensais, personne ne m’y attendait. Avec un sourire satisfait, je courus et entrai d’un trait dans l’Arbre.
Je continuai de courir dans l’entre-monde, et au bout de seulement un quart d’heure, j’arrivai dans le repaire. Claude, examinant une carte, releva la tête à mon approche. Il me demanda, les sourcils froncés :
- Où sont Lionel et Alex ?
- Je ne suis pas sensé les avoir vu, observai-je. Mais bon, je les ai semés dans la ville.
- Quoi ? Mais pourquoi ?
- Je suis assez grand pour me protéger tout seul ! criai-je.
Lionel et Alex apparurent derrière moi à cet instant. Je soupirai :
- Et bien les voilà, mes deux anges gardiens.
- Tu n’as pas pensé à regarder derrière toi, à l’Arbre, expliqua Alex. J’avoue que tu nous as surpris en changeant brusquement de chemin, mais on t’a heureusement croisé quand tu es sorti de la ville.
- Tu nous as de nouveau surpris en courant, mais on a fini par te rattraper !
- Ça fait quand même deux fois que tu essaies de nous semer, dit Lionel.
- Une fois à la maison de ton père, et une fois dans la ville, compléta Alex.
- Quoi ? rugit Claude. Tu es allé revoir ton père ?
- Oups ! Ça m’a échappé, ricana Alex.
- Oui, mais il n’était pas là. Il a déménagé. Du coup, toi qui cherchais une nouvelle planque secondaire, j’en ai une.
- Ton père t’a quand même adressé une lettre d’adieu. Que j’ai sur moi, ajouta Alex en sortant la lettre de sa poche.
Je ne répondis pas, observant Claude à la dérobée. Il tremblait de fureur, prêt à nous tuer tous les trois si besoin. Il attendit que tout le monde se taise, puis dit :
- Est-ce que quelqu’un peut m’expliquer ce qui s’est passé, avant que je ne m’énerve vraiment ?
Laissant les deux frères se charger de cette tâche, j’examinai le plan que Claude regardait auparavant. Il y avait une ville entourée de rouge. Je reconnus la ville de la banque que nous avions pour cible.
- Ce n’est pas si grave ! entendis-je Claude dire. Il a parfaitement raison en disant que l’on pourrait me reprocher la même chose.
Puis il s’approcha de moi et me demanda :
- C’est vrai que ton ancienne maison est libre ?
- D’après la lettre de mon père, il a mis cette maison à vendre il y a trois mois. Donc, c’est peu probable. On peut toujours occuper cette maison le temps d’une journée ou d’une nuit. De toute façon, j’ai la clé...
Je m’interrompis, me souvenant de quelque chose. Alex ricana :
- Ah ! Tu viens de te souvenir que tu as oublié de fermer la maison. Heureusement, j’étais derrière toi, et je l’ai fermé à clé. Et cette clé, la voici.
- Merci, dis-je en prenant la clé que me tendait Alex.
- Bon, maintenant que vous avez fini, je peux vous expliquer ce que j’ai fait durant cette journée. Je vous explique le plan pour ce qui va se passer demain.
- Demain ? s’exclamèrent tous les membres présents.
- Le plan est bien défini, je ne vois aucune raison de ne pas le faire demain. Les groupes un et deux, vous avez fait votre boulot. Alex, tu m’as bien dit que tu avais assez de nourriture pour une semaine, et assez de munitions.
- J’ai dit ça ? s’étonna Alex. Peut-être.
- Donc. C’est simple. On y va à 8h, pour être tôt, pour l’ouverture. Edward, tu te posteras à l’entrée pour surveiller.
- Quoi ? Mais je suis du groupe deux ! protestai-je.
- C’est une initiation, dit Claude. Tu dois obligatoirement assister à au moins une attaque. Alex, tu viens, mais sache que c’est bien parce que tu es indispensable.
Alex haussa les épaules. Claude poursuivit :
- Je menace le banquier, il nous donne, je vais vider l’argent de la banque, et on part. C’est aussi simple que ça.
- Je n’aime pas quand tu dis ça. Rien n’est jamais simple. Il y a toujours quelque chose qui se passe mal, dis-je.
- J’ai fait une dizaine d’attaques. Je pense que je suis assez professionnel dans la matière.
- Ce n’est pas bien de se vanter, dit Alex.
- Couchez-vous tôt, car je viendrai vous réveiller à sept heures demain. Bonne nuit à tous, moi je rentre.
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