CHAPITRE 5.3 * VICTORIA

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V.R.S.de.SC

♪♫ GONE — NF et JULIA MICHAELS ♪♫

— “James.

Son nom s’échappe dans un murmure douloureux. Ce n’est pas possible. Le temps s’arrête autour de moi. Mon cœur manque un battement. Il me dévore des yeux, il m'électrise. Et pourtant, au moment où nos regards se croisent, avant même que je puisse analyser ce qui se passe dans ma tête, mon corps réagit : une vague de joie m’envahit. Cette émotion, si pure et spontanée, émerge du plus profond de ma chair, sans prévenir. C'est comme si chaque fibre de mon être se souvenait de ce que c'était d'être près de lui, avec lui, d'entendre sa voix, de sentir sa présence. Et dans cette fraction de seconde, je ne peux pas m'empêcher de sourire.

La joie, après tout, est une émotion primaire, une réaction innée que nous ne pouvons ni prévoir, ni contrôler. C’est un pur éclat de lumière qui surgit sans que l'on puisse le modérer, une vérité intérieure qui éclate à la surface, impossible à refouler. C’est ce qui me frappe en premier, ce sentiment brut et sincère qui ne laisse aucune place aux doutes ou aux questions. Ce que je vis à cet instant n'est pas filtré par la raison, par les souvenirs ou par les craintes. Non, c'est une réponse viscérale, presque machinale, comme un réflexe qui trahit mes véritables sentiments avant même que je ne les comprenne.

Mais cette joie n’est que l’étincelle. Derrière elle se cache une émotion plus profonde, plus complexe : l'amour. Je ne dis pas que j'aime James. Je ne crois pas que j'aime James. Ce que je ressens en cet instant, c’est un mélange d'attraction, de désir, de souvenirs encore vivaces. Tomber amoureux, c'est être captivé par quelqu'un, sentir son cœur s'emballer. Désirer, c'est brûler de le retrouver, vouloir être à ses côtés. Mais aimer...

Aimer, c’est autre chose. Aimer, c'est différent. L'amour se construit, se réfléchit, se ressent profondément. L'amour nécessite du temps, de l'engagement, et il peut être aussi douloureux qu'il est magnifique. Contrairement à la joie, l'amour n’arrive pas de nulle part. Il se nourrit des moments partagés, des épreuves surmontées, des promesses faites. L'amour est un sentiment qui grandit en nous, qui demande à être nourri et protégé.

Alors que je sens mon cœur s'accélérer, je réalise combien il est difficile de réconcilier cette émotion vive, immédiate, avec les sentiments plus profonds et plus nuancés qui me lient à lui. Mais ce que je vis maintenant, dans l'instant, c'est cette joie irrépressible, cette chaleur qui monte en moi.

Je serre la carte dans ma main, mes doigts tremblent légèrement. La foule autour de lui semble s’effacer. Je fais un pas en avant, puis un autre, comme si mes pieds savaient exactement où aller. Je le vois, là, en bas, perdu dans la foule. Une partie de moi hésite, se demande si je ne suis pas en train de me faire des illusions. Peut-être est-ce simplement une chimère, un mirage dans cette soirée tumultueuse. Mais non, chaque pas me rapproche de lui, chaque mouvement confirme sa présence réelle. Mes pensées s’embrouillent, et pourtant, une seule vérité se fait jour : je veux savoir.

En haut des escaliers, je m’arrête. James reste immobile et il est trop loin pour que je puisse voir ce qui se passe dans ses yeux. Mais son corps est tendu, son torse ne bouge pas, comme s’il avait arrêté de respirer. La rigidité de sa posture contraste avec l’agitation environnante et accentue son apparence presque statique. Il se tient droit, bien campé sur ses deux jambes, comme un roc. Mon roc ? Sa main droite ou peut-être la gauche — gauche, droite, j’ai toujours eu du mal à faire spontanément la différence — enfoncée dans la poche de son pantalon noir, l'autre libre le long de son corps.

Il est absolument magnifique.

Il porte une chemise claire, les lumières clignotantes rendant difficile d’identifier la couleur exacte. Son col est légèrement ouvert, laissant entrevoir une partie de son cou et de son torse. Ses manches sont retroussés jusqu’aux coudes — comme à son habitude. C’est curieux, parce que je fais exactement la même chose avec mes vestes, mes pulls, mes chemises… J’aperçois la naissance de son tatouage sur le bras droit, un mélange élégant de motifs géométriques et de formes florales stylisées que j’ai parcouru centimètre par centimètre avec mes doigts, ma bouche, ma langue.

Ses cheveux mi-courts, d’un brun clair tirant sur le roux, sont légèrement ébouriffés, comme s’il avait passé ses doigts dedans à plusieurs reprises, ajoutant une touche de désinvolture à son allure élégante. L'éclairage du club crée des jeux d'ombres sur son visage, accentuant les contours de sa mâchoire et de ses pommettes. Ses épaules sont légèrement voûtées, comme si le poids de la situation pesait lourdement sur lui. Il semble presque absorbé dans ses propres pensées.

Il ne sourit pas. “J’adore son sourire”, je pense.

Est-ce qu’il croit que je vais l’ignorer ? Que je vais tourner les talons et partir ? Est-ce ce que j’ai envie de faire ? Mon Dieu, non...

Soudain, je m’arrache à sa contemplation pour me rendre compte de l’agitation autour de moi. Les corps se remettent à bouger, la musique bourdonne à nouveau à mes oreilles, le bruit est saisissant. Je réalise maintenant que j’avais été complètement plongée dans une bulle de silence, isolée de l'exaltation du club. Je secoue la tête et me ressaisis. Je cherche des réponses, pas des questions. Je ne vais pas rester planter là à me demander ce qu’il fabrique ici ? Je vais lui demander directement, bon sang ! Ça fait des semaines que je rêve de le voir pour le confronter ! Pour lui balancer ma douleur à la figure, pour lui faire cracher des explications, pour lui enfoncer mes poings dans les côtes si l’envie m’en prend !

Je dévale l’escalier, déterminée. Quelqu’un m’appelle derrière moi, je l’ignore. Je m'avance résolument, mes pas deviennent plus assurés à chaque seconde. Les gens dansent autour de moi, me bouscule, leurs visages se fondent en une mosaïque floue, mais je ne vois qu’une personne, droit devant.

James.

Je fonce sur lui sans le quitter des yeux. La colère et la confusion se mélangent en moi, transformant chaque pas en une affirmation de ma volonté. Je suis prête à affronter ce qu’il a à dire, à comprendre pourquoi il est là après tout ce temps, à mettre des mots sur les blessures qu'il a laissées derrière lui.

— “Mais qu’est-ce que tu fous là, James ?"

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