Journal d'un confinement - 20 avril 2020

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Son patron l’a appelé il y a une dizaine de jours, juste avant le deuxième discours présidentiel. Si le confinement devait être à nouveau prolongé, il n’aurait pas d’autre choix que de le mettre au chômage partiel. L’essentiel de sa rémunération venant de primes d’intéressement, nous allons perdre beaucoup d’argent. Enfin, lui, il va perdre beaucoup d’argent. Car le ménage ne vit – et c’est tant mieux – que sur la partie fixe de son salaire. Le reste lui sert principalement à jouer au PMU, s’offrir des whiskies d’exception et se payer chaque année une allemande haut de gamme truffée de gadgets. Et puis, il faut le reconnaître, à nous gâter, Emma et moi.

Je suis touchée des attentions qu’il a pour elle. Comme ça, sans raison, juste parce qu’il est son père et qu’il l’aime. Moi aussi, les cadeaux qu’il me fait, c’est parce qu’il m’aime. Et aussi pour se faire pardonner. J’ai plus de bijoux et de parfums que je ne pourrai jamais en porter.

Sans surprise, l’annonce de la prolongation du confinement au soir du treize avril l’a plongé dans une rage indescriptible. Et moi dans un gouffre sans fin.

Le lendemain, pour aller chercher le pain, je me suis maquillée plus que d’habitude. Pour cacher ceux des hématomes de la veille qui ne disparaissaient ni sous le masque ni sous ma longue, trop longue frange. A mon retour, il m’a traitée de pute. Le soir, je n’entendais plus de l’oreille gauche.

Depuis il a décidé de se charger lui‑même des courses. Ça me procure un peu de répit dans ces journées interminables. Mais ça me prive aussi de toute raison de sortir et je n’aurai bientôt plus de Lexomil.

La semaine Pascale vient de s’achever. Elle n’avait pas de miracle en réserve pour moi. Sauf à considérer qu’éviter les urgences dans les conditions où je l’ai passée tenait en soi du prodige. Il en reste encore trois, des semaines, jusqu’à la fin du confinement. Je n’ai fait qu’un quart, un tout petit quart du chemin. Je ne suis pas sûre d’avoir envie de découvrir si le reste sera à l’avenant. Le balcon où je me réfugie souvent, le balcon et ses huit étages à l’aplomb du bitume, prend des airs de porte de sortie.

Mais je ne peux pas faire ça à mon Emma.

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