5 - Règne de l’obscurité

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Un miracle vient de se produire. Sans explications. Sans signes. Le soleil est devenu noir, le jour a laissé place à la nuit et nous pouvons sortir dans les rues. Nous avons ressenti le phénomène jusque dans nos os. Alors plongée en plein sommeil, une vigueur soudaine m’en a tirée et l’appel du sang fut plus fort que tout. Malgré ma crainte de faire une grave erreur, je me suis risquée dehors.

Le ciel est sombre, l’astre maudit est noir. Seul un fin liseré de lumière lutte désespérément pour briller et me brûle les yeux, mais qu’importe. Je peux marcher en pleine journée et je me sens puissante. Quant aux mortels qui crient de peur face à cette nuit soudaine, ils n’ont pas fini d’avoir peur. Je vais commencer par les deux enfançons accrochés aux jupes de leur mère, je vais les déchirer et les boire en les gardant vivants le plus longtemps possible sous ses yeux.

Mes semblables ont les mêmes idées que moi et, bien vite, le hameau s’emplit de hurlements, de supplications, de rires cruels, de bruits de succions et de giclées de sang sur le sol et les murs. Les pleurs et les prières ne tardent pas à suivre, mais rien ne semble pouvoir nous arrêter.

Je ne compte plus les petits corps que je balance négligemment après m’en être nourrie, et déjà je cherche le suivant. J’en vois un assis sur un toit de chaume et bande mes muscles pour bondir vers lui, mais ses yeux verts brillant dans les ténèbres me surprennent. Je n’avais jamais vu d’enfant vampire, et mon instinct me crie de ne pas m’en approcher. Je continue ma route et y trouve un garçonnet aux boucles blondes dans la gorge duquel je plante mes crocs.

Je me délecte de son sang si pur, pas encore gâché par le mauvais alcool local, lorsque je sens ma peau picoter et brûler. Je lâche le corps sans plus m’en préoccuper, sans voir s’il reste encore de la vie en lui, et lève les yeux vers le ciel. Un croissant lumineux apparaît et reprend le dessus sur la nuit. Autour de moi, plusieurs de mes semblables ne s’en rendent pas encore compte, pas même lorsque je crie pour les alerter.

Exposée, je cours vers les rues encore enténébrées et cherche un abri, le mien étant en plein soleil, et dans le ciel le soleil ne cesse de croître. Autour de moi, les cris des vampires jaillissent et l’odeur du sang laisse place à celui de la chair qui brûle tandis que les quelques mortels encore debout tentent de nous repousser voire de nous occire.

J’ai enfin atteint la maisonnée presque touchée par le jour. Ses volets sont clos. Je vais survivre, échapper à cette affreuse lumière, et malheur aux mortels qui tenteront de m’en déloger. Cette douleur cuisante, hors de question de la subir plus longtemps et d’en mourir.

J’ouvre la porte, soupire de soulagement en voyant l’intérieur enténébré, relâche ma vigilance. Et reçoit un coup de pied en plein buste, qui le renvoie en arrière. J’avais cru l’endroit vide mais je croise deux yeux verts qui brillent dans le noir. L’enfant vampire qui m’avait regardée depuis le toit de cette même maison. C’était son abri et il ne semblait pas vouloir le protéger.

Je m’affale sur le sol poussiéreux et sent aussitôt la morsure du soleil sur ma peau. Elle grésille et fait bouillir le sang d’enfants dont je suis couverte. Je me relève aussitôt et tente d’entrer par la force mais il me repousse aussi facilement que si j’étais moi-même une enfançonne sans défense.

- Brûle, l’entends-je dire avant qu’il ne ferme la porte pour s’abriter, alors que les lueurs meurtrières s’invitent à l’intérieur.

Une simple porte de bois n’est pas un obstacle pour un vampire mais, complètement à la merci du soleil, mes forces m’abandonnent. Ma peau est rouge, fumante, mes cheveux tombent par plaques entières de mon crâne, des cloques éclatent sur mes mains, et je ne peux m’empêcher de hurler en régurgitant le sang tout juste avalé.

Pourquoi ? Que s’est-il passé ? Pourquoi le soleil est-il revenu ? Pourquoi l’un des miens m’inflige-t-il cela ? N’était-ce pas le début du règne de l’obscurité comme nous l’espérons tous ?

Les os percent ma peau et eux aussi noircissent, mes yeux ne vont pas tarder à s’assécher à leur tour, mais j’ai le temps de voir les mortels courir vers moi, armés de pieux, de fourches et de croix.

C’est la f

****

- C’était juste une éclipse, celle du 8 mai 1491. Ces cons avaient cru qu’un rituel occulte avait créé une nuit éternelle. Je ne compte pas le nombre qui a cramé au soleil, ce jour-là, raconta le vampire avec un sourire amusé qui faisait presque pétiller ses yeux verts, sans la moindre compassion pour ses congénères.

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