CHAPITRE 5.4 * JAMES
J.L.C
♪♫ LET HER GO — PASSENGER ♪♫
Entendre mon prénom dans sa bouche me tord l’estomac et m’envoie une putain de décharge électrique dans les veines. Les souvenirs affluent, des moments de bonheur, de passion, de douleur, de confusion.
“Qu’est-ce que je fais ici”, me demande-t-elle.
Ici ? Sur cette piste de danse ? Je la contemple, la femme la plus extraordinaire et la plus bandante que j’ai jamais rencontré de toute ma vie et je suis là, la queue entre les jambes, comme un putain de chien abattu.
Ici ? Dans ce club ? Bordel, je n'en sais foutrement rien.
Ici ? Dans cette ville ? Je cherche à nous construire un avenir.
Cette dernière pensée me percute avec force. Le poids de la décision que j’ai prise, de l'avenir que je tente de reconstruire, me renvoie à mes propres contradictions. J’ai agi dans la précipitation, j’ai laissé les choses dégénérer. La vérité, c’est que je ne savais pas comment gérer mes émotions, comment affronter mes propres démons. Et maintenant, je suis là, face à elle, sans savoir comment réagir.
Les mots restent coincés dans ma gorge. Je suis comme paralysé, piégé entre ce que je ressens et ce que je devrais dire. Elle ne me laisse pas le temps de répondre quoi que ce soir et enchaîne :
— “Pourquoi ?
Sa voix tremble légèrement, mais elle est pleine de hardiessehardiesse. J’ouvre la bouche, mais elle m’interrompt encore.
— “Pourquoi aujourd’hui ? Le jour de mon anniversaire ?” Elle ricane légèrement, mais sa voix est teintée de désespoir. “Sérieusement ! Tu crois que tu peux juste revenir comme ça ?”
Je suis pris de court. Le timing de ma tentative de réconciliation est une mauvaise blague du destin. La colère qu’elle garde en elle me détruit. J’en suis responsable. Je me déteste. Je baisse la tête et j’inspire profondément. Quand je relève la tête, elle me regarde avec une intensité qui me transperce, comme si elle pouvait lire à travers mes excuses. Elle veut des réponses. Mais comme un con, je lui dis bêtement :
— “Victoria, je suis désolé”.
Mais putain ! C’est tout ce que je trouve à dire ? Merde ! J’ai l’impression que chaque mot est insuffisant, minable. Si elle me hurle dessus, je la laisserai faire. Si elle me jette un verre à la gueule, je l’accepterai sans broncher. Si elle veut m’en coller une, je l’ai mérité.
Chacune de mes pensées se heurtent à un mur de culpabilité et de honte. Les mots se bousculent dans ma tête, mais aucun ne sort correctement. Je voudrais tout lui dire, tout lui expliquer, mais, non… Elle soutient mon regard, la tête haute. Ses bras tombent le long de son corps, ses poings se serrent, traduisant une colère à peine contenue. Je vois la lutte intérieure sur son visage, chaque muscle tendu comme une corde prête à céder.
— “Désolé ? Je me fous de tes excuses, James !”
Sa voix claque, et je ressens sa blessure dans chaque syllabe. C'est comme si ses mots étaient des balles tirées droit dans le cœur de ma culpabilité. Elle est blessée, profondément, et chaque mot, chaque regard trahit le chagrin et l’incompréhension qu’elle ressent. Je sais que je dois lui dire à quel point je regrette, combien je suis désolé, combien il me tue de la voir ainsi, dévastée. Mais je ne suis qu’un putain d’idiot, incapable de formuler les bons mots au moment crucial. Alors, je m’accroche à la seule vérité constante que je peux lui offrir, une confession qu’elle n’a probablement pas envie d’entendre.
— “Tu m’as manqué”, dis-je faiblement, tellement, que je me demande même si mes mots ont réellement franchi mes lèvres.
