Monsieur Frantzman

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..Bonjour à tous, me revoilà ! Je profite d’un élan d’envie d’écrire pour vous proposer la suite des aventures de Tristan et des amis du Petit Marcel ! Belle journée à vous !

Tom

*

La dernière semaine précédent les vacances était passé à une vitesse folle. Tristan et Patrick n’avaient eu guère le temps de souffler. Les festivités approchaient à grands pas, le magasin était chaque jour rempli de clients, qui repartaient avec de beaux paquets cadeaux sous le bras. Si Tristan avait déjà connu cette période chargée l’année passée, en travaillant au Microsillon les samedis précédents Noël, il mesurait aujourd’hui bien plus encore l’importance pour le magasin de cette saison intense, en termes de travail soutenu et de chiffre d’affaires élevé. Patrick s’avérait des plus efficaces. Avec un entrain communicatif, il ne se départissait jamais d’un sourire ou d’un bon mot avec les clients. Leur duo semblait avoir trouvé le bon rythme dans une ambiance stimulante et efficiente. Tristan était indiscutablement tombé sur la perle rare. Et chose inattendue, la veuve de son ancien patron avait fait son apparition un matin pour les encourager, entre sourire bienveillant et larme à l'œil. Tristan extrêmement touché, n’en fut que plus volontaire et déterminé.

Si l’optimiste l’emportait quant à l’avenir du magasin, Tristan ne l’était en revanche pas du tout concernant le samedi qui approchait à grand pas. Il n’avait pas eu, ne serait-ce qu’une minute, le temps de téléphoner à Rickie pour savoir si de son côté, celui-ci avait réussi à trouver un stratagème, quel qu’il soit, pour faire changer d’avis Philippe et ainsi fêter son anniversaire, tout en conservant la surprise. Il restait deux jours avant le jour J. La situation semblait vouée à l’échec. Ils allaient être contraints d’annuler, à moins qu’ils emploient des moyens radicaux : kidnapper Philippe et le contraindre à passer la porte du Petit Marcel pour découvrir médusé les sourires radieux de ses amis, entonnant tous en chœur “Surprise”. Imaginant la scène, il eut un sourire dubitatif, avant de réaliser que venait de se matérialiser devant lui, le petit ami de l’intéressé.

— Tiens, Rickie, je pensais à vous deux, justement. Pour l’anniv, on fait quoi ?

— Je sors à l’instant de ma journée à l’imprimerie, je passais justement pour te demander ton avis. Philippe est une véritable tête de mule !

— A ce niveau-là, il est malheureusement assez prévisible…

— Je suis dégoûté, Lucas aussi, tu peux me croire. Il faut qu’on se décide rapidement. Ça urge pour Marie, elle veut savoir si on maintient la réservation du café ou si elle peut ouvrir normalement.

— Bien sûr, je comprends.

— Sinon, j’ai au moins une bonne nouvelle à t’annoncer. La soirée avec mon père s’était super bien passée.

— J’en étais sûr, soulagé, j’imagine ?

— Ca, tu peux le dire. Mon père avait mis les petits plats dans les grands. Jamais je ne me serais attendu à ça…

— Attends, deux secondes, Rickie… Oui madame Lanvin, je suis à vous tout de suite, j’arrive ! Tu disais ? Désolé, ça n’arrête pas depuis ce matin…

— T’inquiète. Je ne vais pas te déranger plus longtemps, je te rappelle ce soir à la fermeture pour prendre une décision définitive.

— Pas de problème…Voilà, madame, excusez-moi, je suis à vous.

*

Lorsque Tristan regarda sa montre, il était déjà presque dix-neuf heures, l’heure de la fermeture. La porte d’entrée venait de sonner de nouveau, elle n’avait cessé de toute la journée.

— Tiens, vous vous êtes donné le mot avec Rickie ? Qu’est-ce que tu fais là, les Grandes Galeries sont déjà fermées ?

— Je me suis arrangé avec le filles. ça ne pouvait pas attendre, il fallait absolument que je te vois. Comment ça, Rickie est passé ?

