Lorsque j’étais enfant, j’ai connu un garçon qui avait une peur bleue des poupées. Une phobie qui n’avait pas d’origine particulière, pas d’explication et donc aucune logique. Le propre d’une phobie, quoi. Je l’ai su lorsque je l’avais invité à la maison après l’école et que nous sommes allés faire nos devoirs d’algèbre dans ma chambre. Il est devenu tout pâle puis il a carrément tourné de l’œil. Un miracle qu’à son réveil, il n’ait pas quitté la maison ventre à terre : tant qu’il ne voyait pas les poupées, il pouvait contrôler sa peur. Cela n’a donc pas entaché notre amitié.

Le fait est que, pour ma part, j’adore les poupées. Ça a toujours été et je doute que cela change. Là où mon pauvre ami et ceux qui partagent sa peur les trouvent terrifiantes avec leurs yeux ronds et leur immobilité, je les trouve adorables. J’aime le fait qu’elles soient toujours là, près de moi, partout dans ma chambre et tout près de moi. Grâce à elles, je me sens entourée, jamais la solitude ne m’étreint. Elles ne peuvent qu’écouter mes confidences, me soutenir malgré leur silence, et elles seules connaissent mon petit secret.

Si je devais trouver un inconvénient à leur présence, c’est lorsque je dois m’occuper d’elles une par une. Elles ont le chic pour laisser couler leurs larmes en même temps. À croire qu’elles se remémorent toutes le passé, simultanément. Cela me prend des heures pour nettoyer leurs petits visages et leur assurer que notre amitié était éternelle, que jamais nous nous quitterions. Que bientôt nous accueillerions un nouvel ami et serions tous heureux.

Je lui ai offert une place de choix sur ma table de chevet, une fois que je me suis occupée de lui. J’ose espérer qu’il n’a plus peur des poupées mais j’ai parfois des doutes : ses yeux de verre ne cessent jamais de pleurer depuis trente ans.

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NdA : C’est à se demander si ce personnage n’est pas en lien avec celui d’un texte du Writober 2023. ;)

https://www.atelierdesauteurs.com/text/236754264/writober-2023--termine-/chapter/688344