Chapitre 6

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Arrivée à l’adresse indiquée, Lila ne voit qu’un chemin de terre. Pas de maison, pas de chien, pas de panneau. Rien qui puisse indiquer une quelconque présence humaine dans ce coin perdu. Elle regarde une nouvelle fois sur son GPS pour voir qu’elle ne se soit pas trompée, mais non, c’est bien ce que lui a indiqué Gabriel. Elle jette un ultime coup d’œil autour d’elle pour vérifier qu’elle n’ait pas loupé un indice, avant de se décider à l’appeler. Il répond après quelques sonneries et lui indique qu’elle est au bon endroit. Il faut juste qu’elle prenne le petit chemin de terre sur quelques mètres. Effectivement, après un virage elle se retrouve devant un portail de bois avec une pancarte en fer indiquant « Gabriel Mushing ». Elle se garde sur le côté et sautes-en bas de son pick-up. Gabriel l’attend devant une petite cabane, vêtu d’une simple chemise de bucheron à carreaux rouge. Lila se demande comment il fait pour ne pas avoir froid, elle qui est emmitouflée dans sa grosse doudoune, l’écharpe remontée jusqu’au bout du nez. Ses yeux sont la seule chose visible. Tout le reste est caché sous des couches épaisses de vêtements.

- Si je ne t’attendais pas, je ne t’aurais pas reconnu, rit gentiment Gabriel.

- Moque-toi de moi. Je ne sais vraiment pas comment tu peux sortir en simple chemise avec ce temps !

Arrivée devant lui, Lila ne sait pas trop comment se comporter. Gabriel se penche légèrement vers elle pour lui faire la bise. Elle ne sait pas quelle force lui en veut à ce point, mais elle s’emmêle les pieds et trébuche. Gabriel la rattrape par la main et l’aide à retrouver son équilibre.

- Désolée, dit Lila mortifiée.

- Ce n’est pas grave, rit le jeune homme. Viens à l’intérieur, il fait meilleur. J’ai fait du café.

Lila le suit dans la petite cabane. C’est un espace réduit mais chaleureux. A gauche se trouve un bureau où s’entasse des piles de papier. A droite, un canapé tourne le dos à une petite cuisine. La jeune femme observe les lieux tout en enlevant son écharpe.

- Je t’en prie, assieds-toi. Mets-toi à l’aise. Je te sers un café ou tu préfères autre chose ?

- Non, ne t’embêtes pas, un café ira très bien.

Assise sur le canapé, Lila tourne le dos à Gabriel, mais elle le sent nerveux. Cela la touche qu’il se mette la pression pour elle, mais elle se sent aussi un peu coupable. Elle ne veut pas qu’il se fasse de faux espoirs. Si elle est venue c’est uniquement pour voir ses chiens, du moins elle tente de s’en convaincre. Elle aussi ses nerfs sont mis à rude épreuve. Elle n’arrête pas de gigotter sur place, essayant d’occuper ses mains.

Gabriel pose une tasse devant elle et vient s’assoir à sa gauche, aussi loin que le petit canapé le lui permet. Elle s’empare du gobelet et le remercie.

- Alors, c’est ici que tu travailles ?

- Oui. C’est petit, mais ça me suffit pour le moment.

- Tu vis à Sainte-Agathe-des-Monts non ? Ce n’est pas un peu compliqué d’avoir le chenil à vingt minutes de là où tu vis ?

- Un peu oui, mais c’est provisoire, du moins je l’espère.

- Ça fait longtemps que tu es musher ? demande Lila en prenant une gorgée de son café, qui est en réalité plus de l’eau aromatisée qu’autre chose.

- Trois ans environ. Cela faisait longtemps que je voulais me lancer, et puis j’ai rencontré Jack. Il m’a formé, m’a appris à mener les chiens et m’a laissé son ancien chenil pour pouvoir m’y installer.

- C’est vraiment généreux de sa part. Il vient t’aider de temps en temps ?

- Non, plus trop. Il a pas mal de problèmes de santé. Il a dû arrêter les courses et les sorties. Il a même été obligé de se séparer d’une partie de sa meute. Ça a été très dur pour lui. Les chiens, c’est toute sa vie. J’ai pu en recueillir quelques-uns, mais certains ont fini en refuge.

Gabriel baisse la tête. Instinctivement, Lila pose sa main sur la sienne en lui disant combien elle est désolée d’entendre ça. Le musher lui sourit, reconnaissant. Puis Lila se rend compte qu’elle n’a toujours pas enlevée sa main et la retire précipitamment, gênée. Gabriel doit le sentir, se lève et lui fait signe de la suivre. La jeune femme le regarde interrogative. Ses yeux bleus ont repris leur malice habituelle et il sourit en disant :

- Tu n’es pas venu jusqu’ici pour boire mon café infame. Allez, viens faire la connaissance de ma meute.

