Le couloir
L'air est frais. Les jambes tremblantes, j'ai presque l'impression de greloter, et pourtant, il fait suffisamment chaud pour sentir la sueur me couler le long du dos. Ou bien est-ce dû à l'agitation, l'angoisse ? Dans ce couloir dallé, tout me paraît faux. Toutes les portes sont fermées et semblent dominer l'allée maigre dans laquelle je me trouve. Il n'y a pas une seule fenêtre qui laisse filtrer la lumière du jour. Ma visibilité repose seulement sur des chandeliers suspendus de chaque côté, dont la moitié est éteinte. Il en résulte une ambiance sombre à glacer le sang, renforcée par le côté incandescent et vampirique.
Je me souviens encore de l'atmosphère conviviale qu'offrait la cuisine, et du climat nival influencé par les braises qui virevoltaient dans le petit salon. A présent, je suis là, seul au milieu d'un silence hostile et immuable. L'infâme tueur pourrait bien se trouver derrière une de ces portes malveillantes, ou bien juste derrière moi... Et voilà un nouveau frisson qui me remonte le long de la colonne vertébrale.
J'ai tellement peur de briser ce calme imperturbable que je retiens ma respiration. Je me fige sur place. Devrais-je filer loin devant en courant comme un dératé ? Une chose est sûre : je n'ai vraiment pas envie de rester ici. Alors, pourquoi je ne me déplace pas ? Pourquoi je n'y arrive pas ?
Comme un étrange réflexe, je fourre la main dans ma poche. Il m'a semblé sentir quelque chose y tomber, ce qui est improbable. Et pourtant. Mes doigts se referment sur un cube lisse. Je sors l'objet pour l'examiner : il s'agit d'un dé d'une taille ridicule. Suis-je censé le lancer ? A quoi bon ?
Un éternuement bien trop proche me fait sursauter. Il y a quelqu'un dans la salle sur ma gauche. Et si c'était le meurtrier ? Est-ce qu'il sait que je suis ici ? En tous les cas, je ne veux pas rester une seule seconde de plus dans ce couloir nullement accueillant.
Je lance le dé au loin comme si ma vie en dépendait. Je ne vois pas le chiffre qui y est inscrit, mais j'ai l'impression d'avoir été débarrassé d'un poids impossible à supporter. Je soupire de soulagement.
Mais la tension reprend le dessus lorsque la sinistre porte à ma gauche s'entrebâille dans un grincement.
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