CHAPITRE 2.2 * VICTORIA

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V.R.S.de.SC

♪♫ L'AMOUR DE MA VIE - BILLIE EILISH ♪♫

James...

C’est fini depuis ce vocal qu’il m’a envoyé à 1h du matin. Sauf que ce n’était pas juste un vocal. C’était... une incroyable déclaration explosive qui m’a retourné le ventre, un incendie fulgurant qui a enflammé tous mes sens. Un avertissement aussi, parce que c’était le signe irréfutable qu’un vrai roman d’amour était sur le point de s’écrire entre nous. Il aurait tout aussi bien pu me dire “je t’aime” directement que l’effet aurait été le même. Son vocal était sans équivoque.

Il y avait “quelque chose qui avait changé” en lui. Il avait une “nouvelle à m’annoncer”. J’étais devenue “essentielle”. Il a parlé de mon “rire”, mon “sourire”. Il voulait “laisser le passé derrière lui”. Il avait “besoin” de croire en “nous”. Il a parlé de “décision”, de “vérité”, “d’avenir”.

Je me rappelle encore la stupeur avec laquelle j’ai accueilli ses paroles, la frustration de ne pas avoir été éveillée quand il m’a appelé. Parce que putain, je ne l’aurais jamais laissé s’en tirer comme ça.

Sa voix, si profonde et envoûtante, m’avait déjà fait chavirer bien des mois auparavant. Dans ce message, elle était chargée d’émotions non exprimées, d’une nuance si puissante qu’elle m’a totalement bouleversée. J’entendais sa respiration saccadée, comme s'il cherchait ses mots dans un tourbillon d’émotions incontrôlables. Traduire ses pensées en mots n’est pas toujours évident. Alors chaque pause et chaque souffle interrompu dans ce message semblait vouloir révéler l’intensité de ses sentiments. Ce n’était pas de l’hésitation, c’était de l’euphorie pure, une révélation de ce qu’il ressentait profondément. C’était un cri du cœur voilé, un mélange confus de vérité et de passion qui m’a laissée complètement désemparée. Dans ce message, il savait ce qu’il voulait et ce qu’il attendait de “nous”.

Ce matin-là, je suis restée pétrifiée, figée, pendant quelques minutes, les yeux rivés sur le plafond de ma chambre, ma tête bourrée de sentiments confus. “James” est le seul mot que j’ai réussi à articuler sous l’émotion. J’ai murmuré son nom comme une évidence. Parce que je l’avais dans la peau et aujourd’hui, il est toujours là, au fond.

J’ai ressenti l’urgence de le rappeler, le besoin d’avouer mes sentiments. J’étais à la fois désespérée de lui parler et excitée par la perspective d’un avenir à deux. J’aurais voulu qu’il soit là, face à moi, pour que je puisse me blottir dans ses bras, l’embrasser, lui dire et lui montrer combien nos désirs étaient en harmonie, combien je partageais cette même envie impérieuse d’être avec lui, de ne faire qu’un.

J’ai cliqué précipitamment sur la touche appel, mais il n’a pas répondu. Il était 7h du matin, il était sûrement endormi. Tant pis, m’étais-je dit, je lui parlerai ce soir. Je lui ai envoyé un texto, lui demandant de me rappeler. Des mots écrits ne pourraient à eux seuls être assez puissants pour exprimer tout ce que j’avais envie de lui dire.

Et après, je suis restée là, les doigts crispés sur mon téléphone, le cœur battant à tout rompre. Je me souviens que ce matin-là, je devais rejoindre Mati pour une réunion sur le prochain événement dans son club. Je me souviens que ce matin-là, mon monde tournait encore rond. Ce matin-là, mon monde tournait. Ce matin-là, j’avais un monde.

Mais ce silence... ce putain de silence, il m'a bouffé de l'intérieur. J’ai attendu toute la journée un signe de lui, une réponse, quelque chose qui viendrait apaiser cette tempête intérieure. Je me rassurais en me disant qu’il était occupé, qu’il attendait le bon moment, qu’il m’appellerait plus tard. Les minutes se sont transformées en heures, chaque seconde étirant mon anxiété comme un élastique prêt à rompre. Et pourtant, rien.

Ce jour-là, il n’y a eu aucun appel, aucun message. Pas un mot. Le jour suivant non plus.

J’ai réécouté ce maudit message en boucle, tentant de me convaincre que j’avais bien saisi son sens. La sensation était toujours la même. Le message était clair, trop clair pour être mal interprété. Il m’avouait ses sentiments, me promettait que notre histoire aurait un lendemain, qu’il était prêt à nous construire un avenir si je lui en donnais la chance. Chaque écoute me semblait une confirmation, mais aussi une torture.

Mon esprit oscillait entre le désespoir et la colère, entre la frustration de ne pas avoir pu lui dire ce que je ressentais et l’incompréhension face à son silence qui s’éternisait. Avait-il changé d’avis ? Et pourquoi ? Ça ne pouvait pas être un malentendu.

James ?

Voilà le message que je lui ai envoyé au bout de trois jours d’attente. Comme une putain de supplique à la con. Comme si, quelque part au fond de moi, j’espérais que, par un coup du sort, il n’avait pas reçu mon précédent message. Comme si un message marqué “lu” pouvait être comme une lettre égarée par la poste ! Il avait vu mon message, il ne m’avait pas répondu, il ne m’avait pas rappelé.