Lila se sent coupable en reposant sa tasse encore pleine sur la petite table basse encombrée de revue sur les chiens et les courses de traineaux.

- Ne t’en fais pas. Je ne suis ni bon pour faire la cuisine, ni bon pour faire du café correctement. J’en ai parfaitement conscience.

Elle prend la main qu’il lui tend et se lève. Une fois rhabillés pour affronter le froid hivernal, ils se dirigent vers le chenil. Il est ombragé par de grand sapins et érables. Chaque enclos est composé d’une grande niche en bois et d’un terrain. Les chiens sont paisibles, couchés dans ou sur leurs niches. Gabriel se dirige vers un enclos, ouvre la porte et invite Lila à rentrer.

- Je te présente Freyja, ma première compagne à quatre pattes.

Le husky relève la tête qu’elle avait posé sur ses pattes avant en entendant la voix de son maître. Elle remarque Lila, se lève et vient sentir la main que lui tend la jeune femme. D’une voix douce et pleine d’amour Gabriel reprend.

- Freyja, voici Lila, une amie.

Voyant que la chienne est réceptive, Lila s’accroupie et commence à lui caresser la tête et le dos. Se laissant tomber au sol, l’animal se roule sur le côté pour montrer son ventre, réclamant plus de caresses, ce qui fait rire les deux amis. Après avoir passé du temps avec Freyja et fait la connaissance du reste de la meute, Gabriel entraîne Lila vers un enclos sans dessus-dessous. Les gamelles pourtant à moitié pleines sont retournées. Les coussins et couvertures, qui dans les autres parcs sont à l’intérieur de la niche, gisent en morceau dans la neige. La niche elle-même semble avoir bouger de place.

- Et voilà le fauve ! Hel, viens voir qui est venu te rendre visite. Allez, viens ma belle.

Une boule de poil sort précipitamment de derrière la petite cabane, saute par-dessus les gamelles et vient appuyer énergiquement ses pates avant sur le grillage. La puissance de l’animal surprend Lila qui fait un pas en arrière, percutant du même fait le corps massif de Gabriel. Riant, il ouvre la porte de l’enclos et Hel sort comme une furie. Après avoir fait deux, trois sprints dans tous les sens, elle vient s’assoir devant Lila en remuant la queue d’excitation.

- Salut ma belle, comment vas-tu ?

Lila se penche et passe sa main dans le poil long et soyeux de la chienne. Après quelques secondes à se pavaner sous les caresses, Hel ne tient plus en place et repart en courant rendre visite aux autres chiens.

- Quelle énergie dis donc ! Tu arrives à la canaliser quelque fois ?

- J’essaye, mais ce n’est pas facile, répond Gabriel tout en surveillant qu’Hel ne fasse pas trop de bêtises. Elle est encore jeune, il faut qu’elle découvre le monde et qu’elle apprenne. C’est comme les enfants, il faut toujours la surveiller. Mais c’est épuisant. Parfois, j’ai l’impression que rien ne peut la calmer, même pas un entraînement intensif.

- Je comprends tout à fait, j’ai la même à la maison.

- Tu as des enfants ? demande le jeune homme, surpris.

- Non, rit Lila, je pensais plutôt à Ambre. C’est une grande enfant. Parfois son rythme m’épuise.

La comparaison avec son amie fait éclater de rire Gabriel, un son roque et mélodieux. Lila aimerait entendre ce son jusqu’à la fin de ses jours. Mais pourquoi un simple rire lui fait-il autant d’effet ? C’est ridicule, il faut qu’elle se reprenne tout de suite.

- Ça te dit de participer à notre sortie quotidienne ? demande le musher, une main sur la nuque.

- Avec grand plaisir, mais je n’y connais rien du tout. Je ne voudrais pas faire un truc qu’il ne faut pas.

- Je vais te montrer, ce n’est pas compliqué. On va d’abord préparer le traineau avant de faire sortir les chiens. Je fais durer l’entraînement environ deux heures, mais je peux l’écourter si tu as d’autres obligations.

Tout en parlant, Gabriel se dirige vers la cabane de l’entrée où est accolé un chalet un peu plus grand. Il ouvre le portail et en sort un traineau de course.

- Tu fais de la course ? Je croyais que tu proposais des balades et des initiations pour les touristes.