— Heu… Oui, il est passé après son travail pour récupérer son album de Depeche mode, dit-il en se maudissant d’avoir gaffé. Il remarqua les yeux soucieux de son ami.

— Un problème ?

— Une urgence même. Je peux te parler en privé deux minutes ?

Derrière Philippe, plusieurs personnes attendaient, impatientes, avec des disques à la main.

— Je t’avoue que ce n’est pas le moment idéal…

Ne lui laissant pas le temps de terminer sa phrase, Philippe passa derrière le comptoir et le prit fermement par la main pour l’emmener dans la réserve.

— Hé, attends, qu’est-ce que tu fais, laisse-moi au moins le temps de prévenir Patrick que…

Heureusement, son employé qui avait assisté à la scène, réagit promptement en prenant sa place à la caisse comme si de rien n’était. Un brin décontenancé mais satisfait d’être servi, le client suivant demanda expressément un papier cadeau.

Rassuré, Tristan prit la peine de tirer le rideau qui séparait l’étroite réserve du magasin. Il invita Philippe à parler à voix basse.

— Bon, voilà, je t’écoute Philippe. Qu’est-ce qui se passe qui ne pouvait pas attendre, dit-il en prenant sur lui.

— Je suis désolé de débarquer comme ça, mais il fallait que j’en parle à quelqu’un, là maintenant, dit-il soudain d’un ton alarmant. C’est Rickie.

— Quoi, Rickie, il lui est arrivé quelque chose de grave, tout à l’heure, il ne m’a pas semblé que… ?

— Non, enfin oui, pas à lui exactement… répondit-il d’un air affolé.

— Attends, calme-toi Philippe et assieds-toi.

Son ami obtempéra.

— C’est son père.

— Quoi son père ? Rickie m’a dit que votre dîner de l’autre soir avec monsieur Frantzman s’est bien passé.

— Il s’est merveilleusement bien déroulé, une réussite totale, là n’est pas le problème. A part le fait qu’on ait eu droit à La Matthieu en boucle toute la soirée. En arrivant, Rickie était déjà prêt à faire demi-tour, il était mort de peur. Finalement, il a fini par se détendre, tout comme son père qui, je t’assure, a tout fait pour nous mettre à l’aise. Mon patron est bien différent en privé que dans son rôle de directeur des Grandes Galeries. Malgré leur passif, je dois reconnaître que le père comme le fils ont fait beaucoup d’efforts.

— C’est quoi le problème, alors ?

— Tu me promets que tu ne diras rien à Rickie ?

— Si tu me le demandes, bien sûr. Mais, tu me fais peur, qu’est-ce qui se passe à la fin ??

— Regarde, j’ai les mains qui en tremblent, c’est abominable. Tu me verrais au magasin en train d’asperger de parfum les clientes. J’ai failli rendre aveugle cette saleté de madame Landru. Pourtant, elle le mérite cette vieille peau…

— Philippe, s’il te plaît…

— Je t’assure, elle, elle le mérite, bref, j’en étais où… Ah oui, voilà. A la fin du repas, Rickie s’est absenté un bon moment pour aller chercher un vieux bouquin de photos qu’il tenait absolument à me montrer. J’ai cru un instant qu’il s’était perdu à l’étage de la maison. Tu verrais la baraque, on dirait un château…

— Philippe, je t’en supplie, abrège.

— Pardon. Tout ça pour dire que je me suis retrouvé seul, face à face avec son père, à siroter poliment mon café. Et là, tiens toi bien, Tristan, parce que moi, j’ai failli défaillir.

— Philippe, j’ai pas que ça à faire, répondit Tristan, exaspéré.

— Pardon, pardon. Mais ce n'est pas évident pour moi. Je ne sais pas comment te dire ça. Je ne le sentais pas de te l’annoncer au téléphone. Bon, bah voilà, son père a un cancer. D’après les médecins, il lui reste six mois.

— Quoi ?? s’écria Tristan.

