Désaccordé
Le soir du 31 décembre, à dix-neuf heures trente, Tristan quitta le Microsillon avec une appréhension terrible. Toujours aucun courrier dans sa boîte aux lettres ce matin, ni d’appel de toute la journée de la part de Charlotte. A chaque sonnerie de téléphone, il bondissait pour décrocher, espérant entendre sa voix, en vain.
La journée avait été éreintante, heureusement deux jours de repos se profilaient à l’horizon. Patrick était parti lui aussi fatigué, mais content de son sort. Il l’avait remercié une nouvelle fois. Grâce à lui, sa vie avait retrouvé un nouveau souffle. Le disquaire fut touché par sa sincérité. Cela lui redonna un peu de baume au cœur, il en avait grand besoin.
Vu l’heure, il n’avait pas le temps de repasser chez lui avant de filer à la gare. Il avait vérifié une ultime fois les horaires des trains. Le dernier que Charlotte avait pu prendre arrivait à vingt heures. Plus il se rapprochait de la gare, plus son coeur battait fort. Arrivé sur les quais, il chercha le train en provenance de Paris. Celui-ci arriva pile à l’heure et déversa ses premiers passagers.
Tristan était à l'affût. Il ne voulait rater pour rien au monde sa petite amie. Mais plus les minutes défilaient, plus il fallut se rendre à l’évidence, elle n’avait pas pris ce train là. Se pouvait-il qu’elle soit arrivée plus tôt dans la journée ? Si tel était le cas, pourquoi n’était-elle pas venue au Microsillon lui faire la surprise ?
20h30. Il quitta à regrets la gare. Ne s’avouant pas vaincu pour autant, il décida de se rendre une nouvelle fois chez elle. Mais à peine avait-il vue sur sa fenêtre d’appartement, qu’il sut qu’elle n’y était pas. Aucune lumière indiquait sa présence, il eut beau sonner à l’interphone, personne ne répondit. Il tenta sa dernière chance en rebroussant chemin pour aller dans leur café de prédilection, La Fausse Note. Peut-être s’étaient-ils tout bêtement manqué à la gare d’une façon ou d’une autre et que comme lui, elle avait eu la bonne idée de le retrouver là où ils s’étaient déclarés l’un à l’autre l’automne précédent. Lorsqu’il franchit la porte de l’établissement, il s’aperçut avec amertume qu’elle n’était pas non plus. Le barman le reconnut. Cela faisait longtemps qu’il ne l’avait pas vu. Voulait-il un petit verre ? Tristan déclina son offre poliment. Il jeta une bouteille à la mer en lui demandant si par le plus grand des hasard, la jeune fille avec qui il avait l’habitude de venir lui avait laissé un message ? Son interlocuteur lui répondit par la négative, avec toute la compassion qu’il semblait détenir dans ce genre de cas. Tristan soupira, hésita à revenir directement chez lui, mais ne put s’y résoudre. Finalement, il commanda une bière. Mais il ne l’apprécia pas vraiment. L’amertume de venir boire ici tout seul était trop grande.
Sur la route de retour, il ne put retenir ses premières larmes. Il n’arrivait pas à comprendre ce qu’il s’était passé avec Charlotte. Avait-il fait totalement fausse route ? Avait-il été aveugle au point de rater quelque chose d’essentiel ? Pourquoi un tel silence de sa part ? Toute cette histoire lui était insupportable. Il se demanda comment il allait faire pour surmonter cette épreuve. Elle lui semblait ce soir des plus injustes.
Il consulta sa montre. 21h30 passé. Il n’était pas du tout d’humeur à faire la fête. Qu’allait-il dire à Lucas et aux autres lorsqu’ils s’apercevraient que sa petite amie n’était pas là ? Il ne voulait surtout pas de leur regard compatissant et encore moins de leurs réconforts. Il n’en avait pas la force. Il n’avait envie que d’une seule chose, aller se réfugier sous sa couette et se faire oublier du monde le reste de toute la soirée.
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