- La course est mon premier amour. Je fais les randonnées parce que ça me plait de partager ma passion. Et puis on ne va pas se mentir, c’est ce qui me permet de gagner ma vie. Les courses ne me rapportent pas beaucoup. Il faudrait que je sois plus performant. Un jour j’espère.

Lila est impressionnée de voir à quel point Gabriel est passionné. Elle le regarde attacher les cordes qui servent à maintenir les chiens dans l’attelage. Tout en travaillant, il lui explique le fonctionnement.

- Les chiens sont tous équipés d’un harnais. Ils sont attachés à ce qu’on appelle la ligne de trait. C’est tous les éléments qui permettent de les maintenir en position. Cette corde, (Gabriel désigne la corde du milieu), est la ligne centrale. Les chiens sont attachés à cette ligne par une ligne de queue à l’arrière du harnais et par une ligne de cou au niveau du collier. Comme ça ils sont toujours en place, sauf quand ils s’emmêlent. Allez viens on va les équiper. Aujourd’hui on va prendre tout le monde, ça fait longtemps qu’on n’a pas travaillé en nombre.

- Tu participe à quel genre de course ?

Le jeune homme se tourne vers elle pour lui répondre.

- Je fais principalement de la course de traineau sur neige. Il y a deux catégories, soit le sprint, soit les courses de distance qui sont plus longues et qui demandent de l’endurance. Je fais aussi quelques courses sur terre avec un kart, mais j’aime moins. Il n’y a pas la même ambiance. Pas la même magie.

Arrivé devant un enclos, Gabriel ouvre la porte et deux gros chiens de race Samoyède sortent tout excités. Il les guide près du traineau et le musher explique à Lila comment leur mettre le harnais et lui laisse équiper un des chiens. En suivant, ils vont chercher chaque chien pour les installer sur l’attelage. Ils trépignent d’impatience à l’idée de faire de l’exercice.

- Comment tu sais à quelle place doit aller tel chien ? demande Lila en attachant Hel vers l’avant de la meute.

- Chaque place demande un rôle bien précis. Tout devant, tu as les chiens leaders. Ils mènent l’équipage. Ils doivent être à la fois rapides, intelligents pour ne pas se laisser perturber par des éléments extérieurs et surtout obéissants. Ce sont eux qui donnent l’impulsion aux autres chiens et qui répondent directement à mes ordres. Aujourd’hui, c’est Nova et Sky qui sont en tête. Ils ont l’habitude de travailler ensemble. Mais cette place n’est pas immuable, je peux faire des roulements. Les chiens aiment bien être leader, c’est une sorte de récompense pour eux. Ça les stimule.

Gabriel se déplace pour se mettre à la hauteur de la deuxième rangée de chien. Hel en fait partie et n’arrête pas de bouger, s’emmêlant dans ses cordes. Le jeune homme se baisse pour lui dégager une pâte.

- Juste derrière les leaders, il y a les swing dogs. Ils secondent le leader. Aujourd’hui, j’ai mis Freyja et Hel ensemble.

- Le choix de les mettre en binôme est fait selon leurs capacités, si je comprends bien.

- Oui, mais surtout, il faut mettre ensemble des chiens qui s’entendent bien, qui se motivent mutuellement. Si tu mets deux chiens ennemis côte à côte, il y a de forte chance pour que ça se finisse en bagarre. Là par exemple, j’ai mis Hel avec Freyja. Il faut qu’elle se forme avec un chien plus expérimenté. Je pense que quand elle sera un peu plus disciplinée et âgée, Hel fera un très bon leader. En attendant, elle est avec Freyja qui est calme et patiente. Elle lui montre ce qu’il faut faire.

- C’est un peu son mentor, son guide en fait.

- C’est exactement ça. Ensuite, en troisième position, voici Alaska et Loki, les team dogs qui constituent le reste de l’équipage. Plus l’attelage est gros, plus les team dogs sont nombreux. Alaska est encore un peu jeune donc, comme Hel, j’essaye de la former. Elle est un peu plus peureuse. Donc je préfère la laisser à ce poste pour l’instant, pour qu’elle s’habitue et qu’elle prenne ses marques, mais elle est très prometteuse. Et enfin, les deux derniers, Pongo et Arrow ont la place des wheel dos. Ils doivent avoir de la force pour tracter le poids du traineau. Et du musher quand il a trop mangé de Mcdo, rajoute Gabriel avec un clin d’œil qui fait sourire Lila.

Sur le point de partir, Gabriel semble hésiter en regardant la jeune femme. Ça y est, il regrette de m’avoir proposé de venir avec lui, se morfond Lila. Elle a vécu des humiliations pires que ça, mais elle n’a vraiment pas besoin de se sentir rabaissée. Il se dirige vers son bureau et en ressort avec une grosse doudoune noire.

