L'agence Marceau
Lorsque le rideau grillagé de l’agence Marceau se leva, le premier sourire de la dame qui ouvrit la porte vitrée fut pour Tristan. Derrière son guichet, elle put lire l’impatience du jeune homme qui manifestement avait du mal à trouver ses mots.
— Calmez-vous, monsieur. Nous allons trouver une solution à votre problème. Vous cherchez la locataire d’un immeuble dont nous avons la vente, c’est bien ça, n’est-ce-pas ?
Tristan répondit par l’affirmative en précisant bien que la personne occupait le logement de son père qui en était propriétaire. Après lui avoir donné l’adresse et le nom de Charlotte, il dut patienter le temps que son interlocutrice trouve parmi un grand nombre d’autres dossiers rangés dans une armoire, celui qui l'intéressait. Elle finit par le dénicher et poussa un soupir de soulagement en le posa sur son bureau. Tristan se pencha légèrement au-dessus du guichet. La première chose qu’il vit lorsqu’elle ouvrit l’épaisse chemise fut un tas de courrier, dont ses lettres placées au-dessus de la pile.
— Tiens, encore du courrier que la personne n’a pas récupéré. Je vais devoir encore jeter tout ça à la poubelle. Vous n’imaginez pas le nombre de courrier que les gens ne veulent même pas récupérer même si on leur propose de leur envoyer, dit-elle en faisant la moue. Attendez que je retrouve le papier dont j’ai besoin. Ah oui, le voilà.
Elle prit le temps de lire consciencieusement la feuille en question, retourna celui-ci pour vérifier qu’elle n’avait rien oublié.
— Je suis désolé, monsieur. Je ne vois pas d’autre adresse concernant la personne que vous recherchez.
— Comment ça ? C’est impossible, elle a bien dû vous laisser une adresse ou un numéro de téléphone la concernant. Ne serait-ce que pour la vente.
— Oui, effectivement, vous avez raison, c’est curieux. Attendez-moi deux petites minutes, je vais voir mon responsable.
La dame s’en retourna dans un couloir situé à l’arrière de l’accueil. Tristan brûlait d’impatience. Il avait enfin une piste pour retrouver Charlotte. Il ne lui fallut pas attendre longtemps, la dame revenait déjà. A sa tête, il comprit qu’elle n’apportait pas de bonnes nouvelles.
— Je suis désolé Monsieur, je ne suis pas autorisée à vous fournir la moindre information concernant l’adresse postale de la personne que vous recherchez.
Tristan était abasourdi.
— Mais… Je ne comprends pas. S’il vous plaît. Un simple numéro de téléphone, sinon.
— Je regrette, monsieur, c’est impossible.
Tristan serra les poings. Il sentit la colère monter en lui.
— Mais enfin, madame, je ne vous demande pas la lune ! Une simple adresse. Vous ne semblez pas comprendre la situation, mais il faut absolument que je retrouve cette personne, c’est une amie, dit-il durement. Je m’appelle Tristan Lapierre, vous pouvez noter mon nom et lui transmettre que…
— Je suis vraiment désolé de ne pas pouvoir répondre favorablement à votre demande, c’est impossible.
— Moi, je vous dis que si !
— Écoutez, monsieur, à présent, ça suffit ! Nous ne sommes aucunement autorisé à vous transmettre ou de faire passer la moindre information quelle qu'elle soit. C’est la dernière fois que je vous le répète. Vous m’en voyez sincèrement bien désolée.
Tristan lut dans ses yeux qu’elle l’était vraiment.
— Très bien, je comprends. Je suis désolé d’avoir haussé le ton, vous n’y êtes pour rien.
— Elle comptait beaucoup pour vous, n’est-ce-pas ? Lança-t-elle timidement.
Les yeux de Tristan s’embuèrent.
— Merci madame pour votre gentillesse. Je ne vais pas vous importuner plus longtemps. Au revoir et bonne journée.
Lorsqu’il se retrouva sur le trottoir, il lui fallut beaucoup de courage pour ne pas s’effondrer. Alors qu’il s'apprêtait à quitter les lieux, il entendit une voix l’appeler. Il se retourna et vit la dame de l’agence trottiner à sa rencontre, du courrier à la main.
— Elles sont bien de vous ces lettres ?
— Oui, tout à fait, répondit-il, étonné.
— Je n’ai en principe pas le droit, mais je me disais… Souhaitez-vous les récupérer ?
— Les récupérer ?
— Cela ne me regarde pas, c’est une idée que j’ai eue…
— Merci, mais je préfère vous les laisser, au cas où.
— Je comprends, mais vous savez, comme je vous l’ai dit…
Elle s'interrompit une seconde et se reprit.
— Vous avez raison, il se peut que votre amie veuille récupérer son courrier… Je ne sais pas ce qui m’a pris, c’était idiot de ma part.
— Mais non, ne dites pas ça. À vrai dire, je ne pense pas qu’elle lira mes lettres un jour. Si je les récupère, elles finiront de toute manière à la poubelle. Même si mon amie les récupère, j’imagine qu’elle n’en ferait plus rien à présent. Il est trop tard.
— Si vous le dites, monsieur. Il ne me reste qu’à vous souhaiter tout de même une bonne journée, ajouta la dame avec sincérité.
— Bonne journée à vous également, madame et merci encore pour votre gentillesse.
Celle-ci s’en retourna à son agence. Tristan regarda sa montre. Il ne fallait pas qu’il tarde s’il voulait arriver à l’heure pour ouvrir le magasin. Il pressa donc le pas, en se demandant s’il avait bien fait finalement de ne pas accepter la proposition de la dame. A bien y réfléchir, qu’aurait-il fait de ses lettres ? À part les relire pour se morfondre dessus, il ne voyait pas ce qu’elles pouvaient lui apporter de constructif.
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