Elle me manque ! Oh oui, plus que tout. Parce que pour moi le manque, c’est plus qu’une absence physique, c’est un vide émotionnel, c’est le sentiment d’être incomplet, comme si une partie essentielle de nous-même nous a été arraché. C’est une fissure qu’il faut colmater, une plaie qu’il faut suturer, un fil qu’il faut renouer. Le manque de Victoria me ronge de l’intérieur et consume lentement aussi bien mon cœur que mon esprit.
Elle tressaille et recule vivement comme si mes mots l’avaient frappée en plein cœur. Ses yeux s’embuent, et putain, je supplie intérieurement qu’elle ne pleure pas. Je ne l’ai jamais vu pleurer et, dieu m’en garde, que je ne la vois jamais pleurer par ma faute ! L’affliction dans son regard est poignante et je vois qu’elle se mord la lèvre, luttant contre les larmes qui montent, au bord de l’effondrement. Je pressens aisément la réplique cinglante qu’elle ne va pas manquer de me lancer.
— “Dis-le.”
— “Va te foutre, James”, me lance-t-elle.
Sa voix est pleine de douleur et de colère, et chaque mot est comme un coup de poignard. Elle me rejette. Et elle s’en va.
Elle s’en va, putain ! Mon instinct me hurle de la suivre, de la rattraper et de la serrer contre moi. Mon cœur se déchire, chaque battement me rappelant la gravité de ce que je viens de perdre. Mon cerveau, lui, m’envoie un signal d’alerte. Elle a choisi. Je suis paralysé, incapable de bouger alors que je la vois s’éloigner. Ses pas sont déterminés, son dos se détourne de moi, et la foule qui l’entoure semble se refermer comme un mur impénétrable. Les bruits du club m’assaillent de nouveau, la musique, les voix, les rires… tout devient une cacophonie lointaine comparée à la clarté de sa décision. Mon cœur crie pour elle, mais ma voix reste prisonnière de ma gorge. La voir partir est comme un gouffre béant qui s’ouvre sous mes pieds, m’aspirant dans ses profondeurs. Je me demande si c’est définitivement trop tard, si toutes les chances de la reconquérir ont disparu avec son départ. Mon Dieu, pas ça...
Ses derniers mots n’étaient pas simplement une injonction, mais une déchirure. Elle les a prononcés en réprimant un sanglot. Elle n’a pas crié, elle a juste laissé ces quatre mots franchir ses lèvres avec une vulnérabilité poignante. Je la suis du regard. Elle arrive en bas des marches. Un type l’attrape par le bras et lui parle. Elle secoue la tête et se retourne vers moi. Putain de merde, je vois les larmes dans ses yeux !
Le type suit son regard et me fixe, l’air sévère. Victoria remonte déjà les escaliers, presque au pas de course, sans un regard en arrière. Mais au lieu de se diriger vers son groupe d’amis dans la loge VIP, elle s’engouffre dans le couloir et disparaît de ma vue.
Je reste planté là, partagé entre l’envie de courir après elle et la nécessité de respecter son choix. Mon cœur bat à tout rompre, chaque pulsation me rappelant la réalité de ce que je viens de perdre. Je serre les poings, essayant de canaliser ma frustration, mon regret, ma souffrance.
— "Tu as essayé", j’entends soudain.
J’avais oublié que ma sœur se tenait près de moi tout du long. J’avais oublié que j’étais dans ce foutu club. Oublier la foule, la musique, le bruit. Je m’extirpe de ma torpeur et la regarde. Son visage est empreint de compassion. Isla n’ajoute rien, mais sa présence suffit à m'ancrer dans le moment présent. Je soupire profondément, cherchant à retrouver un semblant de calme. Les mots de ma sœur résonnent dans ma tête comme une vérité douloureuse. Certaines blessures laissent des cicatrices indélébiles. Victoria est la plus profonde de toutes à présent.
