Promenade en forêt

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On a réussi à sauver le coyote. Et comme il lui fallait des soins, on l'a pris à la maison. Ah oui, on a une maison ! Le Padre nous a dégoté une baraque un peu (très) pourrie, mais au moins, on a un toit sur la tête. Marsh lui a construit un enclos, il est trop mignon. Oui, je sais, personne n'imagine qu'on peut apprivoiser cet animal réputé sauvage, dangereux, blablabla, mais je crois qu'on se connait, lui et moi. Je peux l'approcher, le soigner et même le caresser. Marsh en a une trouille bleue, ça me fait bien rigoler.

On vit tranquillement depuis quelques semaines, je crois aussi qu'on s'apprivoise. On ne fait pas grand-chose, il bricole avec les habitants du village, il répare des trucs, des bagnoles plus déglinguées les unes que les autres. Si seulement, il pouvait enfin réparer le poêle de la maison, ce serait bien.

Nous sommes en automne, on dirait une fin d'été, mais les hivers, ici, doivent être redoutables, ça va me changer de la Corse et de la France. Je ne suis pas certaine d'aimer le froid mordant, enfiler des couches de vêtements, passer mon temps à grelotter. Je verrai. J'ai décidé de faire confiance.

Les paysages sont époustouflants. Une combe entourée de montagnes hautes, au moins comme ça... Des torrents, des arbres immenses, des sentiers.

Aujourd'hui, je tente une première. J'emmène le coyote en balade. S'il veut retrouver sa liberté, je le laisserai. Je propose à Marsh de m'accompagner. Il ne brille pas, mon étincelle, à côté de la bestiole. Il lui a accroché une corde autour du cou pour l'emmener dans la bonne direction, là-bas, loin des gens. Le loup à crinière nous suit, il me suit. Je n'ai même pas besoin de l'appeler. Arrivés au plus profond de la forêt, je lui dis de s'en aller, de retrouver les siens. Marsh m'attrape par la main et me fait signe de le laisser, de rentrer à la maison. J'hésite un instant. Il a raison. je tourne les talons.

Au bout de quelques mètres, je m'écroule en pleurs dans ses bras. Je déteste les adieux, même avec un animal que la vie m'a confié pour un petit moment. Il en profite pour m'embrasser, il ne perd jamais le nord celui-là. Mais cette fois-ci, je le laisse faire.

Du bruit dans les buissons. Non ? Ce n'est pas possible, je ne peux pas y croire. Ou c'est un ours, et ça craint ou... Je me retourne, un chien sauvage éclopé nous regarde du coin de l'œil . On avance sur le chemin, et il nous suit. Je saute de joie. J'avais toujours rêvé d'un chien. Mais un coyote, c'est encore mieux. Mais comment on va l'appeler ?

- Marsh, t'as une idée ?

Pas de réponse, il fait la gueule.

Je suis Les Yeux Bleux et j'ai un drôle de chien à mes côtés. Et un Marsh aussi, accessoirement.

En rentrant à la maison, je réfléchis à la situation. Pour le coyote, le choix est déjà fait. C'est le nôtre, pas à en discuter. Mais je pense à Marsh. Et à moi. Qu'est-ce que je veux, en fait ? C'est quoi le problème avec ce gars qui m'attire à un point que je ne peux ignorer ou nier ? Tout tourne dans ma tête, j'ai peur, j'ai envie et je n'ai pas envie d'être déçue ou de le décevoir. Je sais qu'il n'y a qu'une chose à faire pour avancer et jusqu'à présent, je m'y suis refusée. L'unique juge de paix sera le contact de nos peaux, ça passera ou ça cassera.

Je rentre dans la chambre. Il faut que je sache.

- Hey Marsh ! Tu veux m'aider à défaire le lit ?

Pas de réponse.

Je crie plus fort:

- Marsh, t'es où ? J'ai besoin de toi pour défaire le lit !

Il arrive, il tire toujours la tronche, il n'a pas compris ce que je lui ai dit ou en tous cas, pas la subtilité de mes propos...

- Ben quoi, on l'a fait ce matin, le lit ! Tu veux changer les draps, encore ?

J'y vais ou je n'y vais pas ?

- Ecoute bien ce que je t'ai dit : j'ai-besoin-de-toi-pour-défaire-le-lit.

Je crois qu'enfin il a compris.

Allongée dans les draps, un Marsh enroulé autour de moi, endormi, je prends enfin le temps de sourire.

Je suis Les Yeux Bleux, j'ai un Marsh dans ma vie, et aussi un coyote.

- Billy ! Billy, c'est comme ça qu'on va l'appeler ! Hein, Marsh, tu es l'heureux papa d'un chien sauvage qui s'appelle Billy.

Il m'embrasse et se rendort. Moi aussi.

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