Annette et moi avions convenu de nous retrouver à mon bureau à sept heures. Réveil difficile et tardif, je dus me précipiter, je souhaitais arriver en avance. Peine perdue, elle m’attendait devant la porte, impatiente et inquiète.

Je l’invitai à entrer et nous reprîmes les mêmes sièges que la veille. Je sortis mon carnet, le temps de rassembler mes idées.

— Alors, demanda-t-elle. Avez-vous retrouvé Julien ?

— Rechercher une personne disparue…

— Arrêtez tout de suite votre cours d’école, j’ai passé l’âge.

— D’accord, je vais aller droit au but.

À la fois agacé et admiratif de son applomb, j’inspirai longuement.

— J’ai trouvé le logement de Julien.

— Et ?

— Il n’y était pas, ses voisins ne l’ont pas vu depuis deux semaines.

Annette baissa ses jolis yeux, son regard se fit intense, je pouvais presque observer les rouages tourner dans sa tête. Je savais aussi qu’elle attendait la suite.

— Ils m’ont déclaré que Julien était… désorienté depuis quelque temps, qu’il ne parlait plus à personne. Aviez-vous remarqué un changement chez lui.

— Il devenait distant, cela doit faire deux ou trois mois…

La jeune femme se concentra, leva les yeux et fixa un point situé au-dessus de mon crâne. Si elle n’avait pas le regard vague, j’aurais dit qu’elle observait le montant supérieur de ma fenêtre, derrière moi.

— Pensez-vous qu’il ait pu se lasser et partir ?

— Je ne vous paye pas pour que ce soit moi qui réponde à vos questions, mais pour retrouver mon fiancé.

Sa colère soudaine me surprit, même si elle n’avait pas tort, j’enchaînais sur mes autres recherches.

— J’ai tenté d’interroger ses employeurs. Ils évitent le dialogue. Je vais fouiller de ce côté-là. Je me suis aussi rendu à la morgue, Julien n’y est pas passé.

— Que voulez-vous dire ?

— Si Julien était mort et que son corps avait été découvert, il aurait séjourné à la morgue. Ce n’est pas le cas. Cela ne signifie pas que Julien est vivant, mais qu’il reste des chances de le retrouver.

Annette hésitait entre une profonde tristesse et un faible espoir. Quant à moi, je n’y croyais pas. À ce stade, soit Julien était parti pour une raison inconnue, soit il était mort. Je ne voulais pas évoquer la seconde hypothèse, mais tout le monde finit comme ça.