Entendre une parole de pardon permet de se reconstruire, pour retrouver l’estime de soi.

Seulement, aucune n'arriva, la reconstruction en a été plus difficile.

Depuis toujours Mamouna opte pour la discrétion, réservée même. Elle se camoufle pour passer inaperçue, elle se consacre uniquement à Louise en s’oubliant en chemin. Elle s’habille de manière neutre, sans recherche, classique, confortable, voire souvent monochrome, et se confectionne une carapace, un bouclier de protection à défaut de la rendre invisible.

Mamouna se sent vieille, ou plutôt sans âge. Ansi au cours d'une conversation avec celui qui bouleverse son cœur, s’était-elle laissé aller à dire, sans réfléchir que le poids porté sur ses épaules représentait pour elle au moins 120 ans. elle prend conscience d’être en survie. Il sourit et ajouta : « Je comprends ça ! »

ce changement opéré chez sa mère rend Louise heureuse. Elle l’observe depuis quelques jours et la trouve différente. Elle lui conseille, avec habilité, sans poser de questions, de lire Kilomètre Zéro, mais après avoir lu l'indispensable livre de Marie-France Hirogoyen "Femmes sous emprise, les ressorts de la violence dans le couple".

Elle fonce à la bibliothèque et emprunte plusieurs livres pour Mamouna. Trois à son propre nom, deux autres à celui de sa mère.

Elle lui présente et lui indique même un ordre de lecture

- Et tu trouveras le trésor qui dort en toi de Laurent Gounelle

- Ta deuxième vie commence quand tu comprendras que tu n’en as qu’une, de Raphaëlle Giordano.

- La citadelle des neiges, de Matthieu Ricard.

Les croyances limitantes rongent Andrée, freinée ou stoppée par les paroles d’un maître d’école, ou d’un mari qui lui rabachaitqu’elle n'arriverait à rien. Elle admire tant ses congénères, toutes ces illustres femmes capables d’haranguer les foules telle Angela Davis. De poser et jongler avec les couleurs pour en peindre des tableaux comme Rosa Bonheur, de déchiffrer les symboles chimiques de manière à trouver les bonnes formules à la Marie Curie.

En même temps se mettre en avant ne lui ressemble pas, il faut juste qu’elle arrive à se retrouver, pour recommencer à vivre, pour elle, et dans le partage. Pourquoi pas aider les femmes en souffrance, comme elle.

Mamouna arrive à lire les livres suggérés par sa fille. D’emblée, elle accroche aux propos de Marie France Hirogoyen, elle se reconnait dans toutes ses lignes. Elle stoppe sa lecture, prend un surligneur jaune fluo dans le tiroir de son secrétaire, et marque avec soin les passages où l’auteure s’adresse à elle. Certains chapitres lui extirpe les larmes aux yeux, sur d’autres des cris de douleurs s’échappent de son ventre.

Elle l'avale en un après-midi. Et son livre se para de couleurs tel un arc-en-ciel et son crayon usé. En le refermant, elle pleure tout ce qu’elle n’a pas pût évacuer, sortir enfin ces larmes coincées par dignité, par la décence qu’elle s’imposait devant ses parents et sa fille.

Le lendemain, elle lisait le “Kilomètre Zéro”, et se prit d’affection pour Maëlle, l’héroïne, qui peinait à chaque pas, et s'imaginant à sa place, elle sait qu'elle abandonnerait avec facilité. Mais en le terminant, elle se pensa que peut-être, elle pourrait envisager de participer à une retraite quelque part pour se retrouver.

Le surlendemain, elle engloutissait “Ta deuxième vie commence quand tu t’aperçois que tu n’en a qu’une”. Le triste constat s'imposa là de lui-même. Toute son existence, Elle passa à côté d’elle, le temps ne se rattrappe pas, impossible d'effectuer unemarche arrière, Andrée le comprendra plus tard.

Le livre du troisième jour, en format poche s'avera plus difficile, pour Andrée, à se concentrer. Elle aperçu à la fin, les annotations griffonnéeset croit reconnaître l'écriture sténo de sa fille, indéchiffrable pour elle. Dans l’immédiat, elle peine à terminer ce récit. Elle envisage un gros travail sur elle, et poura le reprendre ensuite. Il lui reste aussi à découvrir tous les trésors qui dorment en elle.

Chaque chose en son temps.

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