Chapitre 12
— Quelques jours plus tard, le Faucon partait en m’abandonnant à mes risques et périls. Certains matelots ont dû avoir des soupçons à mon égard et en ont parlé aux capitaines. Si vous ne m’aviez pas parlé du Gerrego, je n’aurais jamais pu être sûr de ce que je pensais. Bien que j’aie lu la feuille sur laquelle était affiché le nom des deux bateaux, je n’avais pas de preuves quant à son existence.
Nous regardions tous mon père avec des étoiles pleins les yeux. Les seuls responsables étaient donc les scientifiques qui avaient dupé le Faucon et le Gerrego. Jamais je n’aurais imaginé un tel scénario !
Théo prit brutalement la parole.
— Ce que je vais vous dire vous fera sans doute mal, mais le capitaine du Gerrego de deux mille trente-quatre a jeté une des caisses qui contenait les produits des scientifiques hors du bateau. Il était complètement saoul et donc ne mesurait pas la dangerosité de ses actes. C’est cet évènement qui a créé les Luminas. Je suis désolé de vous dire ça maintenant, mais je pensais qu’Adam vous en aviez déjà parlé…
Mon père regarda Théo sans répondre. Il signala juste qu’il avait entendu ce qu’il venait de dire grâce à un signe de tête.
Une idée s’inséra soudainement en moi. Après une petite minute de silence, je lui proposai :
— Papa, comment va-t-on faire pour sortir de cette île ? demandai-je en regardant ma montre qui affichait deux heures du matin. Lorsqu’on s’est échoués hier, on a déposé la chaloupe sur la plage. Peut-être qu’on peut la réutiliser pour s’échapper et trouver de l’aide ?
Il mit encore quelques secondes avant de reprendre ses esprits et digérer l’information que lui avait transmise Théo.
— C’est une bonne idée, dit-il en se grattant le menton. Cependant, si les Luminas nous découvrent, on sera cuit. Pendant vingt ans j’ai cherché à fuir cette île, jamais je n’ai réussi.
Soudain, des cris fusèrent au-delà de la forêt qui nous cachait. Après être sorti en trombe de la cabane, nous nous mîmes à courir dans la direction des hurlements qui paraissaient humains. Mon cœur cognait de plus en plus fort contre mon torse au fur et à mesure que nous nous rapprochions des supplices. Des grognements familiers entouraient ces plaintes suppliantes et affligées.
Lorsque nous arrivions sur la plage, un navire de pêche était en train de se faire démanteler par deux énormes Luminas à une centaine de mètres de nous. Devant ce carnage, nous étions rangés en rang, le regard appauvri et indécis.
Que devions-nous faire ? Devions-nous tenter de trouver le laboratoire en sachant que les Luminas nous tueraient volontiers ou valait-il mieux attendre que tout cela cesse ?
Mon père, comme s’il lisait dans mes pensées, récita d’un ton monotone à tout le groupe en fixant la mer :
— N’oubliez pas : « un acte de justice et de douceur a souvent plus de pouvoir sur le cœur des hommes que la violence et la barbarie ».
Le navire sombrait maintenant dans les profondeurs océanes. Je fixai la mer d’un regard lointain. Merci papa, je savais ce que nous devions faire maintenant.
Annotations