- Je pense que tu auras moins froid avec ça, même si ton manteau jaune est très joli, s’empresse-t-il de rajouter. Elle sera surement trop grande, mais au moins tu n’attraperas pas de pneumonie par ma faute.

Lila souffle. Un instant, elle se voyait déjà repartir vers sa voiture, les joues en feu face à un vent terrible. Elle se sent bête d’apporter autant d’importance à cette balade, mais elle a toujours rêvé de faire du chien de traineau. Elle n’en a jamais eu l’occasion. C’est de toute façon pour cette unique raison qu’elle a accepté. Pas du tout pour passer du temps avec un musher blond. Et sexy. Et musclé. Elle passe le manteau et se retrouve immédiatement enveloppée d’une odeur incroyable, un mélange de parfum masculin, de lessive à la lavande et de feu de cheminé réconfortant. Cette doudoune est vraiment plus chaude que la sienne… C’est fou ce qu’il fait chaud dedans. Elle lui arrive presque au genou et les manches sont beaucoup trop longues. Voyant qu’elle galère, Gabriel se rapproche et l’aide à retourner ses manches. Ses gestes sont doux et précis. Leur regard se croise un instant. Lila est entrainée dans un océan bleu aux multiples reflets. Puis, comme si la bulle dans laquelle ils étaient avait éclatée, il détournent les yeux précipitamment. Gabriel se racle la gorge.

- Euh, on y va. Tu te sens prête ?

- Allez c’est parti. J’ai toujours voulu faire ça ! Où dois-je me mettre, chef ?

- Chef ? rit Gabriel en secouant la tête. Pour le démarrage tu vas te mettre dans le traineau. Comme les chiens sont excités, ils vont être un peu dur à canaliser au début.

Il aide Lila à grimper dans le traineau et à refermer le sac pour ne pas qu’elle tombe en route. Gabriel lui demande si elle est bien installée, et se place à l’arrière. Les chiens sentent le départ imminent et commencent à trépigner sur place, à aboyer.

- J’ai un peu l’impression d’être dans Ford Boyard, avec juste la tête qui dépasse, et que des insectes vont me tomber dessus, déclare Lila juste avant le départ.

Un silence lui répond quelques secondes.

- Je crois que je n’ai pas la référence, déclare Gabriel. Prête ?

Gabriel donne une impulsion avec son pied tout en criant « Aller ! ». Les chiens se mettent en marche et prennent progressivement de la vitesse sur la piste enneigée. Lila n’en revient pas, la sensation de glisse est grisante, malgré le vent froid qui lui fouette le visage. Les paysages enneigés sont féériques. Le soleil de cette fin février pare les arbres de millier de paillettes. Lila se sent privilégiée de partager ce moment. Au rythme des ordres et des encouragements, les chiens se comportent exactement comme le veut Gabriel. Ils sont en parfaite communion.

- Hel, tête, s’exclame Gabriel.

Il répète l’ordre plusieurs fois, jusqu’à ce que Freyja fasse comprendre à la jeune chienne qu’il faut qu’elle replace sa tête de l’autre côté de la ligne centrale. Tout en guidant ses chiens, Gabriel explique à Lila tout ce qu’il fait, les ordres qu’il donne et pourquoi. Puis, après presque une heure et demi de course, Gabriel arrête le traineau et aide Lila à descendre. Face à elle, la plaine est enneigée et magnifique sous le soleil descendant. Elle a l’impression d’être dans un conte de fée. C’est irréel.

- Alors comment tu trouves pour l’instant ? demande Gabriel en se rapprochant d’elle.

- C’est incroyable, cette sensation de liberté et de communion avec la nature. Je comprends pourquoi ça te plais autant. Et puis l’harmonie que tu crées avec tes chiens est tellement belle. Je suis impressionnée.

Gêné, Gabriel baisse la tête et entreprend de créer un petit tas de neige avec le bout de sa chaussure.

- Merci beaucoup, mais j’ai encore besoin de pas mal d’entraînement pour arriver à un bon niveau. Ça te dirait d’essayer ?

- Quoi ? Moi, mener le traineau ? Je ne vais jamais y arriver !

- Mais si t’inquiète pas. Je serais là de toute façon.

Avec un peu d’appréhension, Lila sur les patins du traineau. Gabriel juste derrière elle.