Pendant les trois jours suivant, j’étais tiraillée : anxieuse, puis énervée ; triste, puis excitée. Ma tête était une jungle ! Tout était sens dessus dessous. Un instant, je jouais avec mes ongles et me mordais les doigts, les sourcils froncés, les yeux dans le vague, soucieuse, la boule au ventre. Le suivant, la colère en moi explosait comme une éruption volcanique, un magma brûlant montant de ma poitrine et menaçant de tout engloutir. Et je jurais. Parfois, je me laissais porter par la mélancolie, je déposais un voile lugubre sur mon cœur, comme pour cacher ma déception et m’astreindre à ressentir. Je ravalais un hoquet, ou un sanglot, la tristesse me serrant la gorge. Et d’autres fois encore, je me souvenais vivement du corps de James sur le mien et l’excitation me saisissait comme un papillon battant des ailes dans mon ventre, chaque pensée de lui m’envoyant un frisson d'anticipation. Dans quelques heures, j’entendrais sa voix et je lui dirais. Dans quelques minutes, dans quelques…

Jamais.

Alors, j’ai décidé de prendre les choses en main. J’avais besoin de savoir, de comprendre : je l’ai appelé, trois fois.

Une fois le matin, en me réveillant, encore toute retournée et alanguie d’avoir rêvé de son corps sur le mien, de ses lèvres sur ma peau, de ses va-et-vient sensuel et exquis. Je me suis retrouvée submergée par un désir non satisfait et j’ai craqué. Pas de réponse. L’après-midi, en passant près du pont où nous nous étions embrassés pour la première fois, la nostalgie m’envahissant comme un écho lointain. Silence total. Et le soir, après avoir allumé une cigarette, espérant dissiper la peur qui me rongeait à petit feu. Rien que ce vide assourdissant qui me renvoyait à mon propre désespoir.

Sept jours. Il lui a fallu sept jours, une éternité pour mon âme en peine, pour enfin me délivrer de ma tourmente, ou plutôt pour m’y plonger totalement :

“Oublie ce que j'ai dit. Oublie-moi. Passez à autre chose. Bonne continuation.”

J’ai relu le message plusieurs fois. James Liam Cameron me souhaitait une bonne continuation. Les mots tournaient en boucle dans ma tête, chaque lecture enfonçant un peu plus la lame dans mon cœur, chaque syllabe résonnant comme un coup de marteau sur un clou, scellant définitivement la tombe dans laquelle j’étais en train de me précipiter.

Bonne continuation. Comme si on parlait d’une rupture de contrat.

Bonne continuation. Comme si tous les moments partagés, - les rires, les confidences murmurées, les étreintes où nos corps ne faisaient plus qu’un -, comme si tout ça n’était qu’une parenthèse insignifiante, une note en bas de page.

Ça aurait pu l’être, je suppose, et ça le serait resté, si son appel n’avait pas précédé son message. Si ce vocal laissé à 1h du matin, pendant que je dormais, n’avait pas existé...

J’ai senti la rage monter en moi, mêlée à une tristesse profonde et incommensurable. Comment pouvait-il être si détaché, si froid ? Comment avait-il pu me laisser croire qu’il y avait quelque chose de réel entre nous pour ensuite tout balayer d’un revers de la main, avec un foutu texto ?

Cette fois, il n’y avait aucune ambiguïté : c’était un point final.

Ce simple message m’a tellement bouleversée que j’ai quitté la salle de classe en plein cours de méthodologie de projet, sans un mot, le cœur battant à tout rompre. J’ai couru jusqu’aux toilettes les plus proches, où j’ai vomi toutes mes tripes. C’était comme si chaque mot de son message avait empoisonné mon corps, me vidant de toute énergie, de tout espoir.

Je suis rentrée directement chez moi en larmes et, conduire en pleurant est une très mauvaise idée. Je me suis effondrée sur mon lit, le téléphone toujours agrippé comme une bouée de sauvetage, bien qu’il soit devenu le poids qui me tirait vers le fond. J’étais incapable de trouver un sens à tout ça. Je voulais hurler, pleurer, frapper quelque chose, n’importe quoi pour évacuer cette douleur lancinante. Mais tout ce que je pouvais faire, c’était rester là, immobile, à contempler l’écran de mon téléphone, espérant un miracle, un deuxième message, une explication.

Il m’a fallu une semaine pour intérioriser ma colère et digérer ma douleur, une deuxième pour me laisser aller au chagrin, une troisième pour tenter de reconstruire un semblant de normalité. Pour revoir mes amis, sortir, faire la fête, me saouler et même, finir par coucher avec quelqu’un d’autre.

Mati. C’est lui qui m’a ramassée à la petite cuillère, qui m’a écoutée divaguer sur James jusqu’aux petites heures du matin, qui m’a laissé pleurer sur son épaule sans poser de questions. Et cette nuit-là, quand je ne pouvais plus supporter le poids du silence de James, c’est lui qui m’a aidée à oublier. Et après, après, je l’ai laissé Mati prendre mon corps, intensément, sauvagement, brutalement, jusqu’au petit matin, pour oublier le goût de James dans ma bouche, l’odeur de sa peau, son regard si intense, ses mains si dures et douces à la fois, son rire, son sourire. J’avais désespérément besoin de ressentir autre chose, de noyer cette douleur sous une autre forme de plaisir, aussi fugace soit-il.

Mati a mis un pansement sur mes blessures, même si ma peau en dessous était encore à vif, que la cicatrice était encore béante. Ce n’était pas de l’amour, c’était un exutoire. Mati savait que je n’avais plus la force de donner quoi que ce soit en retour, mais il m’a donné ce dont j’avais besoin pour me relever, pour me rappeler que je pouvais encore ressentir quelque chose de bon, même au milieu de tout ce chaos émotionnel.

Parce que, pour James, je n’étais plus rien.

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