— Chuut, moins fort ! Il ne m’a pas annoncé les choses comme ça, bien sûr. Il a commencé par me dire que dans les prochaines semaines, Rickie allait avoir besoin de soutien et que j’étais le mieux placé pour ça, avant de m’annoncer le verdict.

— C’est horrible, le pauvre. Tu l’as trouvé comment ?

— Bien. Fatigué, mais plutôt bien. Comme d’habitude, quoi.

— Rickie le sait ?

— Non, et c’est aussi ça le problème.

— Merde. Et tu n’as pas essayé de convaincre son père de profiter de ta présence pour l’annoncer à son fils?

— Dans le rôle de gendre, je te signale que je fais mes premières gammes. A bien y réfléchir, je pense que son père est avant tout un homme pragmatique. Il veut, à sa manière, le protéger un maximum. Il saura lui annoncer les choses en temps et en heure.

— Ok, je crois comprendre, encore que… Qu’est-ce que je peux faire pour aider ?

— Tu viens de le faire en m’écoutant.

— Je t’en prie.

— Autant te dire que les prochaines semaines ne s’annoncent pas très réjouissantes. Tôt ou tard, Rickie finira par l’apprendre. Je vais devoir me la boucler, ça ne va pas être facile. Je t’avoue, je préférais que son père change d’avis rapidement. Cela ne m’empêchera pas d’être là pour son fils, quoi qu’il arrive.

— Je n’en doute pas un instant, et c’est le plus important. Et en attendant, on ne peut vraiment rien faire ?

— Je me suis posé la même question...

— Et ?

— Depuis la soirée avec beau-papa, Rickie n’est pas dupe. Il voit bien que quelque chose me turlupine. Il pense que c’est dû à mon entêtement à ne pas vouloir fêter ce quart de siècle à la con, excuse qui m’arrange bien pour le moment. Alors je me suis dis que j’étais pas obligé d’être aussi borné.

Tristan ne put s’empêcher de pousser un soupir de soulagement.

— Alleluïa ! Parfait, Philippe, c’est une excellente idée.

— Tu crois, il va pas trouvé ça bizarre ?

— Bizarre de ta part ? Bien sûr que oui, enfin non, tu m’comprends. Alors tu sais quoi ? Ce soir, en rentrant, tu annonces à ton cher et tendre que tu as tout simplement changé d’avis et que tu feras tout ce qu’il désire.

— Heu ouais, d’accord, mais ce n’est pas dans mes habitudes d’obéir, là comme ça, si tu vois ce que je veux dire, répondit Philippe avec une lueur de malice dans ses yeux.

Philippe abusait de ne pouvoir s’empêcher de faire de l’humour même dans un cas pareil, mais Tristan comprit aussitôt qu’avec une solution en poche, la pression venait de relâcher.

— Philippe, je t’arrête là tout de suite, je ne veux surtout rien savoir de vos exploits amoureux.

— Dommage, je suis sûr que je t’aurais appris des trucs dont tu ne soupçonnes même pas l’existence.

— Une autre fois peut-être, mais en attendant, je te propose de ressortir d’ici, il faut vraiment que j’y aille, désolé.

— C’est moi qui suis confus. Merci mon Tristan pour ton conseil. Je vais faire ce que tu m’as dis.

— Super !

— Je te tiens au courant très rapidement, ok ?

— T’as intérêt, allez oust, du balais, répondit Tristan en lui donnant une petite tape sur les fesses.

— Ne me tentes pas grand fou.

— Psss, allez file, idiot.

Philippe salua d’un clin d'œil Patrick avant de disparaître. Il fallut à Tristan quelques instants pour mettre de côté mentalement cette triste nouvelle avant d’être tout à fait disponible pour le dernier client. A peine, ce dernier venait de quitter le magasin que la sonnerie du téléphone retentit. Avant même de décrocher, Tristan réfléchit à toute vitesse pour convaincre habilement Rickie de patienter encore un peu avant qu’il annule la soirée d’anniversaire-surprise.

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