CHAPITRE 4.2 * JAMES
J.L.C
♪♫ FALLING — TREVOR DANIEL ♪♫
Je dois lui parler. Mais, il me faut un plan. Je ne peux pas juste débarquer devant elle et lui balancer : “Salut, tu me détestes probablement, mais me revoilà !”. Putain, non, c’est à elle de décider si elle veut me reparler ou non. Je dois lui faire comprendre que je suis là, sans pour autant la mettre dans une position inconfortable. Je dois être subtil. Peut-être que je pourrais passer près d’elle sans être trop évident, ou créer une situation où elle pourrait me remarquer naturellement. Me mettre à danser sur une des estrades par exemple ? Je secoue la tête. J’ai dit subtil, pas gênant. Le but est qu'elle sente ma présence sans être acculée. Je vais devoir jouer la carte de la discrétion. Si elle ne veut pas me voir, il ne faudra pas insister, je devrai respecter son choix. Sinon, je pourrai toujours aller me faire cuire un œuf – c’est ça l’expression non ? — ou me tirer une balle, pour ce que ça vaut.
Fort de ma décision, je sors des toilettes pour hommes, m’arrête au niveau du bar, et demande au barman s’il est possible de faire monter une bouteille de whisky - la meilleure qu’ils aient -, à la loge VIP. Pour justifier ma demande, je précise que j’aie cru comprendre que c’était un anniversaire et que ça me ferait plaisir d’offrir un petit cadeau. Le barman a l’air surpris, mais il accepte.
— “Je suis sûr que Vic va apprécier”, me lance-t-il avec un sourire.
Il attend que je réponde quelque chose.
— “Merci, mec, moi aussi, j'apprécie”, lui rétorquè-je avec un sourire forcé, cherchant à masquer mon stress.
En réfléchissant à la meilleure façon d’aborder la suite, je demande au barman s’il est possible d’ajouter une note à la bouteille. Après un bref moment de flottement, il attrape de quoi noter dans un tiroir derrière lui. Je prends la carte blanche et le stylo qu’il me tend avec une hésitation palpable, sachant que chaque mot que je choisis doit être pesé et mesuré. Mais c’est un exercice pas si évident quand il s’agit d’une langue que l’on ne maitrise pas à la perfection. J'écris donc lentement, essaye de capter l'équilibre délicat entre l'amical et l’intrusif. Mon esprit tourne en boucle. Il faut que je trouve les mots justes, qui ne trahiraient pas l'ampleur de ce que je ressens et suffisamment vague pour ne pas paraître trop direct. Je glisse un compliment subtil, quoique les mots sonnent comme une putain de déclaration. Je veux qu’elle sache que je n’ai pas arrêté de penser à elle.
“Joyeux Anniversaire. J’espère que cette soirée sera aussi mémorable que toi. Profite bien.
Pas de Lochranach ici, alors j’ai commandé du Kilchoman !”
La mention du Lochranach est sans équivoque. Elle saura.
Je donne la carte au barman et le remercie poliment. Puis, je retourne à notre table. Ma sœur et Antoine sont toujours assis en train de se peloter. Antoine et la danse, c'est pas trop ça. Le couple d’amis de ma sœur a disparu. Je l’interroge du regard.
— “Ils sont sortis faire un tour”, me dit-elle. “Et toi, t’étais passé où ?
Je m’assois et me sers un verre... d'eau, cette fois-ci. Je préfère éviter l'alcool pour le moment, histoire de garder la tête froide.
Comme je n’ai pas répondu, ma sœur me lance un regard suspicieux. Je ricane intérieurement. Je préfère ne pas entrer dans les détails avec elle. Je ne sais pas ce qu’elle manigance et elle ne paie rien pour attendre.
— “Tu sembles un peu nerveux, non ?” me questionne-t-elle en inclinant légèrement la tête, l’air curieux.
En guise de réponse, je lève mon verre et bois une gorgée.
— “Peut-être juste un peu.”
Je suis sincère. Antoine se penche en avant, un sourire moqueur sur les lèvres :
— “Sérieusement, de l’eau mec ?”
Je hausse les épaules en feignant l’indifférence.
— “Je ne sais pas de quoi tu parles.”
Ma sœur et lui échangent un regard amusé, puis Antoine me questionne, l'air de rien :
— “Tu le trouves comment ce club ? Je me suis demandé si on ne tenterait pas une négociation.”
Ma sœur lève les yeux au ciel, l’air de dire : “Encore le boulot ?”. Mais j’accueille ce changement de sujet avec soulagement. Parler business est une distraction bienvenue. J’ai bien envie de me concentrer sur autre chose que mon attente fébrile. Je dénoue les muscles de mon cou et je réponds :
— “Ça pourrait être intéressant. Qu’est-ce que tu sais sur le propriétaire ?
Antoine fronce les sourcils en réfléchissant.
— “Je ne le connais pas personnellement, je doute de l'avoir même déjà croisé, mais je peux aller me renseigner. Son club cartonne depuis l'été dernier”. Il ajoute : “J’ai vu qu’ils ont du Kilchoman et du Maccallan, côté whisky, ainsi que d’autres marques bas-de-gamme.”
J’avais remarqué aussi. Je hoche la tête, il continue :
— “Par contre, sur la carte, j’ai noté pas mal de bières artisanales, quelques crus intéressants et les champagnes ont été savamment sélectionnés. Il y a matière à.”
Je suis du même avis. Je prends un moment pour observer le club. Il semble effectivement avoir un bon potentiel pour un partenariat. Antoine et moi sommes extrêmement sélectifs quant aux lieux que nous choisissons pour mettre en avant notre marque.
D’abord, l’organisation du lieu est impeccable, son esthétique également. Les locaux bien entretenus. Les professionnels attentifs et courtois, ce qui reflète un service de qualité. L’ambiance du club correspond exactement ce que nous recherchons pour une clientèle qui apprécierait nos produits. À la fois, moderne et branchée, élégante et conviviale. Les clients paraissent réceptifs aux produits haut de gamme, comme en témoignent les bouteilles visibles sur les tables alentour, et l’environnement correspond parfaitement à l’image que nous voulons projeter. La sécurité est bien en place. Je l’ai remarquée dès mon arrivée : les agents sont professionnels et discrets, ce qui crée une atmosphère de confort tout en assurant une bonne gestion des foules. Non pas que ce point soit crucial dans nos choix, mais un gérant qui veille à ce que la sécurité, soit une priorité montre qu’il gère son établissement avec sérieux et souci du détail.
J’en suis là dans mes réflexions lorsque j’aperçois un serveur monter les escaliers avec la bouteille de whisky. Dans quelques minutes, Victoria lira ma carte. Ou pas. Je n’en sais rien et ça me tue. Je me lève dans un élan non contrôlé et fais un pas dans la salle. Je sens le regard de ma sœur dans mon dos. Je m’en fous. Elle sait très bien pourquoi. Elle sait très bien qui je cherche ! Putain de merde.
Victoria…
Je soupire profondément, mes pensées s’embrouillant de plus en plus.
Mais qu’est-ce qui m’a pris ?
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