Lento
Tristan se réveilla le lendemain matin avec mal de tête. Sa nuit avait été interrompue plusieurs fois par des cauchemars dont il ne se souvenait absolument plus. Surpris de la forte buée sur les carreaux de la fenêtre, il comprit pourquoi lorsqu’il ouvrit ses volets. Il avait neigé une bonne partie de la nuit, en témoignait l’épais manteau blanc qui recouvrait les toits des immeubles d’en face et la petite place du café. Il en fut émerveillé. Les pieds hors du lit, la température froide de la pièce lui fit déjà regretter la chaleur de sa couette.
Avant de partir travailler, Tristan décida de prendre son petit déjeuner au Petit Marcel. Il fit attention en descendant l’escalier, recouvert lui aussi de neige. Le café est quasi vide, la météo avait dû dissuader nombre de clients de sortir de si bon matin. Il fut accueilli par le sourire de Lucas.
— Oh, toi, vu ta tête, tu as besoin d'un café bien fort.
— Merci. Et toi, vu ta tête, tu as revu Sandro.
— Tsss, dis pas n'importe quoi. C'est devenu un ami, ça s'arrête là, répondit Lucas d'une voix peu convaincante.
— Bien sûr, bien sûr…
Tristan crut un instant le voir rougir, mais le serveur se retourna vite face à la machine à café pour lui en faire un.
— J’ai une bonne nouvelle, lui annonça-t-il de dos avant de revenir déposer sa tasse devant lui. Rickie m’a téléphoné la veille en fin de soirée. Il est fou de joie, l’anniversaire surprise de Philippe a bien lieu. Officiellement, ils le fêtent au restaurant en amoureux.
— Il doit être soulagé !
Lucas n’avait pas perdu de temps et essayé de prévenir un maximum d’invités pour confirmer la soirée, du moins ceux qu’il avait réussi à avoir au téléphone ou ceux qui l'avaient vu le soir même.
— Rickie se charge de prévenir Chantal, Corinne et Claudie, les collègues de Philippe, ajouta Lucas. Ce sont elles qui ont son costume de scène et celui de ma petite sirène.
— Ta petite sirène, tu parles de Julien, le prof ? *
— Exact monsieur ! C’est le petit surnom que je lui ai donné.
— Je ne cherche pas à comprendre, hein ?
Lucas se retint de rire.
— Non, c’est pas la peine, oublie. Bon sinon, plus sérieusement, j’ai vu Tom, il est passé boire un verre hier soir, mais seul. Qu’est-ce qui se passe entre nos deux tourtereaux, un problème ?
— Oui, mais c’est pas moi qui compterait les points cette fois-ci, répondit Tristan en grimaçant.
— Heu… A mon tour de ne pas chercher à comprendre, n’est-ce-pas ?
— Exact monsieur !
— Il m’a aussi dit, Paul avait complètement oublié, sa frangine débarque samedi chez lui pour une semaine avec son meilleur copain. Comme il ne veut pas les laisser seuls à l’appart, il m’a demandé s’il pouvait venir avec eux. J’ai bien sûr accepté.
— T’as bien fait, ça fait depuis cet été que je n’ai pas vu ma chipie préférée. Paul m’en a parlé rapidement, ça le gonflait un peu, bref… Je ne sais pas si t’es au courant, mais le meilleur copain d’Ariane, c’est le fils de Patrick, mon employé. Il s’appelle Vincent **. Son père me le présente au magasin demain justement…Mais j’y pense, je n’ai plus qu’à l’inviter lui aussi, après tout, il a déjà rencontré Philippe et Rickie, ça pourrait être sympa.
— Vendu ! Au fait, pour la musique de demain soir, Tom passera récupérer ta sono et tes vinyles, tout devrait loger dans sa 2CV.
— Parfait ! Il n’y a plus qu’à espérer que la neige s’arrête.
— La météo annonce qu’elle ne devrait pas tenir, croisons les doigts. Il ne manquerait plus que la moitié des invités ne puisse être là ! Et comme tu peux t’en douter, avec tout ça, Rickie est de nouveau en mode stress. Il veut absolument faire une dernier point avec moi ce soir pour la bouffe et ajuster au mieux en fonction du nombre d’invités. J’ai beau essayer de le rassurer, rien à faire. Ça m’y fait penser… Je vais passer un coup de fil à Julien pour qui me le tranquillise, le garçon. Une petite répétition générale de leur numéro devrait le détendre.
— Ils préparent quoi au juste ?
— Opération top secrète !
— Allez dis-moi steup,
— Dans vos rêves, mon cher Tristan.
— T’es vraiment pas drôle, idiot.
— Tiens, voilà ton croissant, au lieu de dire n’importe quoi.
Tristan bougonna pour la forme. Son café et sa viennoiserie avalés, il souhaita au serveur une belle journée et sortit.
*
La chaussée enneigée ne facilitait pas les repères avec le trottoir. Il s’agissait de faire attention où mettre les pieds. Tristan avança prudemment, et tout le long du trajet, il prit son mal en patience en avançant à la vitesse d’un escargot. Il finit par glisser quand même sur le trottoir à deux pas du Microsillon. Il jura pour la forme, mais se releva sans peine. Sur le trottoir d’en face, un passant ne put s’empêcher de se moquer gentiment avant de tomber juste après. Tristan sourit à son tour en lui demandant si tout allait bien. L’homme, vexé, repartit en maugréant.
Patrick arriva seulement quelques minutes après. Quand Tristan lui demanda comment était l’état de la route, ce dernier lui rassura qu’il avait anticipé en restant dormir en ville chez son frère. Il était donc venu à pied lui aussi. Il espérait que la neige serait fondu d’ici le soir, mais redoutait déjà de devoir annoncer à son fils qu’il ne pourrait pas faire la longue route pour revenir chez eux et l’emmener avec lui demain comme prévu. Une météo défavorable était encore plus un inconvénient lorsqu’on travaillait loin de chez soi. Paul se retint d’en rajouter dans sa frustration en l’invitant à l’anniversaire de Philippe, cela lui semblait déjà assez compliqué comme ça. Leur matinée fut plutôt calme. Ils ne virent qu’une poignée de clients, et comprirent à l’approche des midis que les livraisons attendues seraient bel et bien retardées voire tout simplement annulées pour la journée.
* Julien Perrin est l’un des personnages principaux de mon autre histoire “Pour de faux” qui se déroule quelques années auparavant. Julien et son amie Alice y sont tous les deux étudiants.
** Vincent est le personnage de mon autre histoire “Je ne sais pas ce que tu vois en moi”. Il est au lycée avec Ariane, la petite sœur de Paul, le meilleur ami de Tristan.
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