Comment en étais-je arrivée là ? Attifée comme une secrétaire ambitieuse à rougir devant un arriéré mental. Pas un message sans une faute à pleurer sur la langue française en deuil. C’était pourtant le seul qui ait accepté. J’étais nerveuse. Mes mains tremblaient. Cédric7575 ne correspondait pas aux descriptions qu’il m’avait envoyées. L’enragé de bodybuilding était un échalas anorexique. Les boucles châtain étaient remplacées par un début de calvitie masquée par une coupe très courte. J’ai étouffé un soupir. La honte se mêlait à la colère, ma timidité me permettait de tout camoufler. Comment en étais-je arrivée là ? Je le savais bien, inutile de me flageller.

 Ses yeux gris souriaient. Sa bouche s’arrondissait et ressemblait à une question. Allait-il se moquer de moi ? Non, il n’oserait pas, il me l’avait promis : « conte sur moi, pupusse, je sait gardé un secret. Avec moi c’est garanti totale respect ».

 J’avais envie de pisser et mes chaussures élégantes me serraient. J’attendais qu’il dise quelque chose, mais non, il m’observait et gardait ce petit sourire ironique, genre « je connais ton histoire ».

 – Vous n’êtes pas forcé de me regarder comme cela.

 J’avais pris un ton de pétasse autoritaire, une voix cassante et aigre, de l’agressivité en guise de maquillage. Je me suis excusée, j’avais peur qu’il ne parte. Trop tard, un voile de dépit – ou de terreur  – avait traversé ses yeux rieurs. Une femme complexée et péremptoire, eh bien, elle était belle sa sirène du Nord. J’avais juste oublié le collier de coquillages.

 – Vous préférez que je m’en aille ?

 – Je vous en prie, restez.

 Voilà que je le suppliais. Le serveur est repassé. J’ai commandé un whisky alors que je déteste ça. Evidemment Cédric7575 a pris comme moi. J’ai bu mon verre d’un coup et me suis levée.

 – Bon, on y a va ? C’est tout près.

 Là, c’est lui qui a pris l’air penaud d’un petit garçon effrayé.

 – Déjà ?

 Je me suis rassise. Je sentais que j’allais tout faire foirer, j’avais envie de pleurer.