A vendre

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Les jours de janvier passèrent avec une lenteur infinie. Le moral de Tristan était au plus bas. Il se fit une raison et arrêta de passer tous les soirs devant l'hôtel particulier de Charlotte. Il avait aussi arrêté de lui écrire, cela ne servait strictement à rien. Il n’avait plus aucun espoir. Après l’effondrement, il passa au stade de la colère, envers la jeune fille puis la retourna contre lui-même en se maudissant d’avoir été aussi naïf. Après tout, ils ne s’étaient rien promis de vraiment important. Ils ne se devaient rien. Il était inutile de se prendre plus la tête pour une fille qui disparaissait du jour au lendemain. Pourtant à certains moments de la nuit, lorsqu’il se réveillait après un mauvais rêve, il ne pouvait s’empêcher de penser qu’il était impensable qu’elle ait pu sortir de sa vie aussi rapidement. Il y avait forcément une explication à cette histoire qui devenait absurde si on y réfléchissait bien.

Un matin de février, il eut la triste visite de Rickie qui lui annonça la maladie de son père. Les deux amis se tombèrent dans les bras. Son ami pleura pour soulager un peu sa peine. Tristan repensa à la scène qui avait eu lieu l’an passé. Un dimanche matin, alors qu’il venait de se disputer avec Marianne et qu’il sortait prendre l’air, il l’avait croisé qui sortait de la gendarmerie après une nuit atroce. L’épisode sombre de son ami Marc remonta à la surface*. Il préféra aussitôt chasser cet épisode de son esprit pour se concentrer sur un souvenir plus optimiste, celui de leur rencontre. Ce matin-là, autour d’un verre, eux qui ne se connaissaient à peine s’étaient confiés sans détour. Ce garçon s’était montré dans toute sa vulnérabilité mais aussi avec une force qu’il lui avait enviée.

Après s’être remis de ses émotions, Rickie évoqua plus précisément la santé très préoccupante de son père. Elle avait chuté subitement le weekend précédent. Son état physique était tel qu’il avait été administré en urgences à l'hôpital. Rickie, bouleversé pouvait heureusement compter sur Philippe qui était d’une présence de tous les instants, sans oublier, Barbara, sa meilleure amie dont le réconfort était sans faille. Tristan lui assura tout son soutien. Rickie le remercia avant de repartir les yeux rougis.

Tristan eut du mal à reprendre le cours de la journée normalement. Patrick était en congé, ce qui tombait plutôt bien. Il n’aurait pas été nécessaire qu’il assista à cette scène douloureuse.

Alors qu’il s’était juré de ne plus retourner chez Charlotte, ce fut malheureusement plus fort que lui, il voulait tenter sa chance une dernière fois. Arrivé devant l’entrée de l'hôtel particulier, il s’arrêta net. Sur la fenêtre de l’appartement de Charlotte, un panneau “à vendre” y était accroché. Il en eut le souffle coupé. Le dernier espoir même infime de la retrouver s’envolait.

La porte d’entrée de l’immeuble s’ouvrit. Il ne put s’empêcher une seconde d’imaginer sa Charlotte en sortir. Mais ce fut une femme entre deux âges qui sortait promener son chien. Depuis la rue, il l'apostropha. La dame ne comprit pas tout de suite qu’on s’adressait à elle. Lorsqu’elle passa à sa hauteur, elle le dévisagea d’un air suspicieux.

— Bonsoir, vous n’êtes pas de la résidence si je ne me trompe pas. Pour entrer, je vous conseille l’interphone, dit-elle sur ses gardes.

— C’est gentil à vous, mais ce ne sera pas nécessaire. Je suis à la recherche d’une amie qui habite là justement.

— Et bien…Je ne comprends pas. Vous avez essayé de l’appeler ? Il faut appuyer fortement sur le bouton, sinon…

— Je sais, c’est très aimable à vous. Cependant, je pense que c’est peine perdue.

— Mais alors, je ne comprends toujours pas ce que vous faites à rester ici. Ce n’est pas la première fois que je vous vois roder…

— Ne vous inquiétez pas, je ne cherche pas à rentrer de manière illégale dans la résidence, j’aurais juste une question à vous poser.

— Je ne suis pas du tout certaine de pouvoir y répondre…

— Savez vous quand est-ce que ce panneau à vendre a été mis ? C’est le logement de ma petite amie et cela fait des semaines que je suis sans nouvelle d’elle.

La femme se radoucit.

— C’est donc vous, Tristan ?

Le jeune disquaire s’emballa tout à coup.

— Comment connaissez-vous mon prénom. C’est Charlotte qui vous a parlé de moi ? Elle est là, c’est ça ?

— Nous parlons bien de la violoncelliste ? Quelle gentille jeune femme…

A ces mots, le cœur de Tristan s’emballa.

— Oui, c’est bien elle. Je la cherche désespérément. L’avez-vous vu récemment ?

— Non, pas du tout, je suis désolée. Cela fait des semaines comme vous que je ne l’ai pas croisée dans la résidence. La dernière fois que je l’ai vu, c’était un peu avant les fêtes si ma mémoire est bonne. Elle partait à l’étranger et depuis, plus de nouvelles. Hier, une femme de l’agence immobilière est venue faire l’état des lieux de son appartement et a accroché la panneau. Je vous avous que j’ai été très surprise. J’étais en train de relever mon courrier quand elle est venue relever celui de la jeune femme. La boîte aux lettres qui est bien trop petite en était pleine des vôtres. Si bien que lorsque la dame de l’agence l’a ouverte, elle en a laissé s’échapper au sol. Je l’ai aidé à en ramasser une et sans le vouloir, j’ai lu votre prénom au dos. Et comme je vous avais aperçu à plusieurs reprises ici, j’en ai déduit à l’instant que cela pouvait être vous.

— Elle ne les a donc pas reçus, dit-il déçu.

— Je suis désolé pour vous.

Tristan sourit malgré lui à la dame. Soudain, il eut une idée.

— Cette dame de l’agence, elle vous a dit où Charlotte avait déménagé ?

— Non, et je n’ai pas pensé à lui demander. C’est l’agence Marceau, celle qui fait l’angle du grand boulevard, il vous suffit d’aller leur demander !

Cette fois-ci Tristan retrouva son vrai sourire. Il regarda sa montre. Évidemment, vu l’heure, celle-ci était fermée. Il irait sans tarder se renseigner le lendemain à la première heure. Il remercia chaleureusement la dame avant de rentrer chez lui, plein d’espoir.

* Marc est un personnage de ma toute première histoire Le Petit Marcel.

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