- Les ordres sont simples : Aller pour partir ou accélérer, Gee pour tourner à droite et Haw pour la gauche. Pour freiner, il te suffit de dire « Hooo ». S’il y a un obstacle sur la piste et que le traineau doit se serrer, il faut dire serre à droite ou à gauche. Stop pour arrêter le traineau. Et pour les encourager, tu peux crier « Yap yap ».

Lila se retourne vers Gabriel et le dévisage.

- Mais comment tu veux que je retienne tout ça. J’ai déjà oublié commet ont doit leur dire d’avancer !

- Ne te stresse pas, je te dirais quoi dire.

- Et je suis censée faire quoi à part leur dire quoi faire ?

- Toujours tenir la barre devant toi et mettre les pieds sur les patins. Au départ, je vais lâcher le frein et les chiens devraient partir tous seuls. Ensuite, détends-toi. Lorsque tu veux tourner, penche-toi du côté où ça tourne, comme sur une moto. Quand ça grimpe, tu peux les aider en donnant de l’impulsion avec tes pieds, un peu comme tu le ferais avec une trottinette. Dans les descentes, n’hésite pas à freiner pour éviter que le traineau parte de côté. Et si tu sens vraiment qu’il part d’un côté ou s’embourbe, essaye de faire contrepoids avec ton corps. Ce n’est pas plus compliqué que ça.

- C’est facile à dire pour toi, tu fais ça tous les jours. Non, mais vraiment je ne le sens pas, tu devrais le mener toi-même.

Gabriel se rapproche de Lila et elle sent dans son dos la chaleur de son corps. Il prend ses mains dans les siennes et les poses sur l’arceau devant elle. Avec son genou, il lui écarte les jambes pour que ses pieds reposent sur les patins. Ce geste n’a rien de sensuel, mais provoque chez Lila une réaction inattendue. Sa respiration s’accélère et les papillons bien endormis au plus profond de son estomac semblent soudain se réveiller d’un long sommeil. Gabriel se penche en avant et son souffle chaud vient lui chatouiller l’oreille.

- A trois, je vais relâcher le frein et tu vas crier Aller. Je reste derrière toi tout le long.

Sa voix grave et chaude lui coupe les jambes. « C’est bien le moment de devenir toute flagada » se reproche intérieurement Lila.

- Un, deux, trois !

Gabriel lâche la pression, Lila donne l’ordre et les chiens se mettent en route. La vitesse projette la jeune femme en arrière, contre le torse du musher. Les mains du jeune homme sont collées au siennes. Il l’aide à prendre les virages, se penchant du côté de la courbe. Il laisse Lila mener la danse, n’intervenant que pour lui chuchoter les mots qu’elle a oublié. Le trajet se passe sans encombre. Lila a rapidement pris ses marques et les chiens ont dû sentir qu’ils avaient changé de musher. Ils se sont adaptés et ont ralentis l’allure. En arrivant au chenil, la jeune femme est aux anges. Elle n’en revient pas de la chance qu’elle a eu de vivre cette expérience incroyable.

Lila aide Gabriel à détacher les chiens et à les rentrer dans leurs enclos. Après quelques caresses de récompenses, ils rentrent au chaud.

- Merci pour tout, vraiment. Je n’ai pas les mots tellement j’ai adoré.

- Tu m’as fait découvrir ton monde, je me devais de te faire découvrir le mien. En plus, tu t’en es très bien sortie. Beaucoup mieux que moi si je devais passer en cuisine.

- Je prends ça pour un défi ! rit Lila.

- Appelle les pompiers d’abord. Question de sécurité nationale.

Lila récupère sa doudoune jaune qu’elle avait laissé sur le canapé et sort jusqu’à sa voiture, suivie de Gabriel. Au moment de monter dedans, elle s’aperçoit qu’elle a oublié de lui rendre son manteau.

- Mince, j’allais partir avec, lui dit-elle en lui tendant le vêtement.

- Ce n’est pas grave. Ça m’aurait donné une occasion de te revoir, dit doucement Gabriel avec un regard malicieux.

- Qui sait ? J’aurais peut-être besoin d’aide pour faire tous les gâteaux prévus pour le prochain week-end trappeur, renchérit Lila avec un clin d’œil en montant dans sa voiture.

Sur la route du retour vers le manoir, elle se repasse la journée dans sa tête. Elle n’a pas vu le temps passer, comme s’il s’était arrêté. Elle est partagée entre un sentiment de joie intense, d’excitation même, comme une adolescente, et de peur. La peur de trop s’impliquer et de le regretter. Mais va-t-elle réussir à brider son envie d’en découvrir plus sur ce beau musher blond ? Elle en doute fortement. C’est ce qui la terrifie.

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