Le type à qui Victoria a parlé fend la foule et marche droit sur nous. Quand il arrive à notre hauteur, il me toise de la tête au pied. Son regard reste impassible.
— “Va la voir, elle est sur le rooftop, en haut des escaliers, la porte du fond à gauche”, dit-il d’un ton ferme, presque autoritaire.
Je cligne des yeux, dérouté. Bordel, mais c’est qui ce type ? J’ai une étrange impression de déjà-vu. Je fouille ma mémoire, cherchant un lien avec ce visage. Putain, je l’ai ! Sur une des photos Instagram de Victoria.
Il est face à l’objectif, tandis qu’elle est de dos, blottie contre lui. Elle porte une robe noire avec un décolleté dos nu, et ses cheveux sont tirés sur un côté, dévoilant une épaule nue d’une sensualité presque cinématographique. Il la couve d’un regard possessif charnel alors qu’il émane de Victoria une sorte de fragilité dû à son expression dissimulée. L’ambiance de la photo est à la fois mélancolique et sexy. La légende disait : “I will survive”. Putain d’ironie ! C’est la chanson qu’elle a chantée tout à l’heure ! Je me rappelle la colère que j’avais ressentis en voyant cette photo. “Sale de bâtard de merde, c’est donc avec toi qu’elle m’oublie !”, m’étais-je martelé. J’avais envoyé mon point dans le mur juste après et j’étais sorti me trouver une fille à baiser. Comme un putain de queutard de merde !
Merde, rien à foutre de ce type. Je lui lance un regard mauvais :
— “Elle ne veut pas me voir”, je rétorque, la voix teintée d'une amertume que je ne peux plus dissimuler.
Le type se tient devant moi avec une posture inflexible. Son regard est glacé, dépourvu de la moindre émotion. Et quand il me parle à nouveau, son ton est sec, chaque mot prononcé avec une froideur déconcertante, comme s'il m'adressait un ultimatum.
— “Écoute, soit tu montes la rejoindre tout de suite, soit je t’envoie mon point dans la gueule pour la peine. Choisis. Mais choisis bien.”
Putain de merde, ce mec semble vraiment prêt à en découdre. Mais peu importe, il n’y a qu’une seule chose qui compte à mes yeux : Victoria. Je sais que je dois agir rapidement. Je me détourne brusquement, prêt à foncer vers les escaliers. Mais, quand je passe à sa hauteur, le type me barre le passage avec son épaule. Je le fixe la mâchoire crispée.
— “C’est un diamant”, me dit-il calmement.
Mon esprit est en ébullition, cherchant à comprendre pourquoi ce gars semble si investi envers Victoria.
- “Je le sais très bien”, je réplique en serrant les dents.
J’en suis même foutrement conscient, je n’ajoute pas.
— “Les diamants rayent, mais ne se brisent pas”, précise-t-il, son regard me transperçant.
Ses mots m’ébranlent profondément, résonnant dans mon esprit avec une clarté brutale. La vérité derrière ses paroles est bouleversante. Je suis à bout de nerfs, mais je m’efforce de ne pas céder.
— "Garde tes leçons de vie”, je rétorque d'un ton acide.
— “Ah, c’est vrai, tu es le grand expert de la situation”, me balance le type l’air faussement étonné.
Et merde ! Je reste de marbre, mais sous la surface. Je frémis de rage. Pourquoi ce connard se mêle de ma vie comme ça ?! Il continue à me fixer avec une arrogance tranquille et un sourire en coin, qui ma parole, va finir par me faire vriller totalement. Non, je ne lui ferai pas ce plaisir. Il ne me détournera pas de mon objectif. Je ne réponds pas et fonce brusquement vers les escaliers, déterminé comme jamais. Chaque marche que je monte est un défi silencieux : Victoria ne se perdra pas à cause de mes conneries passées.
Je n’ai plus de temps à perdre. J’ai rendez-vous avec mon destin.
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