CHAPITRE 5.2 * JAMES
J.L.C
♪♫ SKINNY LOVE - BON IVER ♪♫
Mon cœur bat à tout rompre. Est-ce qu’elle voudra me parler ? Comment va-t-elle réagir ? Ma sœur me rejoint soudainement, posant une main rassurante sur mon épaule.
— “Tu ne peux pas continuer comme ça”, me dit-elle. “Si tu veux absolument lui parler, fais-le. Sinon, laisse-la tranquille et continue ta soirée.”
Elle a raison, je le sais. Je prends une profonde inspiration, mais l'air saturé du club, mêlé de chaleur, de parfums et d'alcool, devient soudainement oppressant. L'atmosphère, pourtant festive, semble maintenant peser sur mes épaules. Je lève les yeux vers la loge VIP.
Putain, comment vais-je pouvoir lui faire comprendre l’incompréhensible ? Je sens mon estomac se nouer à cette pensée. Tout ce que j’ai fait pour essayer de l’oublier, pour fuir mes sentiments, n’a fait qu’empirer la situation. J’ai foutu en l’air toute chance entre nous en m’enfonçant dans le mensonge et la débauche.
Je repense à ces nuits où, dans une tentative désespérée de la chasser de mon esprit, j'ai cherché l'oubli entre les cuisses d’autres femmes sans parvenir à me la sortir de la peau. Même en baisant, c’était elle que je voyais, c’était elle que je voulais. Mon Dieu… Comment pourrais-je lui expliquer ça ? Comment lui avouer que, pendant que je prétendais ne plus avoir besoin d’elle, je prenais conscience de l’aimer plus que jamais ?
Je me dégoûte... et maintenant, je regrette mon geste. Lui envoyer une carte ? Quel sale égoïste je fais ! Je me demande si c'était vraiment la meilleure façon de lui faire savoir que j'étais là, à quelques mètres, attendant désespérément un signe, une réponse, n'importe quoi. Mais, merde ! Je suis déchiré entre le désir brutal de tout recommencer, de lui demander une seconde chance que je ne mérite pas et la réalité que Victoria mérite bien mieux que mes putains d’excuses creuses.
Mes yeux ne quittent pas la mezzanine de verre. Je guette le moindre mouvement, une hésitation, quelque chose qui me dirait que Victoria m’a vu, qu’elle a compris le message. Et si elle ne fait rien ? Et si elle décide que je n’en vaux plus la peine, c’est bien ce que je mérite, non ? Mais je ne peux pas m’empêcher d’espérer. Parce que, malgré toute la merde que j’ai foutue, je l’aime. Ça me tue de penser qu’il est peut-être trop tard. Est-ce que je suis prêt à affronter la vérité, à me mettre à nu devant elle, à risquer de la perdre à jamais ? Mon Dieu, je n’ai jamais été aussi paumé de ma vie. Elle a le droit à la vérité, à la transparence, et surtout, à quelqu’un qui ne la trahira jamais, comme je l’ai fait. Putain de dilemme : si je lui dis tout, je m’expose à la perdre — ce qui serait parfaitement légitime —, et si je lui cache, ce secret pourrira notre relation et empoisonnera tout ce que nous pourrions reconstruire.
Comment rétablir une relation sur des ruines que j’ai moi-même créées ? Comment regagner sa confiance quand j’ai trahi la mienne ? Je serre les poings, sentant le poids de mes erreurs peser sur ma poitrine. L’envie de la revoir, de sentir à nouveau ce lien entre nous est écrasante. Mais je sais aussi que ce n’est pas suffisant.
Ce que j’ai fait… c’est impardonnable. C’est facile de me dire que je l’aime et de penser que ça pourrait suffire. Mais l’amour, ce n’est pas suffisant quand on a merdé à ce point. Elle mérite tellement plus qu’un gars qui l’a trompée, trahie, ignorée jusqu’à ces messages, ses appels, alors que tout ce qu’elle voulait, c'était comprendre mon silence.
Et si elle avait déjà tourné la page ? Si, pour elle, je n’étais plus qu’un mauvais souvenir, un chapitre qu’elle a refermé sans jamais vouloir le rouvrir ? Peut-être qu’elle a réussi à m’oublier, à se reconstruire, à se convaincre que ce que nous avions n’était qu’une erreur, une illusion. L’idée qu’elle ait pu passer à autre chose me tord les tripes. Peut-être qu’elle a trouvé quelqu’un d’autre, quelqu’un de mieux, quelqu’un qui ne l’a jamais laissée tomber. Peut-être qu’elle est heureuse maintenant et que je suis en train de me torturer pour rien.
