Chapitre 7
Nous nous emparâmes de bâtons, d’armes et tout ce que nous pouvions trouver. La peur nous ouvrait en deux, mais aucun de mes camarades ne succombait. Je vis Georges revenir du gaillard d’avant avec ce qui paraissait être des médicaments. Il s’approcha du capitaine, prostré au sol, et lui tendit la plaquette de gélules. C’était la dernière fois qu’on avisait le cuistot. Un tentacule monstrueux émergea de la mer pour accrocher le corps de Georges, puis dans la seconde qui suivie, un autre s’empara du capitaine.
Les cris fusèrent instantanément. La guerre fut remplacée peu à peu par de la survie. Nous ne pouvions vaincre les Luminas. Bien qu’il n’y en avait eu qu’un seul pendant un petit moment d’accalmie, un deuxième et un troisième apparurent à l’opposé du premier, de l’autre côté du pont principal.
Des tentacules brisèrent toutes les vitres et collèrent les personnes qu’ils pouvaient à leurs ventouses afin de s’en délecter.
Tous les élèves se réfugièrent dans des pièces, des cabines et autres cachettes. Des corps s’étendaient en lambeau sur le sol et d’autres manquaient à l’appel, dévorés par les Luminas. J’ouvrai la trappe menant au faux-pont et pris la main de Thierry pour qu’il vienne avec moi.
L’espoir s’éteignait.
Nous n’étions à mon avis plus qu’une douzaine quand une secousse ébranla mon équilibre, me faisant basculer vers le sol dur et froid de ma cachette. Le bateau s’enfonçait dans l’océan !
Je regardai Thierry, recroquevillé dans le faux-pont à mes côtés.
— On ne va pas s’en sortir, me dit-il.
— Il faut qu’on arrive à atteindre les chaloupes avant que l’eau ne nous rattrape. Ils ont dû ébrécher la coque !
Il rongeait ses ongles jusqu’au sang.
J’entendais toujours les cris incessants des élèves se faisant ôter la vie.
En regardant par les interstices de la trappe, je ne vis rien d’autre que le ciel bleu. Je percevais seulement les hurlements de mes camarades. Ceux qui n’étaient pas bien planqués.
Des voix sourdes s’élevèrent au-dessus de nous. J’identifiais les voix de Théo et Adam. Ils étaient encore en vie ! Une plainte fulgurante perfora le faible espoir qui revenait vers moi. C’était Fred ! Il fallait que je trouve Théo et Adam pour que nous nous enfuyions loin de ce génocide. Je ne savais pas qui faisait parti des survivants.
L’eau montait et Thierry se mutilait toujours les doigts.
— Arrête, lui dis-je. Tu as entendu ? Théo est en haut, il va pouvoir nous aider à partir.
Il tourna sa tête vers moi, comme un animal. La folie avait remplacé son âme.
Tandis que l’’eau commençait à mouiller mes pieds, le calme semblait être revenu à l’extérieur.
Je pris la main de Thierry et ouvris la trappe du faux-pont pour remonter. Seul le ressac de l’océan trop calme nous apaisait sur cette épave en train de s’étouffer. Le silence était terrifiant. Aucun signe de Luminas aux alentours. Mais ils allaient revenir, j’en étais persuadé. Je marchai à pas feutrés au centre du pont principal rougis par la mort. C’était un spectacle affreux. Je distinguais certains visages, d’autres non.
Une main s’abattit brusquement sur mon épaule, en même temps qu’un glapissement impromptu, ce qui me fit sursauter. J’eus du mal à me retourner avant qu’une voix familière vienne me ramener à la raison.
— Ce n’est que moi, c’est Théo. Venez-vous cacher, les bêtes vont revenir !
Je me retournai. Son visage était marqué par des traits de fatigue. Le corps de John reposait sur ses épaules. Nous suivions notre camarade, tétanisés. Il se dirigeait vers le gaillard d’avant, dans la pièce présente juste en dessous. Il nous expliqua qu’Adam était parti chercher un briquet pour enflammer les barils présents sur le bateau et ainsi le faire exploser, mais qu’il ne pourrait plus, car le Gerrego coulait trop rapidement dans les eaux sombres.
Théo entreprit de regarder par le hublot de la petite cabine dans laquelle nous nous étions réfugiés pour vérifier si les Luminas réapparaissaient. Je me tins à ses côtés. Non, ils n’étaient pas encore là. Ils devaient manger leurs proies et se réjouir de la souffrance qu’ils nous causaient.
Soudain, une chaloupe s’approcha du navire, au pied du pont principal qui n’était qu’à quelques mètres de l’abîme. Le faux-pont et toutes les parties du bateau qui se logeaient en dessous décoraient déjà les profondeurs océanes. Nous courûmes jusqu’à la rambarde pour nous apercevoir qu’il s’agissait d’Adam. Il avait trouvé une chaloupe ! Nous pouvions enfin être secourus de la mort douloureuse de ces monstres sanguinaires, mais quels autres dangers nous réservait la mer à présent ?
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