La rencontre avec les arbres
Après un bon et copieux petit-déjeuner, la première journée débute par une séance de détente de Tai-chi, propice à une longue balade en forêt.
Mélissa explique que la sylvothérapie nous promet et permet de mettre de la distance entre le stress et l’agitation du quotidien pour le plus grand bonheur de son corps et de son esprit.
Le groupe avance en marche détendue, presque méditative. Chaque mouvement se contrôle, conscient.
Il s'agit d'un rendez-vous très simple avec la forêt, et tout ce qui la composent.
Humer l’air, sentir les branchages sous ses pieds. Admirer les feuilles à peine ouvertes des fougères et déjà découpées, les branches de houx aux feuillages d’un vert très brillant. Surtout ne pas écraser les petites poussent de chênes. Entendre le chant des différents oiseaux, leurs conversations.
Ce secteur forestier posséde des végétaux plus remarquables les uns que les autres. Des chênes, des hêtres, des frênes, des séquoias, des pins sylvestres, même des pommiers vivent là depuis bien longtemps. Rien que par la seule présence de ces arbres nous nous sentons mieux. Ils deviennent nos guérisseurs !
Certaines personnes, des retraitants, viennent se retirer vers eux, méditer, prier, pour être en empathie avec ce lieu de silence. Une rivière coule au loin, un pivert s'exerce au morse sur un châtagnier, l’écho revient aux oreilles d’Andrée. Elle devine la variation du sifflement des branches quand le vent se glisse ou s’engouffre dedans.
Il faut apprendre à nouer un lien avec eux, avancer à pas lents, choisir un arbre, le regarder, lui demander l'autorisation d'établir un contact. Les picotements dans les membres ou une réticence à bouger indiquent si l’on peut le toucher, le serrer, le câliner, ou pas. Andrée perçoit une voix avisée près d’elle qui lui conseille de lâcher prise, de dépasser ses croyances limitantes, d’aller au-delà de ses préjugés. Elle provient de Christian, un des participants.
Elle observe cet immense chêne devant elle, avance de trois pas, applique une main sur le tronc, puis la deuxième, l’enlace et pose sa joue sur l’écorce, son oreille. Son souffle se calme. Au bout d’un moment, elle entend les battements d'un cœur, des fourmillements dans ses doigts et l'ensemble de son corps. Une symbiose s'établit avec lui.
Encore une petite respiration et elle sent sa carapace fondre, se liquéfier. Les larmes qui arrivent du plus profond de ses entrailles jaillissent en douceur. Elle ressent l’amour de l’arbre, sa vie, son énergie, toute sa connexion par ses racines avec tous les autres. Une très forte intimité les unis, desserrer son étreinte lui semble difficile. Elle gardera cette empreinte longtemps dans son corps.
Une fusion, en une éternité de quelques minutes. Elle ose un merci, tout bas, pour que cela reste entre elle et lui, et recule de trois pas. Elle voudrait rester encore. Une sérénité, une paix intérieure la bouleverse. Tout à coup elle pense à François, souhaiterait sa présence, lui prendre la main, pour lui transmettre cette sensation qui la parcourt. Une fois rentrée chez elle, Ils iront se balader ensemble, s’il le veut bien.
Elle écouta avec son cœur et son âme et quelque chose se reconnecta en elle. Une synergie se produisit lors de cette immersion dans la nature. Devant elle, et à sa gauche, un arbre, dont le tronc en arc de cercle rejoint de ses branches l'allée de droite. Elle ressent une drôle de sensation, celle de franchir une porte. Encore bien trop tôt pour entendre le monde de la forêt, mais sur le bon chemin. Que d’émotions corporelles ressenties, et découvertes.
Un magnifique cadeau pour retrouver le chemin vers les autres, et le monde.
Là voilà délestée complétement de ses soucis, de ses dernières résistances, elle se tient là, bien présente.
Mélissa leur explique que cette thérapie se pratique au Japon sous le nom de Shinin-Yoku. Les bains de forêt devraient être une institution nationale. Il en existe très peu dans nos régions. Le pouvoir énergétique des arbres influe sur notre santé. Une oxygénation indispensable, un chemin vers la sérénité.
Le retour s'effectue dans l'échange et les découvertes de chacun.
Coraline propose une méditation dans le dôme qui les acceuille. Elle guide la séance d'une voix fluide, agréable, et lègère. Andrée se sent en confiance, sereine, tranquille. Elle se laisse porter.
Elle sent son cerveau respirer avec calme, sereinement.
La détente par le sourire l'y conduit de suite. Elle y rencontre son enfant intérieur, sous les traits d'un boudha rieur, rouge-orangé. Elle le surnomme instinctivement le "culbuto". Assis en tailleur, il sourit en circulant dans tout son corps.
Puis elle entre dans une forêt au son d'un violon, par la suite le bruit de cette nature boisée couvre la musique. Le lieu parait vivant, habité de gnomes, joyeux, insouciants, apaisés. Recouvert de bourgeon, de petites floraisons. Andrée devient une fleur parmi les fleurs, une habitante de cet endroit féérique. Elle le connait, elle aime s'y promener, elle se sent libre, sereine, heureuse. Elle semble bien !
Elle peine à revenir à l'Ici et Maintenant dans cette pièce. Elle se sent legère comme le papillon, libre.
Pour la première fois, elle ressent une méditation aussi profondemment. Elle ose un partage avec le groupe, essaie de transcrire par des mots ses sensations, un peu compliqué. Surtout, elle peine à redescendre du petit nuage sur lequel elle se trouve.
Un frelon, à l'humeur volage, vient de s'introduire sous le dôme. Comme pour tester la sérénité des participants assis en tailleur, il vibre aux oreilles de ces âmes apaisées en pleine méditation.
Surtout, ne pas réagir, ne pas bouger ! Il finira bien par trouver l'entrebaillement de la porte, pense Christian. Mais non ! L'insecte se décide à effectuer un deuxième passage, en frolant au plus près les méditants, immobile, quasi en hypnose.
Christan perçoit avec angoisse l'insecte qui se pose à sa gauche, sur l'un des textes de son cahier, ouvert sur un coussin. Ses compagnes de stage se doutent-elles, à cet instant précis de l'effet qu'une simple piqûre entrainerait sur lui tant son allergie au venin s'avère si importante. Des précédents dans son passé récent entrainèrent de fortes réactions cutanés, des démangeaisons et des brûlures.
Mais cette fois, son karma l'épargnera. Au final, l'animal bourdonnant se dirige vers la sortie. Sans doute se sent-il enivré par ces mots pleins de poésies, ces vers écrits à l'encre sympathique.
Le soir, épuisée mais sereine, Andrée s’endort non pas dans les bras de Morphée, mais dans ceux de François, en pensée, calée dans son épaule bienveillante.
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