Non, ce ne sera pas rien. Elle est tout ce que je désire, tout ce que je veux pour mon avenir, elle est…putain de merde, j’ai envie de foutre mon poing dans un mur tellement j’enrage !
Victoria est l’unique personne qui donne un sens à ce bordel dans ma tête. Je ne peux pas simplement me contenter de la regarder de loin et imaginer qu’elle soit avec un autre, que quelqu’un d’autre la prenne dans ses bras, lui fasse l’amour, qu’il ait le droit de la rendre heureuse, de la voir sourire chaque matin. Cette pensée me ronge, m’étouffe. La réalité, c’est que je ne pourrai jamais passer à autre chose tant que je n’aurai pas essayé, tant que je n’aurai pas mis cartes sur table et pris le risque de tout perdre pour peut-être, enfin, regagner ce que j’ai bêtement laissé filer.
— "James ! Autant la plupart du temps, je te conseille de réfléchir avant d’agir, autant là, si tu ne réagis pas, tu vas le regretter toute ta vie, tu le sais ?" m’assène-t-elle.
Ma sœur me contourne pour se placer devant moi, mais je ne fais plus attention à elle.
— “James ?”, m’appelle-t-elle encore, mais je ne l’entends plus.
Là-haut dans la loge, Victoria apparait, ma carte à la main, ses cheveux détachés et désordonnés, comme si elle venait de les avoir écartés d'un geste brusque. Elle a l'air paniquée mais ses yeux scrutent la salle d’un œil inquisiteur. Merde, merde, merde. Ça va mal se passer ! Je fais un pas en arrière.
Elle se met à descendre les marches à toute allure, tellement vite que j’ai peur qu’elle ne trébuche ou se fasse mal. Son visage est tendu, ses cheveux collent légèrement à son front, et chaque geste trahit une nervosité incontrôlable. Puis, au milieu de l'escalier, elle s'arrête brusquement, comme prise d’un doute. Elle jette un coup d’œil en bas, puis fait demi-tour, remontant les marches avec une énergie tout aussi précipitée, avant de disparaître à nouveau dans la loge.
Pendant quelques secondes, je reste figé, la scène tournant en boucle dans ma tête. Ma sœur, à mes côtés, brise ce moment de silence oppressant.
— “Tu comptes vraiment la laisser partir comme ça ?”
Je la regarde, mais mes mots restent coincés. Elle a raison. J’en ai conscience. Mais mes jambes refusent de bouger.
— “Jamie ?”, répète-t-elle avec plus d’insistance.
Je sens son regard perçant peser sur moi. Mais avant que je ne réponde, je détourne les yeux vers la loge. Victoria n'est toujours pas réapparue. Le stress me gagne, je prends une profonde inspiration. Mon cœur bat à tout rompre, partagé entre l’envie de la rejoindre et celle de prendre la fuite.
— J'ai besoin d'un verre, dis-je finalement, dans un murmure.
Je me retourne lentement pour attraper un verre de whisky, le liquide brûlant tentant de dissiper l'angoisse qui monte en moi. Quelques instants passent. Quand je me retourne enfin vers l’étage, Victoria réapparaît à la rambarde. Cette fois, ses cheveux sont attachés en un chignon lâche, et elle semble avoir retrouvé une certaine contenance. Cette fois-ci, ses yeux finissent par me voir... Je sens mon cœur manquer un battement, comme si le temps lui-même s'était arrêté. Nos regards se verrouillent et tout le reste s'efface. La musique, les lumières, les conversations bruyantes autour de moi, tout devient flou, secondaire. Il n'y a plus que Victoria et moi dans cet instant suspendu.
Je vois la surprise se peindre sur ses traits, puis quelque chose d'autre. Elle sourit. Est-ce de la joie ? Merde, je n'arrive pas à savoir. Tout ce que je sais, c'est que je suis en train de vivre le moment le plus intense et le plus terrifiant de ma vie. Merde, merde, merde. C'est tout ce qui résonne dans ma tête. J’ai envie de courir vers elle, de lui dire tout ce que j’ai sur le cœur, de m'excuser pour chaque putain de chose que j'ai fait de travers. Mais je reste planté là, incapable de bouger, comme si mes pieds étaient cloués au sol.
Mon cœur s’affole alors que la réalité m’assaille : agir est impératif, mais la peur de tout compromettre m'immobilise. La seule certitude, c’est que rien ne sera jamais plus comme avant, et que ce moment, aussi déchirant soit-il, pourrait bien être la clé pour tout changer.
Annotations