Journal d'un confinement - 8 mai 2020
Nous avons fêté le quinzième anniversaire d’Emma aujourd’hui. Elle est née le jour de la Victoire, ma délicieuse Emma. C’était un jour inondé de soleil après une longue période de temps maussade. Je me souviens m’être dit que ce devait être son destin que d’illuminer nos vies.
Aujourd’hui comme ce jour-là, c’était l’état de grâce. L’ambiance était détendue. Emma était heureuse, et moi aussi, je crois. En tous cas je l’étais d’avoir résisté aux avances du balcon et de pouvoir vivre ce moment. Il avait fait les choses bien, comme il sait le faire. Commandé les cadeaux dont elle rêvait. Pris de quoi préparer les plats qu’elle préfère. Il avait même pensé aux bougies.
Il a ouvert la deuxième bouteille de champagne au moment où elle s’apprêtait à les souffler. Emma et moi avions à peine bu une demie coupe chacune. Il s’est resservi, a vidé son verre cul sec, avant de la contempler en silence. Quand j’ai surpris son regard, ce regard que je ne connais que trop, mon sang s’est glacé dans mes veines. Même dans mes pires cauchemars, je n’aurais jamais imaginé qu’il le poserait un jour sur notre fille.
- Quinze ans… mais c’est que tu es une femme, maintenant !
Ni l’une ni l’autre n’a relevé. J’ai ravalé ma nausée et fait diversion en réclamant moi aussi un fond de champagne pour lever un toast. Nous n’avons même pas osé en reparler tout à l’heure en faisant la vaisselle.
Ce soir je ne dors pas. Ce soir, je n’ai plus seulement peur pour moi. Ce soir, pour la première fois, j’ai peur pour Emma.
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