Elle se savait suivie. Elle était inquiète même si elle essayait de ne pas le montrer, même si elle se retenait de regarder par dessus son épaule. Bientôt, l’inquiétude laissera place à la peur mais, pour l’heure, elle arrivait encore à réfléchir. Il ne lui fallut pas plus de quelques secondes avant de penser à un certain type.

Ça avait commencé par un like sur un réseau social, pour une fois qu’elle osait poster une photo d’elle. Il avait flashé sur son visage innocent, sur ce sourire peu assuré, sur ces yeux dont débordait l’appréhension plus que l’assurance. Son manque de confiance en elle l’avait séduit.

Elle s’était contentée de le remercier suite à son commentaire flatteur, pour ne pas dire lourd. Nul doute, à ce moment-là, qu’elle pensait que ça n’irait pas plus loin. Les dérives des réseaux, ça n’arrivait qu’aux autres, après tout.

Ça ne s’était pas arrêté là. Bien qu’il likait ses publications suivantes - des photos de paysages - il attendait à nouveau des selfies voire des détails de sa vie privée. Qu’elle ne montra jamais. Il lui parla en conversation privée, lui posa des questions de plus en plus indiscrètes, insistantes, qu’elle laissa en « vu ». Les paysages finirent par le passionner : peut-être trouvera-t-il des indices sur l’endroit où elle vivait. Il s’intéressa également à ses abonnés. Il éplucha tout.

Et malgré sa grande discrétion, la proie fut trouvée et il eut beau se montrer discret, elle finit par comprendre l’horrible réalité. Il ne s’agissait plus de virtuel. Il avait dépassé ce stade et était maintenant dans sa vie réelle.

Cette compréhension changea immédiatement son inquiétude en peur, comme prévu. Elle réalisa ensuite qu’elle était dans un lieu trop isolé, qu’à cause de l’hiver il faisait déjà nuit, que son banal trajet de tous les jours était soudainement devenu dangereux. Elle entendit les pas s’approcher et elle étendit les siens, prit un rythme plus rapide, pour les distancer.

Croyait-elle vraiment pouvoir m’échapper après tous ces efforts ?