Chapitre 23 - 29 avril, Malibu
Shaina revint s’asseoir à la table et posa son portable à côté d’elle.
— C’était un détective du LAPD. Ils ont retrouvé Sam dans sa piscine. Morte.
— Pourquoi est-ce qu’ils veulent te parler ? demanda Ange.
— Je suis passée chez elle hier après-midi et la femme de ménage m’a vue. De plus, mon numéro est le dernier sur la liste des appels de son téléphone.
— Elle allait bien quand tu es repartie ?
— Oui tout à fait, bien sûr. Tu ne penses pas que…
— Non, non, je voulais dire, tu ne l’as pas sentie déprimée ou bizarre ?
— Juste un peu moins insouciante que d’habitude.
— Pourquoi voulait-elle te voir si vite ?
Brigitte intervint.
— Doucement Commissaire, tu es en vacances. Parole à la défense. Je ne connais pas toutes subtilités du système américain, mais je crois que tu peux refuser de répondre à chaud. Tu devrais contacter ton avocat.
— Brigitte a raison. Je vais appeler Stan, dit John.
Stanley Brass, conseiller juridique de John depuis le début de ses activités à la clinique, en était au 15e trou quand son portable vibra dans sa poche. Sa partie de golf dominicale était en temps normal une pause immuable mais il décrocha en reconnaissant l’origine de l’appel.
— John mon ami, tu dois avoir une sacrée bonne raison pour m’appeler un dimanche matin.
— Plutôt oui, Sam est morte et la police est en route pour interroger Shaina.
— Tu me donneras les détails plus tard, mais en attendant, tu ne leur ouvres pas la porte s'ils se présentent avant moi et Shaina ne leur parle pas. J’arrive tout de suite.
L’avocat s’excusa auprès de ses partenaires et quitta le green immédiatement. En revenant vers sa voiture, il lui revint en mémoire quelques soirées autour de la piscine de la propriété de Sam Page. De véritables bacchanales à vrai dire, où l’alcool et les femmes se conjuguaient pour le plus grand plaisir des invités des deux sexes. Stanley, célibataire farouche et plutôt bel homme, avait toujours tiré de grandes satisfactions de ces moments libertins. Lorsqu’il arriva à Malibu, John vint l’accueillir et le mena à la table où le petit groupe discutait de la conduite à tenir. Après les présentations, Shaina, profondément abattue, répéta à nouveau en détail ce qui s’était déroulé entre le moment où elle avait reçu l’appel de Sam, un peu après 15h, et son retour, une heure plus tard. La jeune femme avait cédé à la requête de son amie qui lui avait dit avoir des choses importantes à lui expliquer, mais pas au téléphone. Elle s’était donc rendue à Pacific Palisades. Sam l’attendait, visiblement stressée.
— Était-elle seule ? demanda Stan.
— Oui, enfin, non pas vraiment, Soledad, la bonne était encore présente quand je suis arrivée.
— Et de quoi voulait-elle te parler aussi mystérieusement ?
— Et bien, ce n’était pas très clair. C’était à propos du financement de la clinique. La société créée par le défunt mari de Sam, Pacific Page Inc, doit investir dans notre tour de table pour l’agrandissement du bâtiment. Sam voulait me dire qu’elle n’avait plus trop confiance dans son directeur général, Phil Blankart.
— C’est tout ? demanda Philippe.
— Elle n’avait pas plus d’informations, mais voulait m’avertir, c’est moi qui traite avec lui, me conseiller de me méfier.
— Tu aurais dû m’en parler en rentrant, intervînt John.
— Oui, je sais, mais nos amis étaient arrivés, je ne voyais pas d’urgence, et j’ai l’habitude de ces individus parfois un peu « border line », mais aujourd’hui Sam est morte.
Brigitte s’adressa à son confrère.
— Qu’en pensez-vous Stan, faut-il que Shaina expose cela aux policiers ?
— Non, pas à ce stade, voyons d’abord ce qu’ils ont. N’abattons pas nos cartes trop vite.
— Mais pourquoi cacher cela aux enquêteurs ? demanda Ange brusquement.
— S'ils ne trouvent rien d’autre, et si bien sûr la mort n’est pas accidentelle ou naturelle, le LAPD risque de créer des ennuis à Shaina, et mieux vaut garder nos atouts.
— Que faut-il faire alors ?
— Rien dans l’immédiat ou plutôt si, chercher un bon avocat pénaliste car ce n’est pas ma spécialité, répondît Stan.
— Si vous n’avez personne à proposer, je peux appeler mon associé, il a participé à beaucoup de conférences et il a un vaste réseau de contacts, suggéra Brigitte. Je dois pouvoir le joindre à cette heure-ci.
— On n’a rien à perdre de toute façon, dit Philippe.
Ange était boudeur, peu habitué à subir l’autorité des « bavards ». Julie, qui n’avait pas pris part à la conversation proposa de chercher des informations sur Pacific Page Inc. La jeune femme réconforta Shaina tendrement avant de s’éclipser vers la maison, en quête de Wifi pour connecter son ordinateur et de lancer les premières investigations. Elle excellait dans cette activité. Brigitte, comme convenu, s’était isolée pour joindre son ami et partenaire à Paris. Elle lui exposa brièvement la situation et il lui promis de la rappeler rapidement. Shaina quitta la table pour prendre une douche et se détendre en attente de la suite des événements. Stan proposa de rester jusqu’à l’arrivée des policiers. Les quatre hommes maintenant seuls, John proposa des bières pour tout le monde. Stan expliqua, à l’intention des français, les principales caractéristiques de système judiciaire américain, en particulier le principe sacré de l’habeas corpus, qui protège les citoyens des initiatives trop hâtives de la police.
Quelques minutes plus tard, Brigitte revînt sur la terrasse. Elle avait profité de son absence pour se changer et portait une tenue légère, adaptée à la température de cette belle journée. Elle avait à la main un petit papier qu’elle tendit à l’avocat.
— Voilà, Antonio Vargas, vous le connaissez ?
— Pas personnellement non, je ne fréquente pas trop les salles d’audiences, mais il a une excellente réputation. Il a fait mordre la poussière à plus d’un Attorney. Je vais le contacter immédiatement.
— Je crois qu’on va bien s’entendre alors, conclut Brigitte.
Julie fit également son retour, son ordinateur sous le bras.
— Je crois que j’ai trouvé un début de trace. Mais il faut maintenant remonter la piste. Je vais avoir besoin d’aide. Moi aussi, je dois appeler un ami.
Annotations
Versions